Faut-il voir l’impérialisme partout, après Lénine ?

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Faut-il voir l’impérialisme partout, après Lénine ?

Qualifier un État, un gouvernement, voire une nation d’impérialiste est devenu monnaie courante. À tel point qu’il en devient tendancieux de ne pas voir l’impérialisme partout.

Pourtant, avant d’irriguer les slogans appauvris de quelques-uns, il s’agissait – et il s’agit toujours – d’une formidable source de réflexion et de débat pour le mouvement socialiste. Ce galvaudage en bonne et due forme de la notion a pour conséquence la perte de finesse dans l’analyse des conflits, des rapports de force et de coopération sur la planète.

S’il n’y a pas qu’une définition de ce qu’est l’impérialisme, celle que formule Lénine est sans conteste l’une des plus abouties. Bien loin d’y voir la simple qualification d’un État belliqueux, il met en cause les monopoles capitalistes. C’est par l’analyse chiffrée des dynamiques financières qu’il aboutit à cette conclusion, dans L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, publié en 1917.

Parmi les contradictions du système capitaliste, il en est une toute particulière : l’accouchement inévitable de monopoles. Le jeu de la libre concurrence pousse à l’élargissement continu de la production et des investissements, les entreprises plus rapides dans ce processus absorbant les plus petites.

La naissance de ces monopoles suppose des investissements massifs, laissant apparaître un capital financier, fruit du mariage entre capital industriel et capital bancaire. 

En bref, il s’agit pour Lénine d’un stade de développement du système capitaliste ; une question économique et un enjeu historique.

À ce stade, la concentration de la production est si forte qu’elle implique d’aller au-delà du cadre national, trop étroit. Une mondialisation capitaliste, qui, au regard de quelques-uns, aurait permis d’apporter progrès et civilisation. 

Si durant tout un temps l’échange de marchandises dominait, ce sont désormais les capitaux qu’il faut exporter. Excédents oblige. Une belle affaire, puisque ces excédents peuvent être exportés dans des pays où un taux de profit élevé est assuré. Et, au cas où ce taux de profit ne serait plus garanti, tout un appareil étatique peut se charger de changer la donne. Il n’en faut pas plus pour comprendre qu’un monde est à se partager ; dans la discussion, comme par les armes.

Voici toute une conception politique qui, d’accord ou non, permet d’offrir des clefs pour comprendre les dessous d’un conflit économique et militaire. À rebours de celui qui refuse de voir la dimension impérialiste dans l’action de grands groupes ou d’États, comme de celui qui se contente de le voir partout.


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