L’avenir de la SNCF en débat à l’Assemblée Nationale

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L’avenir de la SNCF en débat à l’Assemblée Nationale

Le lundi 9 avril, les débats à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi “pour un nouveau pacte ferroviaire” ont débuté. Les ordonnances ont été éloignées par la mobilisation des cheminots, mais le gouvernement ne souhaite pas pour autant laisser sa place au débat.

La privatisation de la SNCF votée

Le premier article du projet de loi a été voté : il permet à l’État de changer le statut de la SNCF. Actuellement elle est constituée de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) qui ne sont pas ouverts sur le marché des titres et n’ont pas de capital.

Le projet du gouvernement est que la SNCF devienne en 2020 une société anonyme à capitaux publics (dans un premier temps). En effet ce ne serait pas la première fois que l’État transforme un EPIC en société nationale puis cède des titres. Ainsi, des EPIC deviennent des entreprises publiques, puis de simples sociétés privées dans lesquelles l’État investit : c’est ce que l’on appelle privatisation.

Bien que la ministre du transport, Elisabeth Borne, se défende de toute volonté de privatiser la SNCF, le fait est que sa transformation en société anonyme rend la chose possible. C’est d’ailleurs de cette façon les gouvernements successifs s’y sont pris pour privatiser France Télécom, EDF, GDF, et bien d’autres…

La fin du recrutement au statut

Le nouveau statut de la SNCF ne vient pas seul, les futurs recrutements de la SNCF ne se feront plus sous le statut de cheminot.

D’après le gouvernement, dans un système ouvert à la concurrence, la SNCF ne peut pas être la seule entreprise qui embauche des salariés sous ce statut. Et cela s’explique par le fait que dans une logique libérale, les conditions de travail et les salaires doivent être sacrifiés pour permettre aux entreprises d’être plus « compétitives ».

Lire aussi : Le Statut de cheminot

Le rail, du service public au marché

Mardi 10, un deuxième article de loi a été adopté, celui-ci portait sur l’ouverture du réseau ferroviaire à la concurrence. Le débat a été houleux dans l’hémicycle et les députés de gauche, et notamment les communistes, ont fermement exprimé leur analyse des conséquences de cette libéralisation. Dans la réalité l’ouverture à la concurrence sera catastrophique : elle se fera uniquement sur les lignes rentables, car le but des entreprises privées est de dégager du profit.

Or dans un service public qui n’a pas de but lucratif, ce sont les lignes rentables qui permettent de financer les lignes non-rentables. Celles-ci, devenues non finançables, fermeront donc de fait. Une baisse de la qualité de notre réseau est  donc à craindre ainsi que l’augmentation des inégalités territoriales. En 1995, le Royaume-Uni a ouvert son réseau de transport ferré à la concurrence : le prix moyen des abonnements a augmenté de 27 % et les billets y sont 6 fois plus chers qu’en France.

« Après les déserts médicaux, nous voyons poindre les déserts ferroviaires »

a dénoncé Jean-Paul Dufrègne, député communiste

De plus, l’ouverture à la concurrence du fret (le transport de marchandise par train) a détruit ce moyen d’acheminement de marchandises. Il ne représente qu’une part de 10,6 % des marchandises transportées en 2015 contre 29 % en 1985. Or le fret, lorsqu’il était rentable pour la SNCF, reversait ses profits au transport de voyageurs, ce qui permettait aux usagers de payer moins cher leurs billets. De plus ce sont des milliers de camions qui polluent et encombrent les routes qui ont remplacé le transport de marchandises par train !

La dette, l’oubliée de la réforme

Cette séance a aussi vu émerger les questionnements incessants des communistes pour plus de précisions sur le projet du gouvernement de faire disparaître la dette de la SNCF. La ministre a fini par leur répondre que ce sont les contribuables qui paieront la facture. La reprise de la dette de la SNCF par l’État est une chose normale, mais rappelons que la dette de la SNCF n’existe que parce que l’État a forcé l’entreprise à réaliser de coûteux grands travaux sans investir dans l’entretien du service public du rail existant… Pourtant le Président Macron a depuis annoncé que la reprise de la dette ne serait que partielle et qu’elle se ferait à condition que les syndicats acceptent la libéralisation du gouvernement : un vrai chantage !

Les débats sur les détails du projet de loi se sont poursuivis jusqu’au vendredi 13 avril. Le prix des billets et les droits des voyageurs ont été évoqués : les tarifs sociaux (jeunes, familles nombreuses, retraités etc.) seraient maintenus pour les usagers du système ferroviaire mais ce serait à l’État, voire aux régions, de financer le « manque à gagner » subi par les entreprises du ferroviaire qui auront remplacé la SNCF actuelle. L’État donnera donc de l’argent à des entreprises privées dont le but est de dégager du profit, alors que le but de la SNCF était, jusque-là, d’assurer un service de qualité à tous les usagers.

Lire aussi : Entretien avec Laurent Brun, secrétaire général de la CGT cheminots

La question du passage au « tout numérique », c’est à dire la fermeture de nombreux guichets, a aussi été soulevée avec ses conséquences en termes d’emploi et d’accessibilité.

Enfin le gouvernement a fait valoir le « sac à dos social » : un ensemble de mesures censées protéger les cheminots qui seraient transférés vers le privé. De fait ce n’est que de la poudre aux yeux pour faire passer le reste de cette réforme.

Les futures dates à retenir :

Ce projet de loi sera soumis à sa première lecture à l’Assemblée nationale mardi 17 avril. Si ce projet de loi est accepté en l’état, l’ouverture de la concurrence devrait se faire dès 2019 sur certaines lignes de TER hors région parisienne (pour laquelle l’ouverture à la concurrence ne se fera pas avant 2033).


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