300 jours de détention pour Salah Hamouri

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300 jours de détention pour Salah Hamouri

L’avocat franco-palestinien passe aujourd’hui son 300e jour en prison depuis son arrestation le 23 août 2017. C’est la quatrième fois qu’il est emprisonné par les autorités israéliennes, et cette fois-ci sans que la moindre charge ne lui ait été communiquée.

Salah Hamouri victime de l’acharnement israélien

Salah Hamouri est un jeune avocat franco-palestinien, militant dans l’ONG Addameer qui défend les droits des prisonniers politiques palestiniens. Lui-même résident à Jérusalem Est a connu à plusieurs reprises les prisons israéliennes. La première fois il avait 16 ans, il a été détenu pendant cinq mois. Cinq mois également pour la seconde fois, il avait alors 20 ans. La troisième fois, il est accusé d’avoir projeté de tuer un rabbin, contraint de plaider coupable face à une justice partiale, il passera sept ans en prison.  Il a été libéré le 18 décembre 2011 avec 550 autres prisonniers dans le cadre de l’échange avec le soldat franco-israélien Gilad Shalit.

Régulièrement empêché de rejoindre son campus pour poursuivre ses études de droit par l’occupant, Elsa Lefort  l’épouse de Salah subit également le harcèlement des autorités israéliennes. Ces dernières lui refusent longtemps de renouveler son visa, et en 2016 bien qu’elle  soit enceinte et titulaire d’un visa consulaire, elle est expulsée vers la France et interdite d’accès au territoire.

Le 23 août dernier, Salah était donc seul quand une douzaine de soldats sont venus l’arrêter. Il venait juste de devenir avocat.

Une détention arbitraire sans la moindre charge

Tout juste arrêté, sa détention est prolongée de cinq jours, à l’issu de ce délai une nouvelle audience a lieu pour poursuivre sa détention. Incapable de présenter la moindre charge, le juge prononce une libération sous une caution de 10 000 shekels (environ 2400€) et de drastiques restrictions de circulation, notamment l’interdiction de se rendre à Jérusalem. Cependant avant même que son père ait pu payer la caution et finaliser les formalités, il est placé sous le régime de la détention administrative pour six mois par le ministre de la Défense d’extrême droite, Avigdor Lieberman.

Ce régime autorise les autorités occupantes à détenir sans charge une personne pour une durée de six mois renouvelable quasiment indéfiniment.

A l’audience de confirmation de cette détention, Salah est finalement condamné à finir les trois mois de peine qu’il lui restait suite à sa libération anticipée lors de l’échange de prisonniers de 2011. La décision sera cassée en appel et les six mois de détention administrative seront confirmés une première fois avant de l’être à nouveau le 17 septembre. Aucune charge n’est rendue publique lors de ces audiences, le second jugement sera justifié au vu d’éléments figurant dans un dossier classifié… Il est alors accusé d’appartenir à une organisation ennemie, le FPLP (front populaire de libération de la Palestine) selon le porte parole de l’ambassade israélienne en France cité par France 24.

Une forte mobilisation pour sa libération

En France la mobilisation est lancée très rapidement par sa femme Elsa. Militants de la cause palestinienne, famille, amis et élus sont ainsi sollicités pour demander à ce que le gouvernement français intervienne. Le 7 septembre, Laurence Cohen sénatrice du Val-de-Marne dans lequel habite Elsa, écrit au président en dénonçant “la mascarade de la part du système judiciaire israélien” ainsi qu’un “acharnement”. Elle conclut sa missive en demandant au Président pour “qu’Israël respecte le droit international”.

Le 25 octobre, la diplomatie française réagit enfin publiquement se déclarant “préoccupés” et indique “espérer” sa libération. Une réaction timide et bien tardive due à l’extinction des recours judiciaires de Salah Hamouri. Signe que la mobilisation commence à porter ses fruits, le député des Français de l’étranger pour la zone orientale de la méditerranée Meyer Habib, proche de l’extrême droite israélienne se livre à une intervention honteuse à l’Assemblée pour insulter Salah Hamouri. En signe de protestation les députés communistes et insoumis quittent l’hémicycle.

En décembre dernier, le Président de la République reçoit Nétanyahou. Ce dernier est alors particulièrement heureux, sortant renforcé de la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y déplacer son ambassade. La présidence de la république indiquera avoir demandé à ce moment la libération de Salah en janvier.

Le 16 février une soirée de soutien est organisée à Ivry-sur-Seine, dont la municipalité soutient activement la campagne de libération de Salah Hamouri. Cette soirée réunit largement des soutiens issus de tous les champs politiques. Le député LREM de la circonscription, Jean-François Mbaye, sur laquelle réside Elsa, fait parvenir une vidéo de soutien. Le sénateur de Seine Saint Denis Fabien Gay est également présent pour un sujet qui lui tient particulièrement à coeur puisqu’il avait animé la première campagne pour sa libération en tant que dirigeant du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF).

La honte de l’inaction française

Le 26 février, deux jours avant la fin de sa détention administrative, Avigdor Lieberman le ministre de la défense renouvelle la détention administrative pour 4 mois. Ce renouvellement est avant tout un coup dur pour Salah Hamouri, sa femme, son fils et ses soutiens. Ce renouvellement sonne aussi comme un désaveu pour la diplomatie française qui avait demandé sa libération par la voix du Président de la république. L’occasion pour Patrick Le Hyarick, directeur de l’Humanité et député européen communiste, de déclarer :

“Qu’un Etat étranger se permette de maintenir l’un de nos compatriotes, sans le moindre procès et sans même dire ce qu’on lui reproche, est plus proche de la prise d’otage que de la justice.”

La parodie de justice qui suit la décision du ministre de la défense est boycottée par Salah Hamouri, dans un mouvement commun de tous les détenus administratifs palestiniens. Ces derniers estiment, à juste titre, illégal leur détention et refusent donc de comparaître et d’y être représentés légalement. Ce qui n’a pas empêché la “justice israélienne” de confirmer la détention, et de laisser planer un futur renouvellement pour trois mois après le 30 juin.

Fin mai, un rapport d’un groupe de travail de la commission des droits de l’homme des nations unies constate le caractère manifestement arbitraire de la détention de Salah Hamouri, mais également l’inhumanité de ses conditions de détention. Le groupe explique n’avoir obtenu aucune réponse de la part d’Israël. Le rapport pointe d’abord le caractère illégal de l’arrestation de Salah Hamouri, puisque Jérusalem Est n’est pas un territoire israélien. Il pointe ensuite les violations manifestes de la déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle est normalement tenue Israël. Il pointe aussi les conditions de détentions, les difficultés d’accès à l’aide consulaire, mais aussi l’impossibilité pour son épouse de venir le voir. Le rapport se conclut par une demande de libération immédiate.

Quelques jours après la publication de ce rapport, et alors que les soldats israéliens ont massacré plusieurs dizaines de gazaouis désarmés, Emmanuel Macron a reçu pour la deuxième fois Nétanyahou. Toujours pas Elsa Lefort. Le 30 juin Salah arrivera à la fin de la seconde période de détention administrative, le gouvernement français doit agir pour que ce soit la dernière !


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