Airbnb dans la ville, au delà des fausses images

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Airbnb dans la ville, au delà des fausses images

En cette rentrée 2018 sort aux éditions La ville brûle, un ouvrage de Ian Brossat intitulé Airbnb la ville ubérisée.

Ian Brossat est adjoint à la maire de Paris en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence depuis 2014. Né en 1980 en banlieue parisienne, Ian Brossat a été professeur de lettres à Sarcelles. Élu du 18ème arrondissement de Paris, il mène depuis 2014 de nombreux combats à Paris sur les questions de logement. Il a été désigné chef de file du PCF pour les élections européennes de mars 2019.

En 150 pages il fait les constats de son expérience en tant que membre de l’exécutif de la mairie de Paris. Au travers des problématiques que pose l’utilisation d’Airbnb à Paris, Ian Brossat interroge le rôle du numérique dans les métropoles.

L’ouvrage se découpe en plusieurs temps. Dans un premier, Ian Brossat déconstruit les clichés véhiculés par Airbnb. Lorsque des immeubles entiers sont loués à l’année sur de courtes périodes comme des meublés touristiques, on est loin de la chambre en trop que l’on loue pour arranger ses fins de mois. Il montre comment l’intense travail de lobbying de la plateforme en ligne lui permet de conserver une image positive dans une partie du pays alors que les nuisances de ses activités se multiplient, et qu’elle ne paye que 80 000 euros d’impôts pour plus d’un milliard de chiffre d’affaire en France.

Les défis que posent Airbnb sont profondément liés à celui plus global du logement.

Par exemple, aujourd’hui il est difficile de louer un logement. On demande des fiches de salaires, des quittances de loyers… Airbnb peut apparaître comme une solution. Il existe des logements loués pour la nuit, et dont les prix restent convenables pour un mois sur la plateforme américaine. Cependant cela ne garantit aucun droit à celui qui occupe le logement ! L’occupant peut se faire mettre à la porte en une journée. Il s’agit d’une précarité 2.0. L’absence de traçabilité, le refus de coopération avec les autorités de la part de Airbnb incite des réseaux de proxénétisme à passer par ces locations en ligne.

Face à cela, la politique de Ian Brossat à Paris se veut offensive et à l’écoute des habitants. La mairie de Paris multiplie les constructions de HLM, et encadre la construction de nouveaux logements. Le mot d’ordre est clair. Paris doit rester populaire. L’encadrement des loyers est une partie du combat que l’élu mène. Malgré les oppositions successives de plusieurs acteurs de la question, cette mesure doit être remise en place à la fin de l’année 2018.

Le modèle «cool» Airbnb est à revoir. Alors que le côté humain des expériences que l’entreprise propose est mis en avant, elle supprime les messages stockés sur la plateforme quand une location se passe mal. Bien qu’elle récupère une commission sur chaque échange l’entreprise n’aide pas les propriétaires dont l’appartement a été saccagé.

En réalité Airbnb exploite un système utilisé depuis longtemps, et dont les potentialités se sont démultipliées avec l’apparition d’internet.

Deux modèles sont en opposition explique Ian Brossat. Il y a d’abord celui qui est inspiré du «droit à la ville» comme Henri Lefebvre l’appelait. Ce droit est celui de vivre en ville, sans assignation à résidence, d’accéder aux service publics et de participer à la vie de la cité entre autres. Le deuxième modèle est celui néolibéral de “la ville ubérisée”, qui fait correspondre demande et offre selon des algorithmes. La politique n’est pas pensée autrement que comme une exécution des volontés des grandes compagnies dans le modèle néolibéral.

L’ancien professeur explique avec pédagogie tout au long des quatre parties du livre les dynamiques en cours dans les métropoles autour du numérique. A partir des questions de logement Ian Brossat parle des problèmes liés aux GAFA et aux NATU qui correspondent respectivement à Google-Apple-Facebook-Amazon et Netflix-Airbnb-Tesla-Uber. Il s’agit de deux générations de multinationales. Chacune de ces entreprises possède un chiffre d’affaire qui excède celui du PIB d’un Etat. Ils mettent habilement en concurrence les territoires. Alors qu’elles sont domiciliés dans des paradis fiscaux, les dirigeants du monde entier les reçoivent sans rien dire. Elles construisent leurs images avec des budgets considérables. Trop peu de responsables osent s’opposer à leur sentiment de toute puissance.

Aujourd’hui elles font de la ville un nouveau marché pour Ian Brossat. La bataille sera rude, mais elle est déjà engagée un peu partout. Selon l’adjoint à la maire de Paris, en France cette bataille appelle une mobilisation encore plus grande des citoyens, à l’image de l’expérience de Barcelone depuis le début des années 2010.

Ian Brossat propose un livre à prendre comme un outil pour appréhender les bouleversement du numérique. Il propose une réflexion politique sur le numérique dans la ville à partir du logement et de Airbnb, et cela loin des regards béats.

A lire.

Airbnb la ville ubérisée aux éditions La ville brûle – 15euros


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