Catalogne : vers une déclaration d’indépendance ?

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Catalogne : vers une déclaration d’indépendance ?

Le président de la généralité de Catalogne doit s’exprimer ce soir devant le parlement et fait planer la menace d’une déclaration unilatérale d’indépendance.

Une semaine après les violences de la police espagnole contre les électeurs catalans, la situation politique a continué de se tendre et est aujourd’hui totalement bloquée. Retour sur les événements de la semaine passée.

Rajoy, dépassé et discrédité par la situation en Catalogne

Dimanche dernier, la décision d’empêcher par la force le scrutin était aussi dangereuse que contre-productive. Plusieurs centaines de blessés plus tard, des images chocs faisaient le tour du monde. Incapable de proposer la moindre alternative au projet indépendantiste, le dirigeant espagnol s’est semble-t-il fait un devoir d’attiser les tensions dans le pays.

Le soir même alors qu’en Espagne et au-delà, des millions de personnes sont choquées par la violence de la répression exercée toute la journée, le premier ministre espagnol se retranche derrière la loi. Quelle légitimité reste-t-il  à cette loi après une telle journée ?

Quelques jours plus tard, c’est le roi d’Espagne qui prendra la parole. Ce dernier, contesté par les indépendantistes catalans, qui souhaitent une république, a eu des mots très durs et n’a affiché aucune compassion pour les nombreux blessés du dimanche. Le discours légaliste du souverain a repris point par point les arguments de Rajoy.

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Puigdemont président de la Catalogne, indépendantiste jusqu’au bout

Le dirigeant catalan Puigdemont a vivement rejeté les propos du roi, accusant ce dernier de défendre la position du gouvernement. Il appelle pour sa part à une médiation avec l’Espagne, espérant ainsi se poser en égal de Rajoy et entraîner une reconnaissance de fait d’une entité indépendante catalane.

Cependant cette quête de reconnaissance semble vouée à l’échec. Aucun pays de l’Union Européenne n’est prêt à s’engager sur cette voie. Ce serait considéré comme une tentative d’ingérence dans les affaires espagnoles, en plus d’ouvrir une porte à d’autre revendications régionalistes.

La commission européenne a rejeté les appels répétés du gouvernement catalan, et rappelé qu’en cas d’indépendance, la Catalogne ne serait pas automatiquement admise dans l’UE. Le parlement européen qui a débattu de la question mercredi et, tout en condamnant les violences policières, a rejeté le référendum jugé tout autant illégal que illégitime.

Malgré les écueils évidents qui s’opposent à sa démarche, Puigdemont a semble-t-il décidé de maintenir son agenda sécessionniste, porté par des manifestations massives de mardi dernier contre les violences du dimanche.

Blocage politique entre l’Espagne et la Catalogne

La situation semble bloquée. Ni Rajoy ni Puigdemont ne semblent prêts à faire une première concession qui permettrait la reprise d’un dialogue. Alors que le premier a surtout montré son absence totale d’une vision permettant la sortie de crise, le second a perdu son pari.

Le président de la généralité de Catalogne espérait faire du référendum de dimanche, un coup d’éclat qui ouvrirait la possibilité d’une consultation légale. La consultation du premier octobre, n’a, en raison des actions de la police espagnole, pas pu proposer les garanties nécessaires à sa légitimité. Un déclaration unilatérale d’indépendance fondée sur ce vote n’aurait aucun sens.

De l’autre côté, les autorités espagnoles, par la violence employée comme par les multiples procédures judiciaires ouvertes, ont fermé toutes les portes du dialogue. Jeudi le tribunal espagnol, dont la décision contre la tenue du référendum n’avait pas été respectée, a suspendu la séance du parlement catalan de lundi devant proclamer l’indépendance. Dans la foulée Puigdemont a annoncé qu’il s’exprimerait finalement que mardi devant le parlement.

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Fracture déjà consommée entre l’Espagne et la Catalogne ?

Au-delà des dirigeants la société espagnole dans son ensemble est polarisée par les évènements réveillant les franges les plus réactionnaires. Des drapeaux espagnols s’affichent de plus en plus à Madrid et le nationalisme espagnole s’y affiche de plus en plus ouvertement. Le footballeur Gérard Piqué, cadre de la sélection espagnole, a été sifflé lors d’un match de l’équipe d’Espagne pour avoir soutenu la tenue du référendum.

La convocation du chef de la police catalane par la justice pour sédition est révélatrice de la défiance qui s’est installée entre l’administration catalane et le pouvoir espagnol.

A l’inverse en Catalogne, les associations indépendantistes maintiennent la pression. Plusieurs hôtels occupés par des policiers nationaux ont été assiégés pacifiquement jusqu’au départ de leurs occupants.

La Catalogne se divise également

Ce dimanche a été marqué par d’importantes mobilisations dans la rue contre l’indépendance de la Catalogne, notamment à Barcelone. La maire de Barcelone a par ailleurs annoncé son opposition à une déclaration unilatérale d’indépendance.

A mesure que les menaces de sécession se précisent, les plus grands groupes capitalistes ont pris peur et ont annoncé déménager leurs sièges sociales en dehors de la Catalogne. Sur les 7 groupes catalans côtés à l’IBEX35 (équivalent du CAC40), un seul n’a pas déménagé son siège social. Ces annonces, bien que symboliques, ont eu pour effet d’inquiéter des entreprises de plus petites tailles qui cherchent aujourd’hui à faire de même.

Le discours ce soir de Puigdemont sera scruté avec d’autant plus d’attention qu’il risque d’avoir des conséquences immédiates sur la suite de la crise espagnole.


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