Céline Simon: “Pour nous, toutes les colos sont apprenantes”

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Céline Simon: “Pour nous, toutes les colos sont apprenantes”

Après deux mois de confinement, la perspective de prendre des vacances est plus que jamais dans tous les esprits. Mais les mesures sanitaires et les difficultés financières pourraient contrecarrer les plans de nombreux français. Avant-Garde a rencontré Céline Simon, secrétaire du Comité Central du Groupe Public Ferroviaire.

Le secteur du tourisme dans sa globalité est inquiété par la crise financière qui suit la crise sanitaire. De même des milliers d’emplois s’en trouvent menacés. La responsabilité de trouver des solutions va de nouveau reposer sur les structures de tourisme social déjà très sollicitées. Quelles mesures le Gouvernement doit-il mettre en place ?

Il est indispensable de construire un plan d’aide au tourisme social. Les grands groupes du privé ne sont pas dans une situation financière difficile contrairement à ce qu’ils veulent bien nous faire croire, ils font des bénéfices, touchent des dividendes et ont de quoi réinjecter dans leurs structures.

Le tourisme social en revanche ne fait pas de profit, tout est réinvesti. Ce que nous portons, c’est le droit aux vacances pour toutes et tous en mêlant l’intergénérationnel et la mixité des classes sociales. Le tourisme social n’a pas pour but de faire de l’argent, mais bien de permettre au plus grand nombre de partir en vacances.

On lit de plus en plus que le droit aux vacances serait en premier lieu cette année une question de santé publique. Peut-on vraiment en parler en ces termes ?

En effet après cette crise que nous avons traversée et dont nous ne sommes pas encore sortis le droit aux vacances est vraiment une question de santé publique ! Après des semaines confinées, nous avons toutes et tous besoin de prendre l’air. Le confinement ce n’était pas des vacances, de nombreux salariés ont continué à travailler, que ce soit en physique en première ligne ou alors en télé travail. Alors effectivement, l’accès aux vacances, sans forcément partir loin de chez soi, mais le droit de changer d’air doit être une priorité pour cet été et d’autant plus pour les personnes les plus précarisées qui ont subi de plein fouet l’enfermement, parfois à nombreux dans des tous petits logements.

Les enfants vont également être impactés et très directement par la crise économique et sanitaire cet été (réduction des places dans les structures, diminution des durées de congés etc…) quelles propositions portent les élus du CCGPF pour l’été ?

Alors qu’un enfant sur trois n’a pas droit aux vacances en France, le CCGPF a fait du secteur enfance-jeunesse une priorité. Chaque année, il permet à 15 000 jeunes de 4 à 17 ans de partir. Evidemment les conditions actuelles liées à l’application du protocole sanitaire défini par le gouvernement nous obligent à revoir à la baisse ces chiffres, mais nous avons tout mis en œuvre pour que nos colonies puissent se tenir et ce, bien sur, en respectant scrupuleusement toutes les mesures sanitaires.

Se reposer, se détendre, se faire des amis, aller de découverte en découverte, élargir ses horizons… Les vacances sont un temps privilégié d’enrichissement et d’épanouissement dans l’éducation des enfants et des jeunes. À condition qu’ils puissent partir. Pour offrir cette chance à tous, le CCGPF a fait des vacances une priorité. Avec 10 millions d’euros, le budget de l’enfance/jeunesse représente le premier poste budgétaire du CCGPF.

Les protocoles sanitaires ont été annoncés il y a quelques semaines. Les critères d’accès aux séjours s’en sont-ils trouvés modifiés ? Les inscriptions adultes comme enfants sont-elles impactées par la crise ?

Les protocoles sanitaires sont arrivés très tardivement, ce qui ne nous a pas simplifié la tâche et a entraîné du mécontentement aussi puisque nous ne pouvions pas donner d’indication claires aux cheminots sur la tenue de leurs vacances ou des colos de leurs enfants tant que nous n’avions pas les protocoles en question.

Malheureusement oui, la mise en place des protocoles a une incidence sur le nombre de départs en vacances avec le CCGPF. Toutes les mesures ont été mises en place avec le plus grand sérieux par nos salariés pour que toutes et tous passent des vacances sereines et en prenant le moins de risque possible. Mais de fait, les gestes barrières et les mesures de distanciations physiques nous obligent à modifier un peu notre offre. Pour les vacances familiales, notre offre en pension complète a dû être revue, tous nos centres ne permettent pas d’accueillir les mêmes capacités de personnes en appliquant les gestes barrières.

Concernant les colos, la mise en place du protocole nous oblige à réduire notre capacité d’accueil. C’est un véritable crève-cœur pour nous, puisque nous devons déroger à notre politique du « zéro enfant refusé ». Malheureusement, les 1m entre les lits, les sous-groupes d’enfants, les différentes mesures à mettre en place, couplées à l’annulation de nos séjours à l’étranger ne nous permette pas d’accueillir tout le monde.

Mais c’est déjà une victoire et une satisfaction de les avoir maintenue ! Puisque énormément de structures ont fait le choix d’annuler les leurs.

En réponse à la vague de décrochage scolaire qui fait suite à la crise sanitaire, le Gouvernement a lancé un grand projet de “séjours apprenants” pour pallier les retards accumulés ces derniers mois par les élèves. Un label accessible aux mouvement d’éducation populaire et entreprises marchandes a donc été créer permettant de déléguer la gestion de ces séjours. Ces structures sont-elles la solution pour pallier les lacunes accumulées par les élèves ?

Pour nous, toutes les colos sont apprenantes, parce que même si on ne révise pas le programme scolaire on apprend, mais on apprend d’autres choses et on apprend autrement. Les colos sont toujours des expériences marquantes pour les enfants, c’est souvent l’apprentissage de l’autonomie, la vie en groupe, le partage et les échanges.

Le CCGPF propose des colonies thématiques, comme astronomie par exemple, ce qui permet aux enfants de découvrir des activités inaccessibles par ailleurs, ce sont des expériences très enrichissantes. Envoyer ses enfants dans un séjour organisé par le CCGPF, c’est l’assurance de leur permettre de vivre des moments inoubliables. L’organisation et le contenu des séjours reposent sur un projet éducatif. Ce document définit les valeurs et les orientations autour desquelles s’articule l’action du CCGPF. Il repose sur les valeurs de paix et de tolérance, propres aux mouvements social et syndical.

Mais malgré tout ce que je viens de dire, tout ce que nous proposons ne rentre pas dans les critères des « séjours apprenants » du gouvernement. Alors effectivement, si le but est de rattraper le retard éventuel pris par l’école pendant le confinement, nos colos ne rentrent pas dans les critères et c’est tant mieux parce que ce n’est pas leur but. Nous ne réfléchissions pas nos colonies comme un palliatif à l’école et ce ne sera jamais le cas. L’éducation nationale a son rôle, indispensable évidemment, nous tourisme social avons le nôtre et, en l’occurrence, le nôtre c’est l’éducation populaire.

Le vrai problème en réalité c’est l’absence d’un ministère de la jeunesse. Ce serait à ce ministère de réfléchir au quotidien aux différentes problématiques rencontrées par les enfants et les jeunes. Et pas seulement en temps de crise !

Ce qui éviterait d’avoir des propositions en dehors de toute réalité et déconnectées des besoins de la jeunesse.

Les accueils collectifs de mineurs ont été très durement impactés par la crise que nous traversons. Leur équilibre financier s’en voit fortement menacé. Or ils représentent une part très importante de l’offre de séjours à destination des enfants. Quels moyens doivent être mis en place pour les aider à faire face ?

En ce qui nous concerne, l’existence même du CCGPF est une conquête majeure : l’employeur assure le financement des activités sociales et économiques des salariés. La SNCF verse aux CSE une subvention aux activités sociales, sportives et culturelles équivalente à 1,721 % de la masse salariale brute. Les CSE reversent 34,10% de cette somme au CCGPF pour lui permettre d’assurer la gestion des activités sociales à caractère national.

Notre existence a été menacée lors de la réforme mettant en place la nouvelle SNCF au 1er janvier 2020, mais les fédérations syndicales ont réussi à maintenir l’existence du CCGPF malgré le morcellement de l’entreprise en 5 sociétés anonymes.

Nous ne sommes donc pas impactés de la même manière que d’autres structures qui, elles, risquent de mettre la clef sous la porte suite à cette crise que nous vivons. Il y a évidemment un enjeu fort à mettre des moyens pour que continuent à vivre les accueils collectifs de mineurs, si le gouvernement est capable de débloquer 200 millions d’euros pour leur dispositif de colos apprenantes il devrait être capable d’aider les organismes qui font vivre les colonies au quotidien. Tout est une question de volonté politique.


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