Chronique sociale, le Covid-19 prétexte à de nouvelles régressions sociales

publié le dans
Chronique sociale, le Covid-19 prétexte à de nouvelles régressions sociales

Retrouver l’actualité sociale !

Feu vert pour les licenciements de masse 

Une ordonnance du 25 mars a suspendu l’ensemble des délais de recours judiciaires et administratifs. Le ministère du Travail avait déjà procédé à des aménagements en matière de représentation du personnel pour laisser (encore) plus de temps aux employeurs qui n’ont pas encore mis en place de CSE dans leur entreprise. 

Par un décret du 24 avril, Muriel Pénicaud vient mettre fin à la suspension de nombreux délais en matière de droit du travail. Alors que le confinement n’est pas terminé, que tout le monde est encore dans le flou face à une législation d’exception extrêmement mouvante et d’une technicité qui, à certains égards, semble dépasser ses propres auteurs vu les erreurs qui émaillent les communications ministérielles, des délais relatifs à des décisions lourdes de conséquences courent à nouveau. 

Parmi ceux-ci, on notera notamment les délais relatifs aux ruptures du contrat de travail : validation ou homologation des plans de licenciements (PSE) et la validation ou l’homologation des ruptures conventionnelles individuelles et collectives. Les délais administratifs pour le traitement des dérogations aux durées maximales du travail sont également de nouveau ouverts alors même que le décret fixant la liste des entreprises particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la poursuite de l’activité économique et sociale n’est toujours pas paru. 

Un choix politique est clairement fait, celui de permettre au patronat de dégraisser, de licencier en masse, plutôt que d’empêcher la destruction des emplois comme le fait dans le même moment le Gouvernement espagnol. Il n’est en effet pas inévitable de laisser faire des licenciements de masse comme cela se profile actuellement. 

Les représentants du personnel désarmés 

Le Gouvernement ne s’arrête pas là dans son offensive contre les droits des travailleurs. Après avoir ouvert la possibilité aux CSE de se réunir par conférence téléphonique ou messagerie instantanée et aménagé certains délais, comme celui de la consultation avant de recourir au chômage partiel, ce sont désormais les délais pour étudier les mesures prises pour lutter contre les conséquences du Covid-19 dans l’entreprise qui sont passés à la hache. 

Le délai de transmission de l’ordre du jour avant la réunion passe ainsi de 3 jours ouvrables, 8 pour le CSE central, à 2 jours calendaires (dimanche et jours fériés compris donc), 3 pour le CSE central. C’est autant de temps en moins pour permettre aux élus de se réunir pour préparer la réunion du CSE alors même que les conditions de réunion sont aussi rendues plus complexes. 

Les délais pour rendre un avis sont eux encore plus considérablement réduits puisqu’ils passent de 1 à 3 mois selon que l’on ait recours ou non à une expertise, à 8 à 12 jours. Autant dire que l’expertise est rendue quasiment impossible et que les élus sont livrés à eux-mêmes pour se prononcer sur une situation complexe. 

On est donc bien loin de la nécessité d’associer les « partenaires sociaux » et d’organiser la reprise en s’appuyant sur le « dialogue social » affiché par le Gouvernement, le MEDEF et quelques syndicats jaunes. Les représentants des travailleurs sont au contraire totalement écartés de la possibilité d’intervenir alors même que leur expertise du travail réel est nécessaire dans la reprise de l’activité en toute sécurité. 

Offensive contre le temps de travail et les salaires 

L’institut Montaigne, think tank néolibéral, a publié un rapport comptant des propositions « chocs » avec l’argument habituel de la préservation des emplois. La sortie de Geoffroy Roux de Bézieux semble donc avoir été un ballon d’essai pour voir jusqu’où ces gens peuvent aller pour préserver les profits contre la santé et la sécurité des travailleurs. 

Parmi ces propositions, on trouve donc l’augmentation du temps de travail avec paiement différé. Il s’agirait donc de permettre aux employeurs d’imposer des heures supplémentaires, d’augmenter la durée du travail, de supprimer des jours de repos et des congés en ne payant les salariés que plus tard, sur la base de l’intéressement ou d’autres mécanismes qui ne sont pas à strictement parler du salaire. 

Le fond de la proposition est donc de faire travailler plus les salariés tout de suite, jusqu’à l’horizon 2022, semble-t-il, et de les payer de manière différée. Ce qui signifie que dans un premier temps, il s’agirait d’un travail supplémentaire totalement gratuit. 

Le droit au repos est lui-même attaqué avec notamment la proposition de déroger aux 11 heures consécutives par jour ou le rachat imposé de jours de repos. Ce que ces gens proposent donc pour le jour d’après l’épidémie, c’est de mettre en danger les salariés en les privant d’un temps de repos nécessaire pour leur santé, mais aussi à la reconstitution de la force de travail. Dans leur frénésie contre les droits des travailleurs, ces gens en oublient que ce n’est pas en épuisant les travailleurs que l’on relancera l’économie.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques