Derrière la réforme des IUT, l’austérité et l’enseignement privé

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Derrière la réforme des IUT, l’austérité et l’enseignement privé

Les IUT délivreront désormais un bachelor en trois ans qui remplace le DUT en deux ans. Une évolution qui s’inscrit dans la logique de gestions de flux et vient créer une confusion avec les offres privées. 

Explication de la réforme

Les Instituts universitaires de technologie sont avec les BTS des formations à niveau bac +2. Cependant à l’inverse des BTS, les élèves suivant une formation en IUT poursuivent pour la très large majorité leurs études après. Ces poursuites d’études se font souvent en licence professionnelle qui apparaît pour une grande partie des élèves comme un débouché naturel de ces formations. Une part non négligeable des près de 120 000 élèves que comptent les établissements, poursuit toutefois vers des écoles d’ingénieurs, de commerce ou des licences classiques en vue d’un parcours vers un master. 

La réforme approuvée en septembre dernier par les IUT vise à modifier la formation délivrée pour la faire rentrer dans le système LMD (licence, master, doctorat). Contre une évolution très modeste du volume horaire d’enseignement, le DUT (diplôme universitaire de technologie) disparaîtrait dans un BUT (bachelor universitaire de technologie) en trois ans. Ce diplôme aurait valeur d’une licence professionnelle sans en porter le nom.

Une logique de gestion de flux

Derrière cette réforme se cache en réalité la même logique de gestions des flux de bacheliers qui a conduit à la mise en place de Parcoursup. La mise en place de la sélection à l’entrée de l’université avait conduit à réserver des « places » en BTS aux élèves issus de bacs professionnels. Les élèves issus de bacs technologiques se trouvaient eux en concurrence avec les bacs généraux aussi bien pour les places restantes de BTS, que dans les IUT ou la fac. 

Les IUT avaient acquis par l’encadrement important des élèves une très bonne réputation aux yeux des élèves qui avaient l’intention de poursuivre des études longues. Ils sont perçus comme moins déstabilisants que la fac, entraînant une rupture plus douce avec le lycée. De nombreux élèves visaient les IUT pour la qualité de leur enseignement et leur encadrement plus que pour le diplôme final délivré construisant à partir de là un parcours vers un bac +5.

La réforme vient finalement réaffirmer le rôle de formation courte des IUT afin qu’ils représentent un débouché pour la poursuite d’études des bacheliers technologiques. Au passage, le volume horaire annuel est réduit et l’encadrement avec. Un minimum de 50 % des élèves devra venir d’un bac technologique (contre 32,5 % actuellement) et pour ces derniers le taux de réussite sera fixé à au moins 70 %. Il est donc probable que le niveau exigé dans les IUT soit revu à la baisse pour parvenir à ces objectifs étant donné que même si le volume horaire est lissé sur trois ans au lieu de deux, il augmente finalement assez peu. 

La question est de savoir vers quel type de formation vont se tourner les élèves de bac généraux qui ne trouveront plus leur place dans ces établissements. À gérer les flux sans augmenter suffisamment les places dans l’enseignement supérieur, le ministère laisse toujours un peu de plus de place à l’enseignement privé.

Bachelor, un cadeau à l’enseignement privé ?

L’utilisation du terme bachelor peut d’ailleurs être vu comme un joli cadeau à l’enseignement privé. Ce terme jusqu’à présent pas utilisé par l’enseignement public qui utilisait les intitulés des diplômes nationaux qu’il est le seul à pouvoir délivrer, licence, master et doctorat. Le terme bachelor était lui largement utilisé par des formations privées de qualité variable reprenant le terme anglo-saxon pour légitimer la délivrance d’un certificat qui n’était même pas nécessairement reconnu comme un grade par l’état. Son utilisation par l’enseignement public vient donc créer une confusion entre un diplôme national et une certification privée. 

Cette confusion devrait être renforcée par la possibilité qu’a ouvert le gouvernent de permettre à certains bachelors privés de délivrer le grade licence. Si les critères pour l’instant retenus devaient limiter à quelques formations seulement cette possibilité, la confusion risque en revanche de s’accroitre pour les élèves et leurs familles. Les effectifs de l’enseignement privé connaissent une croissance soutenue depuis 20 ans. Dans le même temps, l’enseignement supérieur public ferme ses portes à des milliers de bacheliers chaque année. Derrière cette réforme de l’IUT, c’est la poursuite des logiques d’austérité et de sa gestion qu’on observe. En parallèle, un véritable marché de l’enseignement supérieur privé est mis en place profitant des carrences de l’enseignement public. 


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