Européennes, LREM a Macron pour programme

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Européennes, LREM a Macron pour programme

En tête dans les sondages, la liste LREM conduite par l’ex-ministre Nathalie Loiseau, ne s’illustre pas sur ses propositions. Quel est le projet d’En Marche pour les européennes ?

Un site internet avec Macron pour principal argument

Renaissance. Officiellement, il ne s’agit pas d’un slogan de campagne, ni du nom de la liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes. Il s’agit selon le site officielle, disponible dans toutes les langues de l’UE, d’un “projet”, “une vision”, “un appel” et “une plateforme d’action” bien évidemment “citoyenne”. Le site répond à tous les standards d’un site politique moderne, une vidéo plein écran, et une invitation permanente à laisser son contact. Les communicants de la République en Marche sont bons. Le logo de la République en Marche n’apparaît cependant nul part. À l’inverse le nom d’Emmanuel Macron figure en bonne position, juste après la liste des trente premiers candidats, en amont de sa lettre aux “citoyens d’Europe”.

Sous le titre “Pour une renaissance européenne”, le Président de la République avait livré sa pensée complexe en matière européenne dès le 5 mars, bien avant que Nathalie Loiseau dévoile sa candidature. Cette lettre, également présente sur le site de l’Elysée, fait office de programme à la liste. Il existe bien un onglet “notre projet”, dont les premiers mots sont :

“Nous soutenons l’appel d’Emmanuel Macron du 5 mars 2019 car :”

Voilà.

La liste LREM, Modem et agir_ est avant tout celle du Président, destinée à incarner la parole présidentielle au Parlement européen. La seule mention à la REM réside dans les mentions légales liées à la prise de contact. Il faut remonter au premier article publié sur le site pour savoir que Renaissance est une initiative de LREM et du Modem. Il faut aller sur le site du parti du ministre de la Culture, pour savoir que agir_ soutient cette liste. Aucune mention d’une formation européenne n’apparaît, les différentes déclinaisons linguistiques du site ne parviennent pas à cacher le fait que le Président de la République est particulièrement isolé sur le plan européen.

Un programme de droite

La parole présidentielle remplace le programme électoral. Dans sa lettre aux citoyens européens du 5 mars dernier, Emmanuel Macron développe un certain nombre de propositions pour l’Union européenne. On retrouve certains axes de ces premiers discours sur le sujet au début de son quinquennat avant que le blocage post-électoral en Allemagne, le changement de gouvernement en Italie et l’enlisement du Brexit douche ses ambitions. Les propositions sont globalement nettement plus terre-à-terre que celles déployées en 2017.

Le vocabulaire employé, peine à constituer une identité “progressiste” tant il est emprunté à la droite. “Défendre notre liberté”, “protéger notre continent” et “retrouver l’esprit de progrès”. Le mot progrès peine à masquer que la lettre du Président reprend tous les thèmes chère à la droite de l’échiquier politique.

La défense de la liberté prend la forme de trois propositions, la création d’une Agence européenne de protection des démocraties, dans le but de fournir des experts en charge d’une protection contre les cyberattaques et les manipulations. Une proposition en écho aux accusations de campagnes de déstabilisations qui mènent la Russie, mais qui résonne bizarrement sous la plume d’un Président dont plusieurs conseillers sont accusés d’animer des opérations similaires (de moindres envergures) sur Twitter. L’interdiction du financement des partis politiques par des puissances étrangères vise ici directement le Rassemblement national qui bénéficie de prêts de banques russes, le Président n’entend toutefois pas limiter les collectes de fonds auprès des expatriés dont il avait largement profité pour 2017. Le bannissement des discours de haine et de violence sur internet conclut cette partie sans qu’une proposition concrète en la matière soit formulée.

Un discours antimigrants

La protection du continent passe par une “remise à plat de l’espace Schengen” pour que “face aux migrations” il y est “une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières”. L’opposition avec les “nationalistes” semble ici avoir disparu. Un conseil européen de sécurité intérieur aurait la charge d’une police des frontières communes afin d’assurer un “contrôle rigoureux des frontières”.

Emmanuel Macron veut également un conseil de sécurité européen, afin d’assurer “l’augmentation des dépenses militaires” tout en restant en lien avec l’OTAN.

Le troisième volet de cette “protection du continent” est économique avec la volonté affichée de mettre en place un sorte de protectionnisme à l’échelle de l’UE sur le modèle de ce que fait Trump. Une position en forme de changement tant le président avait pourfendu son homologue américain pour défendre le libre-échange et qui oublie les disparités des économies des différents états membres de l’UE.

Un programme faible sur les plans sociaux et environnementaux

“Retrouver l’esprit de progrès”, l’expression est paradoxale. Le “progrès” sous-entend d’aller vers quelque chose de mieux, de futur, quand “retrouver” vient finalement s’inscrire dans les théories d’un paradis passé désormais perdu. On trouve dans cette partie tout ce qui ne tenait pas dans les autres. Un volet social d’abord avec la proposition d’un “bouclier social” afin d’assurer une rémunération égale sur un même lieu de travail, une réponse au travail détaché. L’idée d’un salaire minimum européen, “adapté à chaque pays” est également mise sur la table, même si l’évocation de 50% du revenu médian comme base par Nathalie Loiseau fait de cette proposition une maigre avancée.

Le volet environnemental n’a rien de révolutionnaire et reste dans le consensuel, “une banque européenne du climat pour financer la transition écologique” tant pis si pendant ce temps la BCE continue de financer les industries les plus polluantes. L’évaluation indépendante des substances dangereuses et une “force sanitaire européenne” pour le contrôle des aliments complètent cette thématique. Étrangement la création d’un conseil européen de l’innovation en charge de faire émerger des monopoles européens du numérique face à ceux des Etats-Unis fait également partie de “l’esprit de progrès”. Une étrangeté suivie par une autre, la création d’un “pacte d’avenir” avec l’Afrique, qui ne semble pas vraiment rompre avec les pratiques actuelles.

Enfin le programme d’Emmanuel Macron pour l’Union européenne se conclu par un appel à l’organisation d’une “Conférence pour l’Europe” associant citoyens, syndicats, universitaires, mais aussi “représentants religieux et spirituels” pour changer les institutions et les traités européens afin de mettre en œuvre le programme énoncé. Une approche pour le moins curieuse, alors que la plupart des gouvernements de l’UE n’ont pas souhaité donné suite aux propositions françaises en la matière et ces derniers restent au centre de toute révision des traités.

Macron isolé à l’échelle européenne

La position du Président français à l’approche de cette élection européenne ressemble à un énorme coup de bluff. La plupart des propositions déployées dans son programme sont des propositions pour lesquelles il a déjà essuyé un refus de la part des autres pays membres. La future configuration du Parlement européen ne devrait pas augmenter son rapport de force, au contraire selon les sondages qui prévoient une percée de forces réactionnaires qui lui sont hostiles. Le programme semble donc être davantage un support visant à tenter de reproduire la mobilisation dans son camp de l’effet 2017 qu’une véritable feuille de route pour les futurs eurodéputés de la majorité présidentielle.

Ces derniers seront d’ailleurs a priori bien isolés au Parlement européen où la REM peine à trouver des alliés qui lui correspondent. Si le mouvement a annoncé rejoindre l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), la formation est loin d’occuper un rôle central au Parlement comme peuvent le faire le Parti Populaire Européen, ou le Parti socialiste européen. En Marche y sera vraisemblablement la plus grosse composante et si le bipartisme devrait s’affaiblir, le PPE et le PSE resteraient les deux principales composantes du parlement.


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