Georges Politzer, une philosophie de classe

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Georges Politzer, une philosophie de classe

En ces temps de confinement, le président de la République prend un malin plaisir à nous rappeler qu’il est temps de s’instruire pleinement et de se cultiver. Ces mots sont notamment destinés aux jeunes pour qui les établissements scolaires sont fermés depuis maintenant plus d’un mois.

Il y’a pourtant des femmes et des hommes qui ont, parfois au prix de leur vie, mis tout leur cœur et leur temps pour donner aux travailleurs, aux travailleuses et aux jeunes de quoi étudier et comprendre le monde pour mieux le changer. Georges Politzer en faisait partie, et c’est le moment de s’emparer de ses œuvres et plus particulièrement de son livre Principes élémentaires de philosophie.

Une explication claire de la philosophie matérialiste

Durant la seconde partie de sa vie qu’il consacra au Parti communiste, Politzer s’est attaché à expliquer d’une manière limpide la philosophie matérialiste. Cela passe notamment par son ouvrage « Principes élémentaires de philosophie » réalisé en 1945. Ce n’est pas lui qui a écrit ce livre, mais ses anciens élèves de l’université Ouvrière Jean Kanapa et Maurice Le Goas, à partir de notes qu’ils avaient prises. Cet ouvrage a été édité pendant de très nombreuses années par les Éditions sociales et a été traduit dans de nombreuses langues. Dans la première édition, l’un de ses anciens élèves écrivait : 

« Dès le début, Georges Politzer se chargea d’enseigner à L’Université Ouvrière la philosophie marxiste, le matérialisme dialectique : tâche d’autant plus nécessaire que l’enseignement officiel continuait d’ignorer et de dénaturer cette philosophie. Aucun de ceux qui eurent le privilège d’assister à ses cours — il parlait chaque année devant un nombreux auditoire où se mêlaient tous les âges et toutes les professions, mais où dominaient les jeunes ouvriers — n’oubliera l’impression profonde que tous ressentaient devant ce grand garçon roux, si enthousiaste et si savant, si consciencieux et si fraternel, si attentif à mettre à la portée d’un public inexpérimenté une matière aride et ingrate. »

Cet ouvrage doit être mis à la portée de tous les jeunes, de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses. Pour l’anecdote (qui n’en est une que sur la forme), ce livre fut le premier à être interdit par le régime militaire instauré en Turquie en 1980 et des détenus de la prison française de Fleury-Mérogis ont reçu un refus à leur demande de disposer des ouvrages de Politzer pour les lire. Ce bouquin est à la portée de tous et toutes et est d’une simplicité assez déconcertante.

Le manuel du matérialisme

Dès les premières pages, une chose saute aux yeux : le livre est construit de manière très intuitive. Il est départagé en six parties qui contiennent elles-mêmes de courts chapitres. Au sein de ces chapitres figurent de simples questions auxquelles il répond parfois en quelques paragraphes, parfois en quelques pages. Toutes les parties se terminent sur une conclusion qui récapitule les idées importantes évoquées ainsi que sur une page appelée « question de contrôle ». Cette page n’est en réalité qu’une liste de petites questions qui permettent de voir si la partie a bien été comprise du lecteur. Ce livre peut être pris comme un petit (mais néanmoins exhaustif) manuel d’entrée dans la philosophie matérialiste. En somme, dans ce livre, une partie est une leçon dédiée à un aspect bien précis de cette même philosophie. C’est un concentré de réponses aux questions plus ou moins complexes que l’on peut se poser.

 Quand il est demandé à Politzer  : pourquoi devons-nous étudier la philosophie ? Il répond : 

« Parce que le marxisme est intimement lié à une philosophie et à une méthode : celle du matérialisme dialectique. Il est donc indispensable d’étudier cette philosophie et cette méthode pour bien comprendre le marxisme et pour réfuter les arguments des théories bourgeoises autant que pour entreprendre une lutte politique efficace. »

Dans cet écrit centré autour du matérialisme et de la dialectique, il est expliqué clairement ce qu’est la matière et l’esprit, ce qu’est l’idéalisme et le matérialisme, mais aussi d’où viennent ces deux philosophies. Il est également question de l’Agnosticisme et des différentes formes de philosophies qui auraient pour but de faire le pont entre les deux principales. Que signifie être matérialiste dans le domaine de la pensée puis de la pratique ? D’où viennent l’idéalisme et la religion ? Comment est né le matérialisme dialectique ? Qu’est-ce qu’une idéologie ? Tant de questions qui trouvent réponse au cours des différents chapitres. 

Le livre pousse aussi le lecteur à agir. En effet, de nombreuses pages sont consacrées au rapport entre la théorie et la pratique, et ce, à partir des mots de Lénine : 

« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » 

Plusieurs thèses bien connues de l’idéalisme développées par l’évêque anglais Berkeley (considéré comme le père de l’idéalisme) sont vulgarisées et réfutées. C’est là un magnifique effort de synthèse et d’explication. C’est une porte d’entrée (et de quelle taille, cette porte) dans la philosophie et dans le monde de la pensée critique. Et surtout, pas de crainte, quand il est demandé à Politzer si l’étude de la philosophie est difficile, il répond tout simplement : 

« On pense généralement que l’étude de la philosophie est pour les ouvriers une chose pleine de difficultés, nécessitant des connaissances spéciales. Il faut bien dire que la façon dont sont rédigés les manuels bourgeois est bien faite pour les confirmer dans ces idées et ne peut que les rebuter. »  

Ce livre prend le contre-pied de la philosophie officielle qui nous est apprise et qui n’occulte que trop certains aspects de la matière.

Voici donc un livre à lire, un livre qui synthétise le travail d’un Homme au destin tragique. Un Homme dont la vie a pris la fulgurance de l’éclair. 

Georges Politzer est né en Hongrie le 3 mai 1903, arriver en France à la suite d’une révolution avortée à laquelle il participa les armes à la main. Communiste convaincu, il donna sa vie au Parti communiste et au marxisme. Il est torturé puis fusillé le 23 mai 1942 au Mont-Valérien avec ses camarades. Son travail, son ambition de mettre à la portée de tous et toutes la philosophie marxiste se retrouve dans cet ouvrage, alors, tous à nos Principes élémentaires de philosophie.


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