Grand débat, une mise en place fumeuse au résultat déjà décidé

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Grand débat, une mise en place fumeuse au résultat déjà décidé

Lancé par le Président de la République par une lettre au français, le grand débat doit permettre de sortir de la crise des “gilets jaunes”. Outre les questions biaisées, la mise en place s’avère fumeuse et la finalité loin des objectifs affichés.

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Une mise en place fumeuse

Si les questions posées laissent déjà penser que le débat sera faussé, son organisation le confirme. Décidé dans la précipitation, l’organisation du grand débat est déjà en lui-même un feuilleton. Dans sa pratique césariste du pouvoir, Emmanuel Macron caresse l’illusion d’un échange entre lui et le “peuple”. La réalité fait qu’il n’est pas possible pour un seul homme de discuter avec plusieurs millions d’autres.

Deux assemblées élues permettent normalement le débat au niveau national, le Président de la République s’emploie cependant à les marginaliser autant qu’il est possible. Le débat prendra donc la forme de contributions sur un site web, et de réunions publiques organisées par les services de l’Etat. Une telle débauche de moyens d’Etat pour faire entendre la voix du gouvernement à quelques mois d’échéances électorales a légitimement interrogé. L’exécutif s’est donc trouvé à inventer des solutions pour faire paraître son grand débat comme autre chose qu’une gigantesque opération d’autopromotion.

La présidente de la commission nationale du débat public, Chantal Jouanno, ex-ministre sarkozyste a été sollicitée avant de démissionner face à une polémique sur sa rémunération. Deux ministres ont donc été désignés pour assurer l’organisation de ce grand débat tandis que cinq “sages” ont été nommés pour assurer un semblant d’intégrité à ce débat.

Deux de ces sages ont été nommés par le Premier ministre, un par le président du CESE (membre du medef), un par le président de l’Assemblée Nationale (LREM) et un par le président du Sénat (droite). Un gage de représentativité et de diversité d’opinion jamais vue auparavant.

Ces cinq “sages” interviendront à titre bénévole et n’auront qu’un impact très limité sur l’organisation du débat. Faiblement doté en moyen, aucune mission précise ne semble leur avoir été confiée. Ils indiquent ainsi qu’ils observeront attentivement, ce qui rassure. Ils devront également traiter les contributions envoyées et issues des débats locaux, mais les conclusions seront rendues par le Président de la République et le Premier ministre…

Et pour une suite déjà décidée ?

Ce grand débat, repose sur des questions et une organisation tout aussi partiale. Malgré cette assurance pour l’exécutif de ne pas se voir trop bousculé, il semble que même la conclusion de ce débat soit déjà prévue.

Il semble que loin de réellement “transformer les colères en solutions” le grand débat doit surtout servir à l’exécutif à reprendre la main et reprendre son rythme soutenu de casse des droits collectifs et des services publics.

Le gouvernement étudie déjà la possibilité de lancer plusieurs projets de loi qui seraient labellisés “grand débat” afin de leur donner une légitimité nouvelle. On imagine déjà les débats dans les chambres parlementaires, quand les ministres répondront aux parlementaires de l’opposition qu’ils ont l’onction populaire pour leurs projets.

La piste d’un référendum sur les institutions, afin de faire passer la révision constitutionnelle dont l’examen par les parlementaires avait cessé à cause de l’affaire Benalla est également envisagée. Concomitant au scrutin européen, ce référendum qui diminuerait le nombre de parlementaires, permettrait d’éviter les débats sur l’UE. En cas de victoire du référendum, le Président aurait à la fois rattraper le temps perdu par les affres de son ancien garde du corps et pourquoi pas réussi à masquer l’éventuelle défaite de son parti qui semble se profiler.

Les aspirations populaires et démocratiques ne semblent devoir trouver aucune solution dans ce grand débat.


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