Grenelle des violences conjugales, un nouveau rendez-vous manqué

publié le dans
Grenelle des violences conjugales, un nouveau rendez-vous manqué

Annoncé fin juin suite à la médiatisation croissante des assassinats de femmes par leurs conjoints, le grenelle a débuté par un discours du premier ministre livrant quelques annonces.

Une organisation contestée

Le grenelle conduit par Marlène Schiappa secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a été contesté dès son annonce. D’abord parce qu’il a été décidé sous la pression médiatique d’une indignation croissante face aux assassinat de femmes par leur conjoint. Ensuite parce que les problèmes dans l’action publique face aux violences conjugales sont connus, identifiés et dénoncés depuis longtemps. Enfin parce que des associations reconnues pour leur engagement n’ont pas été invité.

Le rendu des conclusions de ce grenelle prévu pour le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, sent également l’opération de communication. D’autant qu’une telle durée pour ce grenelle apparaît un peu artificielle, les enjeux et problématiques étant pour la plupart connus. Les coupes budgétaires précédentes et la politique d’austérité menée par le gouvernement n’incitent pas non plus à la confiance, alors que les associations réclament un milliard d’euros de budget.

Les annonces insuffisantes du premier ministre

Edouard Philippe a pris la parole mardi dernier pour annoncer dix mesures qualifiées d’urgentes. Une manière de répondre aux critiques sur ce grenelle et sa temporalité. Des mesures qui vont de la création de 1000 places d’hébergement et de logement à des démarches d’audit et de formation des policiers. La plupart des associations regrettent cependant l’absence d’engagement budgétaire réellement à la hauteur des enjeux. 

Sur le site du ministère de la justice on trouve également une dizaine de mesures, comme une meilleure articulation des dispositions existantes afin d’assurer une réactivité plus grande de l’institution judiciaire. A terme cela devrait ouvrir la possibilité d’éloigner un conjoint y compris par la pose d’un “bracelet anti-rapprochement” mais également d’utiliser davantage les téléphones grave danger actuellement sous utilisés. Reste que sans moyens supplémentaires, les tribunaux déjà engorgés devraient peiner face à ces nouvelles responsabilités. 

Le personnel judiciaire est également encouragé  à recourir davantage aux ordonnances de protection. Ces dernières permettent aux juges des affaires familiales d’interdire la rencontre de certaines personnes, le relogement de la victime, l’éviction du domicile ou encore une modification de l’exercice de l’autorité parentale. Là encore, l’ordonnance de protection pour être efficace nécessite que la police puisse se rendre disponible pour la faire respecter.

L’autorité parentale est également au coeur de plusieurs réflexions du gouvernement. Les juges seront davantage incité à ce saisir de la possibilité de suspendre l’exercice de cette autorité par le conjoint violent. Cette suspension pourra être modulée en retirant certains attributs et en laissant d’autres. En cas d’assassinat, l’exercice de l’autorité parentale sera suspendue pour le conjoint mis en cause. Les droits de visites seront mieux encadrés avec, là encore, une incitation plus grande pour les juges à prévoir des espaces de rencontres et l’accompagnement par un tiers. 

La police face à ses défauts

L’audit annoncé de 400 commissariats pour recenser les dysfonctionnements dénoncés depuis longtemps par les associations sans être inutile manque sans doute d’ambition. Le manque de formation et de moyens dans les commissariats et les gendarmeries sont largement connus. Le jour même du lancement du grenelle, le président a ainsi assisté lors d’une double écoute au 3919, au refus d’un gendarme de prêter assistance à une victime. 

Si l’insuffisance de l’accueil reçu par les victimes dans les commissariats et les gendarmeries n’est nié par personne, les solutions pour y remédier sont loin d’être partagées. Outre le besoin de renforcer les effectifs face aux nombres de missions croissantes des forces de l’ordre, se pose également la question d’une certaine culture présente chez les forces de l’ordre. Pour ces dernières, l’intervention dans la sphère familiale ne tombe pas nécessairement sous le sens. 

Les “grilles d’évaluation du danger” pour aider les agents d’accueil pourraient constituer une première réponse. La possibilité de déposer plainte directement depuis l’hôpital est intéressante mais nécessitera là aussi d’importants moyens alors que les services d’urgences des hôpitaux connaissent un mouvement de grève inédit pour dénoncer le manque de… moyens.

Les moyens et la prévention absents des annonces

Les deux grands absents de la série d’annonces pour cette ouverture du grenelle contre les violences conjugales sont les moyens et la prévention. Les moyens sont pourtant le nerf de la guerre de toute politique. Actuellement trop peu d’argent est mis sur la table pour faire fonctionner l’existant mais également créer des dispositifs nouveaux. Les formations annoncées comme les places supplémentaires en hébergement et logement d’urgence nécessitent des moyens que pour l’instant le gouvernement ne semble pas prêt à mettre.

La prévention largement absente des annonces du premier ministre devrait pourtant être un des points prioritaires. L’abandon d’une politique volontariste de lutte contre les stéréotypes sexistes à l’école est très regrettable. C’est dès le plus jeune âge que les violences sexistes doivent être combattues. Là encore des moyens sont nécessaires pour proposer, outre une déconstruction des préjugés, une véritable éducation à la vie affective et sexuelle. 


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques