Janvier 2015 : le procès des attentats après deux mois

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Janvier 2015 : le procès des attentats après deux mois

Le procès des attentats terroristes de janvier 2015 s’est poursuivi dans sa huitième semaine. Les accusés et les témoins n’ont pas permis de comprendre l’accusation des armes des terroristes, et le principal accusé s’est contredit tout en cédant à la colère et au cri. Le contexte du procès est quant à lui marqué par le terrorisme islamiste.

Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez

Ils constituent à eux deux ce qui est nommé la « filière ardennaise » des différents trafics d’armes qui auraient armé les terroristes des attentats de 2015. Ils possèdent un garage dans la banlieue de Charleville-Mézières qui d’après plusieurs témoins est accusé par la rumeur d’être une place de vente d’armes. 

Les deux accusés ont été en lien avec Metin Karasular et Michel Cutino les accusés de la « filière belge », mais également avec Ali Riza Polat.

Par ailleurs, Abdelaziz Abbad a déclaré avoir peut-être vu Saïd Kouachi, qui lui aurait demandé des armes, avant d’expliquer que finalement ça ne pouvait pas être le cas. Son associé lui, reconnaît au moins une rencontre, le beau-frère de Saïd Kouachi vivait dans le coin. Selon ce dernier, cette rencontre aurait concerné l’achat de pneus. 

L’enquête n’a fait émerger que deux armes, un fusil de chasse à canon scié dont un témoin a reconnu être le propriétaire et un revolver que Martinez assure avoir acquis pour se protéger. Ce dernier a également tenu à ce que sa pratique religieuse soit évoquée. Grand, barbu et en possession de plusieurs ouvrages sur la pratique religieuse, il est soupçonné d’être radicalisé. Lui explique s’être converti à la mort de son père et que s’il a une pratique religieuse régulière, il dément tout extrémisme ou radicalité dans sa religiosité. L’accusation de son beau-père — raciste — de s’être esclaffé devant une vidéo de décapitation s’est effondrée quand il s’est avéré que la scène en question ne représente pas une décapitation et surtout est issue d’un film. 

Les deux hommes sont décrits comme confus à la barre. Abbad se montre particulièrement changeant, il a changé plusieurs fois de versions au cours de ses auditions. Il est même difficile de comprendre s’il reconnaît avoir vendu des armes ou non. Il explique avoir tenté de monter un trafic de stups avec Metin Karasular en y associant Miguel Martinez. Ce trafic aurait conduit ce dernier à récupérer un sac d’armes « rouillées » ou « pourries » selon les versions qui aurait été refusé par Amedy Coulibaly et Ali Riza Polat. Miguel Martinez l’aurait fait pour « rendre service » à Abdelaziz Abbad. Ce dernier a par ailleurs été condamné pour complicité d’assassinat. 

Ce sac d’armes, qui auraient fini dans la Meuse ou détruites, intéresse l’accusation, car son itinéraire pourrait faire apparaître un réseau qui aurait pu être celui utilisé pour faire parvenir leurs armes à Amedy Coulibaly, mais peut être aussi aux frères Kouachi. Ce sac aurait été l’objet d’une transaction entre Metin Karasular et Amedy Coulibaly accompagné d’Ali Reza Polat à Charleroi en Belgique. Les armes se seraient en réalité avérées de mauvaises qualités et Amedy Coulibaly les aurait refusées. Ces armes seraient stockées chez Ali Riza Polat qui selon les versions, chercheraient à les vendre ou à les acheter. Elles seraient finalement ramenées dans les Ardennes par Miguel Martinez qui l’a reconnu à l’audience. Cette histoire de sac possède plusieurs versions par accusés, alors même que l’accusation a la certitude que ces armes n’ont pas servi aux attentats.

Une fois de plus, l’obscurité des récits livrés par les accusés n’est pas éclaircie par les auditions des différents témoins. Ces derniers changent de version, se contredisent entre eux et même pour certains semblent craindre une inculpation. Le transport du sac d’armes qui ne convenait pas semble toutefois être admis par plusieurs accusés. Le mystère demeure sur ce qui a suivi cette première livraison. A-t-elle été suivie d’une seconde, — par la même filière — acceptée par Coulibaly ?

6 jours d’audiences

La semaine dernière, la cour d’assise spéciale s’est également réunie pour entendre plusieurs témoins qui pour diverses raisons n’avaient pas pu déposer au moment initialement prévu. 

Cette journée a débuté sur un retour sur les dommages psychologiques provoqués par les attentats sur les victimes et leurs familles, mais également les témoins directs, dont un grand nombre de policiers traumatisés par la mort de leur collègue Ahmed Merabet. Une victime retenue en otage par Amedy Coulibaly dans l’hyper cacher s’est également présentée pour livrer son récit des événements après avoir indiqué n’avoir pas réussi à venir lors de sa convocation initiale. Divers experts appelés par les parties civiles ont également pu présenter leurs travaux à la cour particulièrement sur le processus de radicalisation.

La veille, un autre témoignage avait secoué la cour. Celui de Peter Cherif, un vétéran du djihad, passé par Al-Quaeda Yémen et soupçonné d’avoir été l’interlocuteur des frères Kouachi. Il commence sa déposition en citant le Coran, en invitant à reconnaître Dieu et son prophète Mohamed et ne lâchera plus un seul mot malgré les questions du président et d’un avocat d’une partie civile. Un mutisme qui tranche avec les procès-verbaux issus de ses auditions lors de son arrestation à Djibouti, où il affirmait avoir renoncé au terrorisme et voulait collaborer.

Ali Riza Polat

Il est le seul à être accusé de complicité pour les crimes commis par les trois terroristes responsables des attentats de janvier 2015. Il encourt la prison à perpétuité pour plusieurs chefs d’accusation. Il est également probablement l’accusé le plus bruyant et certainement pas le plus clair. 

Son audition a débuté lundi et s’est achevée mardi. Deux jours pour tenter de démêler le vrai du faux et essayer de comprendre le rôle joué par Ali Riza Polat.

D’emblée — malgré un rappel du président — Ali Riza Polat a explosé. Les journalistes décrivent une explosion verbale, mélangeant récits des faits, justification, contestation des éléments dégagés par l’enquête — souvent sans réelle justification — dans un déchaînement verbal indigeste. 

Yannick Haenel — qui chronique le procès pour Charlie Hebdo — livre son sentiment face au show de l’accusé avec toute la justesse de sa plume. Vous pourrez également profiter des excellents dessins de François Boucq.

https://charliehebdo.fr/2020/10/proces-attentats/quarante-et-unieme-jour-ali-riza-polat-jai-fait-tout-ca/

La mère et le petit frère d’Ali Riza Polat le défendent sans réellement concourir d’aucune façon à la manifestation de la vérité. La conversion d’Ali Riza Polat à l’Islam revient plusieurs fois dans les questions posées à sa famille. De tradition alevin, sa mère a expliqué être en désaccord avec son fils sur ce point sans pour autant étayer la thèse d’une radicalisation d’Ali Riza Polat avancée par l’accusation. 

Un autre témoin, un obscur animateur — probablement impliqué dans des escroqueries avec l’accusé — se paiera le luxe de changer de version en direct de la cour d’assises. L’habitude étant plutôt jusqu’à présent de contredire ses auditions précédentes et de laisser des silences gênés lorsque les contradictions apparaissent. 

Le lendemain — second jour consacré à Ali Riza Polat —, l’accusé ne parvient pas plus à se maîtriser pour répondre aux questions posées par les juges, l’avocat général et les différents conseils. À plusieurs reprises, Polat souhaite reprendre son récit initial et se faisant esquive les questions qui lui sont soumises. Les avocats des parties civiles perdent patience, tout comme les juges, le président reconnaissant même avoir « mal au crâne ». Les questions de son avocate sont même reportées au lendemain, les interminables et confuses réponses de l’accusé ayant retardées le programme chargé de la cour. 


Une nouvelle fois, Charlie Hebdo se trouve au centre d’une campagne de haine organisée dans plusieurs pays à majorité confessionnelle musulmane. L’hommage du Président de la République Emmanuel Macron à Samuel Paty s’est accompagné d’un rappel du droit de caricature y compris en matière religieuse. Des appels au boycott des produits français et à des manifestations ont été déclenchées dans plusieurs pays, notamment orchestré par des réseaux d’influence turcs. L’hebdomadaire satirique a répliqué en affichant en une une caricature de Receipt Erdogan dans son édition de ce mercredi. 

Il faut également noter la une d’un journal iranien qui fait figurer une caricature d’Emmanuel Macron – en Satan ? – étonnamment ressemblante avec un personnage de dragon ball Z.


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