Le Bac est mort ? Pour Blanquer, vive le contrôle continu !

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Le Bac est mort ? Pour Blanquer, vive le contrôle continu !

Mardi 7 juillet ont été publiés les résultats du baccalauréat 2020. Une édition exceptionnelle, avec un diplôme évalué uniquement au contrôle continu. 

91,5%. C’est le taux d’admis avant les rattrapages au baccalauréat 2020. Un chiffre en nette hausse par rapport à l’année dernière. Immédiatement, les commentateurs et réactionnaires de tous poils en ont profité pour affirmer que cela était la preuve que désormais, le baccalauréat était « donné », et qu’à leur époque, c’était quand même autre chose… Pourtant, ce taux élevé semble plutôt relever d’une volonté politique de montrer que le contrôle continu n’est pas synonyme d’échec, tant la question est sensible pour le gouvernement. 

Si les circonstances exceptionnelles de cette année ont justifiées le choix du contrôle continu selon le gouvernement, il ne s’agit pas d’un accident, cette modalité étant au centre de la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer. 

Une volonté politique d’instaurer le contrôle continu…

En effet, la volonté d’introduire une dose de contrôle continu pour le baccalauréat est un pilier de la réforme des lycées, qui a mobilisé contre elle élèves, enseignants et parents. Ce contrôle continu se fait désormais de deux manières. 

Tout d’abord par la prise en compte à hauteur de 10% de la note finale du diplôme des bulletins scolaires des élèves. Se faisant, c’est un véritable « casier scolaire » qui est instauré, où une erreur commise en classe de seconde pourra avoir des conséquences sur l’obtention de son diplôme en terminale. Là où le contrôle continu permettait un  droit à l’erreur durant sa scolarité avec des épreuves terminales qui remettaient les compteurs à zéro, c’est désormais un traçage des élèves qui est institué.

La seconde modalité concerne la tenue des fameuses Epreuves communes de contrôle continu (E3C) durant les années de première et terminale. Sorte de « partiels » effectués tout au long de l’année, ces épreuves n’ont de « communes » que les sujets issus d’une « banque national de sujets ». Pour le reste, liberté est laissé aux établissements du choix des sujets, des correcteurs de copie, etc. De ce fait, c’est une rupture importante qui est instituée, avec des élèves évalués sur différents supports, à différents moments de l’année, pour un diplôme supposé commun. 

Dans tous les cas, cette modalité vient remettre en cause la caractère national du baccalauréat, avec une valeur du bac ramenée à la supposée « valeur » de l’établissement (voir notre article sur le sujet). 

Une volonté rapidement rattrapée par la réalité

Si la réforme a mobilisé élèves et professeurs durant des mois, avec une répression féroce du gouvernement, le vrai test pour le Ministre a été la mise en pratique de sa réforme durant l’année scolaire qui vient de s’écouler. Parmi les nombreux dysfonctionnements constatés, les E3C sont devenus le symbole de l’échec du gouvernement dans sa réforme, imposée par la force et dans la précipitation. La publication sans cesse repoussée de la « banque nationale de sujets » a entraîné l’impossibilité pour les professeurs de préparer leurs élèves à des épreuves dont ils ne connaissaient ni la forme ni le fond. Cette situation a amené nombre d’élèves à protester contre la tenue de ces épreuves qui s’annonçaient comme un véritable fiasco, en bloquant leurs établissements pour empêcher la tenue des E3C. Face à cela, la réponse du gouvernement a été de nouveau la force et l’usage de la violence face à des manifestants pacifiques et souvent mineurs. Dans ce contexte, le gouvernement a trouvé pour le soutenir l’appui de chefs d’établissements zélés prêts à faire passer les épreuves coûte que coûte, donnant lieu à des situations ubuesques comme à Bordeaux où des lycées se sont retrouvés enfermés dans leur établissement pour composer. 

Face à cette situation, qui venait apporter la preuve de l’impossibilité de combiner diplôme national et contrôle continu, le ministre vient de répondre … par plus de contrôle continu ! Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. 

Exit les E3C, place aux Evaluations communes

Ce sont donc selon de nouvelles modalités que s’organisera la part de contrôle continu l’année prochaine pour le baccalauréat. Si Blanquer semble avoir entendu les critiques faites aux E3C, celui-ci propose des changements qui risquent en réalité d’aggraver les difficultés exposées par les E3C. 

Désormais, ces épreuves se nommeront Évaluations communes, afin d’intégrer une bonne fois pour toutes qu’il ne s’agit plus d’épreuves à proprement parler, mais bien d’un véritable contrôle continu, où l’on évalue les élèves à un moment donné. Une subtilité lexicale qui ne parlera évidemment qu’aux initiés, car le réel changement est ailleurs : si les E3C conservaient un semblant de cadre commun avec des dates d’épreuves définies nationalement, ce n’est plus le cas avec les « Évaluations communes ». Désormais, chaque établissement sera chargé en début d’année de définir un calendrier des épreuves, à partir de la banque nationale de sujet, qui, on l’espère, sera disponible dès la rentrée. On imagine déjà les difficultés administratives supplémentaires posée par cette décharge sur les établissements, déjà asphyxiés par la réforme du lycée et la suppression des filières. 

Désormais, la tenue du baccalauréat est donc laissée à la responsabilité des établissements, qui sont chargés d’en organiser désormais le calendrier même. Le caractère national du diplôme et la relative égalité entre les candidats qu’il permettait ne semblent plus être que de lointains souvenirs. 

En faisant ce choix, Blanquer effectue un véritable doigt d’honneur aux élèves et enseignants mobilisés l’année dernière contre les conséquences désastreuses des E3C, en proposant un dispositif qui ne va qu’amplifier les problèmes constatés l’an dernier. 

Avec les Évaluations communes, Jean-Michel Blanquer acte sa déconnexion avec la réalité et confirme sa position de technocrate « réformant » du haut de sa tour de verre. Gageons que la mobilisation des premiers concernés à la rentrée l’en fera redescendre rapidement. 


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