Le pass’culture, une fausse bonne idée

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Le pass’culture, une fausse bonne idée

Promesse de campagne pour la jeunesse et la culture, le pass’culture fait flop pour le gouvernement Macron. Pour cause, ce cadeau au capital tout emballé de joli discours n’a séduit ni les jeunes, ni le secteur culturel. 

Une mise en place catastrophique 

D’abord testé sur quelques départements puis généralisé en mai à l’ensemble du territoire ce pass censé donner accès à la culture aux jeunes âgés de 18 ans a connu quelques revers dans sa mise en place lié à un problème fondamental et idéologique. 

La première interrogation est celle de l’âge. En se limitant aux jeunes de 18 ans, ce pass ne répond en rien aux besoins des jeunes en matière d’accès à la culture. En effet, quand le coût est en première place des freins aux pratiques culturelles pourquoi ne pas étendre ce pass’culture. La réponse est certainement et comme toujours financière. La culture n’étant pas la priorité du gouvernement Macron, son accessibilité ne l’est pas non plus. 

D’autres problématiques sont soulevées par la mise en place de ce pass’culture. En effet, lors des essais le pass était alors d’un montant de 500€. Une belle somme pour un jeune de 18 ans qui simplement en se connectant à une application obtient ce crédit. Pourtant lors de sa généralisation le montant est alors tombé à 300€. Mais que s’est il donc passé pour que ce montant soit si réduit ? 

Il a été mis en évidence que les jeunes étaient dans un premier temps peu nombreux à utiliser le pass mais qu’en plus ils ne dépensaient que 100€ des 500 disponibles. La remise en question n’a alors été certainement pas faite dans le bon sens. En effet, au lieu de réfléchir au contenu et surtout à la communication faite sur ce pass, la solution a simplement été de réduire son montant.

Une gestion laissée aux mains d’une start-up

La logique capitaliste traversant le pass’culture a sûrement été renforcée par la gestion laissée à une startup au service de l’État. Celle-ci, engagée pour la mise en place sur le territoire du fameux pass est allée d’échec en échec sans trouver de solution à hauteur des besoins. Laisser aux mains de sociétés privées, que ce soit dans le financement que dans la mise en place, un outil aussi précieux pour la jeunesse que le pass’culture ne pouvait aller que droit dans le mur.

Alors que les politiques culturelles mais aussi les professionnel.le.s du secteur culturel prônent des processus de médiation et d’accompagnement des jeunes dans leur rapport à la culture, le pass’culture ne permet pas cela. Utiliser le pass’ revient simplement à consommer sans plus d’accompagnement que cela. Mais ici, ce n’est pas les jeunes qu’il faut blâmer mais bien la logique imposée par le gouvernement et la mise au commande d’une start-up dont les intérêts ne sont en rien ceux d’un service public.  

La logique capitaliste au détriment des jeunes 

Le contenu du pass’culture pose aussi beaucoup question. Les logiques privées entrant dans les réflexions autour de ce dispositif ont transformé celui-ci en vitrine promotionnelle pour certains géants du privé. En effet, parmi les structures publiques du secteur culturelle on y retrouve aussi de grandes chaînes privées de télévisions proposant des abonnements à leurs plateformes de vidéos à la demande, Amazon à travers sa branche de livres audios mais aussi des plateformes d’écoute de musiques. Ce financement indirect de grands groupes privés par de l’argent public remet en question l’intérêt de ce pass’. Peut-on réellement dire que celui-ci est dans l’intérêt des jeunes de 18 ans quand celui-ci sert aussi les entreprises privées tant dans son contenu que dans sa mise en œuvre ? 

Le besoin est présent mais la logique n’est pas la bonne. Il est urgent de reconnecter avec les politiques culturelles en proposant un pass’culture et sport cohérent répondant aux besoins des jeunes et s’inscrivant dans une logique d’accompagnement financier mais aussi de médiation et d’action culturelles et sportives. 

Une réinvention nécessaire

Réinventer ce dispositif serait aujourd’hui la seule solution afin que celui-ci puisse être accessible à tous et toutes mais surtout vraiment utile dans son contenu et son objectif de réduction des inégalités d’accès à la culture et aux sports. 

Allier sport et culture offrirait la possibilité à certain.e.s qui n’ont pas forcément d’appétence pour l’une ou l’autre de ces activités de les découvrir. En outre, celui-ci en alliant les deux doit pouvoir répondre tout de même aux problématiques propres à ces loisirs. En effet, si le pass’culture montre des faiblesses le pass’sport aussi. On y retrouve notamment la nécessité d’un financement qui inclut aussi les équipements sportifs et pas seulement la licence. 

Afin qu’il soit réellement efficace il est aussi important d’étendre la tranche d’âge de celui-ci. Entre 15 et 30 les jeunes traversent plusieurs phases dans l’autonomisation de leur pratique. Si elle est d’abord dans le choix des activités, le problème financier arrive très vite que cela soit pour les parents ou pour les étudiants déjà précaires et les jeunes travailleurs aux bas salaires. Permettre son accession à une tranche d’âge aussi large permettrait un véritable accompagnement dans le développement des pratiques culturelles et sportives souvent trop onéreuses ou méconnues. 

Néanmoins, ouvrir à une tranche d’âge aussi large n’est pas la solution miracle. Le contenu doit être lui aussi revu et adapté afin de rentrer dans une logique de service publics. Il est nécessaire que celui-ci soit réfléchi par des professionnel.le.s des deux secteurs afin qu’il puisse réellement proposer un contenu riche mais que ce pass’culture et sport soit un outil de démocratisation culturelle et sportive à grande échelle. Aujourd’hui, quasiment toutes les structures publiques du secteur culturel proposent des parcours d’actions artistiques qui permettent de découvrir leur programmation et des choses nouvelles, ce pass’culture et sport doit être réfléchi de la même manière.

Pour cela, celui-ci doit impérativement être financé et mis en place par l’Etat en partenariat avec le secteur culturel et sportif, mais il doit aussi pouvoir s’adapter au maillage culturel et sportif local. En effet, l’intérêt de ce pass’ est aussi de faire connaître et de développer les acteurs et actrices publics et associatifs du territoire. 

Enfin, dans sa mise en place ce pass’culture et sport doit être gratuit mais aussi, à l’inverse d’aujourd’hui, doit impérativement être disponible à de multiples endroits. En effet, la possibilité d’un retrait de son pass’ mais aussi une large communication sur son existence et son utilité dans les infrastructures culturelles et sportives, dans les lieux d’éducation et de travail est importante afin de permettre à tous et toutes peu importe son rapport avec le numérique un accès à celui-ci. 

L’accès à la culture et aux sports pour les jeunes n’est pas un jeu à laisser aux mains des logiques capitalistes. Il est urgent de reconnaître l’intérêt des pratiques culturelles et sportives et de réellement s’engager pour réduire les inégalités d’accès aux loisirs à travers un pass’culture et sport ambitieux, mais aussi des politiques culturelles et sportives en faveur de cet engagement. 


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