Retour en grâce d’un idéal féminin conservateur avec le phénomène “Tradwife”

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Retour en grâce d’un idéal féminin conservateur avec le phénomène “Tradwife”

Depuis l’élection de Donald Trump en 2016, un courant conservateur et réactionnaire prend de l’ampleur aux États-Unis. Il s’incarne notamment à travers le phénomène des « tradwives ».

Ces femmes se présentent comme épouses dévouées, mères au foyer, croyantes ferventes et ménagères exemplaires. Inspiré en partie par des communautés religieuses comme les Mormons et popularisé par des documentaires tels que The Secret Lives of Mormon Wives, ce mouvement valorise une féminité ultra-traditionnelle. Il place la femme au cœur du foyer, la soumet à l’autorité du mari et l’ancre dans une foi religieuse stricte.

À première vue, ce modèle semble offrir une image douce et rassurante, celle d’un « âge d’or » idéalisé de la féminité. Mais derrière cette façade se cache une réalité bien plus complexe et problématique.

Un idéal réactionnaire

Le modèle « tradwife » érige la soumission féminine en vertu essentielle. Il impose une quête de perfection familiale souvent inatteignable et exerce une pression psychologique intense sur les femmes qui tentent de s’y conformer. Il est profondément déconnecté des réalités économiques et sociales que vivent la majorité des femmes, notamment celles issues de milieux modestes ou monoparentaux. Tandis que beaucoup jonglent avec un emploi, des responsabilités parentales et des difficultés financières, ce modèle rétrograde impose un “idéal” inaccessible, qui aggrave les inégalités existantes.

Ce retour en force des valeurs patriarcales s’inscrit dans un contexte politique mondial dominé par la montée des idéologies nationalistes, conservatrices et réactionnaires. En Italie, par exemple, la présidente du Conseil, Giorgia Meloni défend un modèle de femme soumise à l’autorité masculine et promeut des valeurs rétrogrades. Ce phénomène global alimente un recul des droits des femmes et remet en question des avancées sociales considérées comme acquises.

Une performance lucrative

Le mouvement « tradwife » révèle un paradoxe frappant. Si ses figures de proue prônent la dépendance financière au mari et la réclusion dans la sphère domestique, beaucoup dirigent en réalité de puissants business, souvent via les réseaux sociaux. Elles disposent d’une autonomie économique considérable. Cette contradiction nourrit les critiques : ces femmes véhiculent des idéaux patriarcaux qu’elles n’appliquent pas à elles-mêmes.

Elles cultivent une posture traditionaliste tout en capitalisant sur leur image, renforçant ainsi un modèle qu’elles ne subissent pas réellement. Ce décalage souligne l’aspect performatif du mouvement, qui instrumentalise la féminité traditionnelle à des fins financières et idéologiques.

Une “trend” qui alimente les thèses conservatrices

Ce paradoxe met en lumière une dérive préoccupante. Alors que la société revendique davantage d’égalité entre les sexes, l’idéalisation croissante de la « femme traditionnelle » ravive des normes patriarcales longtemps combattues. Aux États-Unis, ce phénomène s’inscrit dans un climat de polarisation extrême, qui s’étend depuis 2016.

L’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 et le « Projet 2025 » porté par Trump illustrent ce recul majeur : les droits des femmes sur leur propre corps reculent, et certains hommes s’arrogent désormais le pouvoir de les redéfinir.

La question de la fertilité et de l’avortement divise profondément la société américaine, y compris entre femmes. Le mouvement « Quiverfull », courant conservateur chrétien en pleine croissance, milite pour l’interdiction totale de l’avortement au nom de croyances religieuses.

De nombreuses « tradwives » partagent cette idéologie et glorifient une maternité précoce et répétée, imposant un idéal reproductif particulièrement contraignant. Cette pression renforce l’idée que la valeur des femmes repose essentiellement sur leur fécondité.

Rétablir une éducation égalitaire

Pour contrer cette montée des idées réactionnaires, l’éducation joue un rôle central. Malgré les reculs institutionnels, de nombreuses citoyennes et de nombreux citoyens prennent conscience des dangers que représentent ce courant conservateur et cette présidence autoritaire. Ils s’organisent pour défendre les droits fondamentaux et dénoncent les dérives réactionnaires du trumpisme.

Au-delà des États-Unis, ce phénomène s’inscrit dans une lutte globale. Il rappelle la nécessité constante de défendre les droits des femmes face aux idéologies patriarcales, religieuses ou conservatrices. Cette vigilance permanente s’impose pour construire un monde plus juste, fondé sur l’égalité réelle, la liberté de choix et la solidarité.


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