Les étudiants en médecine sous pression

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Les étudiants en médecine sous pression

Les études de médecine peuvent durer jusqu’à 12 ans et sont parmi les plus longues du système universitaire français. Cependant, si la formation est longue, elle est en grande partie pratique : rapidement, les étudiant.e.s en médecine deviennent des travailleurs et travailleuses à part entière. En effet, dès leur 4ème année ils participent au soin. 

Des études en trois cycles

Ces études sont divisées en 3 cycles :

– Premier cycle en trois ans, incluant la PACES, pour asseoir les bases de la formation théorique.

–  Deuxième cycle, en trois ans également (de la 4ème à la 6ème année), pour consolider les connaissances théoriques et débuter la pratique : c’est l’externat. Les externes sont salarié.e.s de l’hôpital mais ne perçoivent pas de réelle rémunération, seulement une indemnité de présence et de garde.

– Troisième cycle, celui de la spécialisation et de la formation clinique à temps plein : c’est l’internat. Entièrement dédié à la pratique, sa durée varie selon la spécialité.  

Durant l’externat puis l’internat, les étudiant.e.s en médecine participent de plus en plus fortement à l’activité des services des hôpitaux publics, à la prise en charge des patients et à la permanence des soins (les gardes). 

Des horaires excessifs et des rémunérations trop faibles 

Selon les hôpitaux, l’externe travaille à mi-temps – en principe 20h par semaine (mais les dépasse souvent !) – tout en ayant cours le reste du temps, ou bien effectue 26 semaines à temps plein, en faisant de grosses journées avec une moyenne de 40h par semaine.

Lors de la première année d’externat (c’est à dire sa 4ème année d’études), l’externe est rémunéré.e 129,60€ net par mois. Cette rémunération augmente chaque année, mais reste bien en deçà du smic. Ainsi, en deuxième année l’externe touche 251,40€ net par mois et 280,89€ net par mois en troisième année. Le gouvernement a proposé lors du Ségur une augmentation insignifiante, promettant 200€ brut en 4ème année, 300€ brut en 5ème et 400€ brut en 6ème. 

L’indemnité pour une garde de 14h (nuit, dimanche ou jour férié) est de 52€ brut, prochainement revalorisée à hauteur de 10%.

Ces rémunérations sont très faibles, pourtant l’externe a déjà un statut de salarié.e, cotisant à la sécurité sociale. 

Les internes quant à eux travaillent en moyenne 58,4 heures par semaine (enquête menée par l’ISNI), pour une rémunération fixée à 6,80€ net de l’heure, en dessous donc du SMIC horaire. L’indemnité de garde est fixée à 120€ net, pour 14h ou 15h de travail.

40% des répondant.e.s de l’enquête déclarent travailler plus de 60h par semaine et certain.e.s atteignent les 82h par semaine, dépassant très largement les 35h, mais surtout le maximum légal du temps de travail des internes, fixé à 48h. Sur 44 spécialités, seules 6 respectent ces 48h légales. Cela signifie notamment que les repos de garde, pourtant obligatoires, ne sont pas forcément respectés. 

De plus, ces heures ne prennent pas en compte le travail de recherche réalisé en dehors du temps de présence à l’hôpital afin de mener à bien la thèse nécessaire à l’obtention du diplôme.

Le système hospitalier ferme les yeux sur ces horaires ahurissants et ne permet pas leur reconnaissance, basant le calcul du temps de travail des internes sur des demi-journées aux contours flous, sans volume horaire précis ; les heures réellement travaillées ne sont pas comptabilisées. 

L’austérité fragilise l’hôpital et ses travailleurs et travailleuses. 

Au delà des horaires et de la rémunération, c’est la qualité de la formation et la santé au travail qui doivent être repensées. En effet, les internes se retrouvent aujourd’hui à combler la brèche d’un hôpital public à bout de souffle, palliant les manques de personnels médicaux et se retrouvant à réaliser des tâches non médicales telles que l’administratif, au détriment du soin aux patients et de la formation. La souffrance au travail est particulièrement marquée au sein de cette population de soignant.e.s.

Par ailleurs, l’organisation de l’internat et le changement de lieu de travail tous les 6 mois entraîne de nombreux déménagements qui, couplés au bas salaire, majorent les difficultés d’accès au logement. Cette difficulté est d’autant plus forte dans des zones telles que la région parisienne où les loyers sont très chers.  

Les revendications les plus urgentes qui répondent à cette situation sont une rémunération au Smic dès l’externat, une revalorisation des salaires des internes de même que ceux des autres agents hospitaliers (+400€ selon les syndicats), une revalorisation des indemnités de gardes, une comptabilisation et compensation des heures supplémentaires, un respect strict des temps de repos, une aide au logement adaptée au réel et des financements publics indépendants des laboratoires privés. 

Le débat public sur la gestion de la crise sanitaire cette année aura au moins attiré l’attention du grand public sur les luttes et les revendications des personnels soignants. Nul doute que la question des étudiant.e.s en médecine sera incontournable dans les mobilisations pour un hôpital public libéré de l’austérité et de la recherche de la rentabilité.


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