Les retraites, bras de fer avec le Capital

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Les retraites, bras de fer avec le Capital

Le PCF a été à l’initiative d’un livre explicatif autour de la réforme des retraites. Recueil d’analyse et de fiches explicatives, l’ouvrage se veut être un outil au service de la lutte.

Après plus de deux mois d’un conflit particulièrement dur avec le capital, la nécessité d’une articulation entre luttes syndicales et politiques éclate de plus en plus au grand jour. Loin de la caricature d’un mouvement social arc-bouté sur la conservation de l’existant, les syndicats affichent la volonté, certes de conserver les conquêtes du siècle dernier, mais également de s’appuyer sur elles pour conquérir de nouveaux droits. C’est dans cette perspective que la commission économique du PCF a voulu coordonner un livre permettant le dialogue entre responsables communistes et syndicaux. L’ouvrage, intitulé « Les Retraites, un bras de fer avec le Capital », vient de paraître aux Éditions Delga. (Coordination Frédéric Boccara, Denis Durand et Catherine Mills.)

Dix-sept contributeurs co-signent ce livre, structuré en une vingtaine de contributions et sept fiches pédagogiques donnant les éléments de chiffrages et les arguments clés des contre-propositions défendues dans la première partie. Avec ces fiches, le livre se pense comme un ouvrage à destination des militants et à l’usage des luttes. Il se veut directement utile dans les débats entre collègues.

Toutes les contributions s’accordent sur le caractère global et systémique de la réforme proposée. Celle-ci porte une logique et des objectifs absolument contraires à ceux du régime conquis au sortir de la guerre, notamment grâce aux efforts d’Ambroise Croizat, ministre communiste du Travail et fondateur de la Sécurité sociale. Frédéric Rauch (rédacteur en chef de la revue Économie et Politique) souligne la rupture entre le système de solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle : les richesses produites par les actifs servent à rémunérer les retraités ayant conquis un légitime droit au repos ; et celui proposé par Macron qui pose une équivalence marchande individuelle entre ce qui est cotisé et ce qui est perçu. Dès les premières pages, Catherine Mills, co-directrice de la revue Économie et Politique, dénonce cette logique qui ouvre la voie aux projets de retraites par capitalisation, et détaille le sens de ce que serait une réforme de progrès social pour les retraites : « promouvoir le financement des retraites par les cotisations sociales, au lieu de la suppression des cotisations sociales qui s’effectue au profit de la fiscalisation et de la capitalisation. » Et mettre « en cause le coût du capital [ce qui] pourrait déboucher sur une nouvelle contribution sur les revenus financiers des entreprises et des banques, qui échappent largement aux prélèvements sociaux ». Ces propositions de financement sont détaillées dans les fiches pédagogiques, tandis que la situation actuelle des finances du système de retraite fait l’objet d’une contribution de Jacques Rigaudiat (économiste). La proposition, très floue, de financement faite par le gouvernement avec sa réforme est analysée par Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT et membre du Conseil d’Orientation des Retraites.

Si c’est bien la logique de fond du système de retraites, et même de la Sécurité sociale dans son entier qui est attaquée, la contre-réforme du gouvernement porte des régressions spécifiques à certaines catégories de la population. Sylvie Durand, secrétaire générale de l’UGICT-CGT, et Catherine Mills mettent en avant les régressions auxquelles risquent d’être soumises les femmes, les cadres, les personnes exerçant des métiers pénibles, les familles… La liste des grands perdants s’allonge avec la contribution de Roland Perrier (ancien dirigeant de l’UGFF-CGT) sur le régime de la fonction publique, constamment attaqué depuis sa création, comme les régimes spéciaux, qui subissent une attaque frontale qui aboutit à leur destruction de fait, comme l’ont très bien compris les travailleurs concernés, particulièrement impliqués dans la lutte.

Sur le cas pas si « spécifique » des femmes, puisqu’il s’agit tout de même de la moitié de la population, et de la majorité de la population retraitées, là aussi l’enjeu est systémique et global. Gisèle Cailloux (rédactrice de la lettre du RAPSE) révèle l’ampleur des attaques subies par les femmes, par différents canaux introduits ou renforcés par cette réforme. Comme le montre Betty Charnière (sociologue, statisticienne), l’égalité femme/homme est non seulement un levier financier fondamental pour financer nos retraites (par l’augmentation des salaires), mais également un enjeu majeur de société. Sur ce sujet encore, tout oppose les forces de progrès et le gouvernement.

Dans une contribution commune, Léon Deffontaines et Dorian Mellot, habitués de ces colonnes, analysent les conséquences désastreuses de cette réforme pour la jeunesse que le gouvernement a assumé vouloir sacrifier en espérant faire jouer des ressorts individualistes. Comme si les travailleurs allaient accepter de sacrifier leurs enfants pour se sauver eux-mêmes.

Au total, la liste des intérêts « catégoriels » à défendre est si longue qu’elle ne peut permettre de laisser croire à la fable des « travailleurs privilégiés » défendant un prétendu pré carré. Sylvian Chicote, ancien inspecteur du travail, chiffre entre 20 et 40 % la perte de revenus à la retraite pour l’ensemble de la population. Comme le montre bien la seconde contribution que co-signent Sylvie Durand et Catherine Mills, c’est bien d’un projet de civilisation dont il est question, et il est primordial de lui opposer un projet global de société alternative.

Le livre se termine justement par des contributions allant dans ce sens, avec l’enjeu de la gestion des caisses de retraite par les travailleurs eux-mêmes (Kévin Guillas-Cavan), la perspective de développement d’un nouveau service public des personnes âgées (Paul Boccara), l’enjeu du financement par la cotisation sociale (Denis Durand) et la nécessité de construire une unité large des travailleurs remettant en cause non seulement cette réforme des retraites, mais toute la domination du capital et de ses exigences de rentabilité sur la société (Frédéric Boccara).

Dans les fiches pédagogiques qui suivent ce cœur de l’ouvrage, on remarquera la question du caractère international de l’attaque contre les retraites, avec de grandes similarités, notamment sur le continent européen (fiche 6), la reprise de l’appel lancé par les communistes et de nombreux syndicalistes dans L’Humanité, ou bien le débat à huit mains entre Frédéric Boccara (CEN du PCF), Anaïs Henneguelle (universitaire), Benoît Teste (SG FSU) et Jean-Marc Canon (SG UFSE CGT).

Au total, ces camarades fournissent un livre utile aux luttes, qui conjugue les expériences de luttes syndicales et politiques et des perspectives positives de conquêtes possibles qui peuvent alimenter le mouvement social en cours.


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