Loi déchet, peu d’ambition

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Loi déchet, peu d’ambition

La secrétaire d’état à l’environnement Brune Poirson a présenté mercredi dernier un projet de loi peu ambitieux devant le Conseil des ministres. Derrière quelques mesures symboliques, se cache un refus de s’attaquer au cœur du problème. 

Le gouvernement est fortement attendu sur les enjeux écologiques. L’urgence face au réchauffement climatique, la démission de Nicolas Hulot, l’abandon de la taxe carbone et les mobilisations des jeunes sont autant d’élément qui ont mis la question environnemental au centre du débat politique. La loi “déchets” présentée par Brune Poirson doit permettre de verdir l’action gouvernementale. La coûteuse gestion des déchets à cet avantage de générer moins de clivage que la transition énergétique. Largement gérée par les collectivités locales et les industriels, elle est également indolore pour les finances publiques. 

Le projet de loi n’est pas encore disponible, mais plusieurs mesures sont déjà connues, notamment rapportées par Le Monde qui a pu lire le projet de loi. 

Pollueur-payeur sauf pour le BTP

La première vise à étendre le principe du pollueur-payeur en créant de nouvelles filières ” responsabilité élargie des producteurs “. Ces dernières existent depuis de nombreuses années et visent à faire assurer par les industriels le traitement des produits en fin de vie. La collecte des piles électriques, de l’électroménager, etc. s’inscrit dans ces dispositifs. 

Les objectifs sont d’assurer le retraitement de ces déchets et d’en décharger le coût des collectivités, mais également de le faire supporter aux industriels et à leurs produits afin que ces derniers s’engagent dans la conception de produits moins générateurs de déchets. Le futur projet de loi prévoit, à la suite d’une feuille de route pour une économie circulaire parue l’année dernière de créer des nouvelles filières dans les secteurs du jouer, des articles de sport et de loisirs, le tabac ou encore le bricolage et le jardinage. 

Le BTP, responsable d’une part très importante des déchets est toutefois épargné. Le patronat du secteur y est très opposé alors que la problématique des décharges sauvages est régulière dans ce secteur. Le projet de loi imposerait toutefois au secteur une prise en charge des déchets à partir de 2022. Les moyens alloués aux contrôles seraient renforcés avec davantage de fonctionnaires dédiés et les pouvoirs des maires en la matière étendus. 

La consigne plastique un mauvais coup pour les collectivités

Le plastique est également ciblé au grand dam de l’industrie du secteur. Cette dernière ne défend plus son utilisation dans les produits à usages uniques qui devraient disparaître d’ici à 2021. Cependant, pour les industriels de la plasturgie, le plastique dans une utilisation plus durable a des avantages. Les productions à base d’éthanol issu de productions agricoles. Des filières pas nécessairement plus écologique que l’industrie pétrolière, mais qui ont généralement meilleur presse. L’utilisation de plastiques recyclés gagne également du terrain. 

Le secteur voit toutefois arrivé d’un bon oeil, une des mesures phares du projet de loi. La mise en place de consigne sur certains emballages plastiques. Les collectivités territoriales voient toutefois cette mesure avec angoisse. Les emballages plastiques font parti des déchets valorisables. Leur revente après leur collecte par les collectivités territoriales permet de baisser sensiblement le coût de la gestion des déchets. En cas de consigne, cette valeur échapperait aux collectivités territoriales alors que les investissements pour réaliser le tri et la collecte sont eux déjà réalisés. Un manque à gagner d’autant plus dur à avaler que le reste des déchets souvent traités à perte resteraient à leur charge. 

Les bornes de collecte pourraient également se trouver accaparer par la grande distribution accentuant encore un peu plus sa mainmise sur le marché. Cette dernière profiterait ainsi du système de consigne pour garder captive sa clientèle.

Des mesures symboliques qui ignorent le problème principal

Enfin diverses mesures renforceront les obligations des constructeurs en matière de disponibilité des pièces détachées. Pour ces dernières, il sera désormais obligatoire qu’une partie de ces pièces soit issue de filière de recyclage. Pour les produits électriques et électroniques, un “indice de réparabilité” devra être affiché. L’affichage devant permettre par une consommation éclairée de pousser à des conceptions plus écologiques. Un pari hasardeux tant la durée de vie de beaucoup de produits électroniques souffre de bien d’autres facteurs que leur réparabilité.

Les règles de tri devront également être obligatoirement affichées sur les produits. Toutefois, les sanctions mentionnées par l’article du Monde paraissent dérisoires. Ainsi seulement 15 000 euros seront demandés pour une personne moral en cas de manquement. 

Une fois de plus, la loi semble manquer cruellement d’ambition et passe à côté de certains défis majeurs. Les mesures à forte portée symboliques comme la consigne ou “l’indice de réparabilité” peine à masquer le manque majeur de cette loi. La poursuite du gouvernement vers la conclusion d’accords de libre-échange avec le Canada ou le Mercosur met pourtant à nouveau en lumière le manque de contrôle sur la chaîne de production. Comment assurer la disponibilité de pièces détachées si une des instances arbitrales prévues par ces traités s’y oppose ? À quoi bon afficher un bon “indice de réparabilité” si les matériaux sont obtenus dans des conditions dramatiques pour l’environnement ? Une fois de plus, l’affichage environnemental du gouvernement se heurte à ses politiques ultralibérales.  


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