Lois énergie : on répare les pots cassés

publié le dans
Lois énergie : on répare les pots cassés

Cette année 2023 est un moment important pour la politique énergétique française, avec deux lois d’accélération du nucléaire et des énergies renouvelables (ENR). Si ces textes impulsent surtout une simplification des procédures, ils entérinent en réalité le rattrapage de plusieurs années de négligence des gouvernements libéraux.

Des innovations en retard

Après bientôt 6 ans de mandat, Emmanuel Macron a décidé de lancer la bataille énergétique en même temps que la réforme des retraites. Les enjeux sont nombreux, à l’heure où les débats se multiplient autour de la question énergétique. S’agissant des ENR, si la France accuse un retard sur les objectifs européens, elle demeure un des pays avec le mix le plus décarboné. Le texte sur le nucléaire fixe un cap de 100 % d’électricité décarbonée en 2030 : il est effectivement temps « d’accélérer » le déploiement du renouvelable et du nucléaire.

La loi sur le nucléaire revient sur plus d’une vingtaine d’années de négligence envers la filière. Alors que les gouvernements Hollande avaient fixé un plafond de 50 % de nucléaire dans le mix électrique en 2035, ce seuil est révisé pour maintenir l’énergie atomique à plus de 50 % jusqu’en 2050. Il était temps de se rendre compte, à l’heure où l’on rallume les centrales à charbon, que la transition ne se fera pas sans le nucléaire. Le texte adopté vise également l’accentuation de la recherche sur la fermeture du cycle des combustibles : le projet ASTRID avait succombé aux intérêts financiers en 2019, peut-être reverra-t-il le jour pour affronter le défi du recyclage des déchets.

L’Autorité de sûreté nucléaire fera par ailleurs l’objet d’un audit pour déterminer ses besoins matériels et humains dans les années à venir. L’ère du torpillage des centrales semble révolue, les pouvoirs publics étant enfin prêts à dépenser non pas pour démanteler, mais pour améliorer le parc nucléaire français.

Avancée ou homme de paille ?

Le contexte d’adoption des deux lois énergie reste néanmoins particulier. D’abord, les difficultés financières qu’affrontent à la fois les Français et EDF. La crise énergétique récente, doublée de la libéralisation du marché de l’énergie, a eu un impact considérable sur le montant des factures. Pas prêt de résoudre le problème, le Gouvernement continue de prôner la sobriété énergétique… sobriété qui ressemble de plus en plus à de la misère.

Ensuite, le spectre du démembrement qui continue de planer sur EDF. Dans la droite ligne de la politique de casse de Macron, le projet de confier au secteur privé les ENR, moins chères et plus rentables, participe de l’idée que le secteur public devra supporter seul le coût plus important du nucléaire… Une aubaine pour Total et compagnie.


Projet de construction de nouveaux réacteurs nucléaires

Elsa Koerner

La France compte aujourd’hui 56 réacteurs en exploitation par EDF, répartis sur 18 sites, pour une puissance installée du parc nucléaire de 63 gigawatts (GW) environ. En 2021, la production nucléaire a représenté 409,5 térawatts (TW) sur l’année soit 78,2 % de la production d’électricité par EDF. Ces chiffres ont chuté au niveau de 279 TW en 2022 d’après RTE en raison de la maintenance de réacteurs. Début 2023, le parc nucléaire « est en mesure de fournir près de 45 GW de puissance électrique » d’après EDF, mais en janvier 2023, la production mensuelle est inférieure de 12,5 % à celle de janvier 2022.

Une telle situation, alors que la stratégie nationale bas carbone vise la neutralité carbone pour 2050, appelle à des investissements massifs pour produire une énergie décarbonée, sûre, pilotable, et ainsi répondre aux besoins de la population et de l’industrie. Dans le discours de Belfort, en 2022, Emmanuel Macron s’est engagé à la construction de 6 nouveaux réacteurs EPR 2 (2 à Penly en Seine-Maritime, 2 à Gravelines dans le Nord et 2 dans la vallée du Rhône), puis jusqu’à 8 réacteurs supplémentaires. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, en charge du projet de loi pour accélérer le nucléaire, envisage de couler le « premier béton » à Penly en 2027, en vue d’une mise en service en 2035 au mieux. La prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires de 40 à 50, puis 60 ans, est également envisagée pour satisfaire aux objectifs de production.

Après des années d’atermoiement, une stratégie stable et ambitieuse d’investissement dans le nucléaire, au sein d’un mix énergétique décarboné, est cruciale. Celle-ci doit être 100 % publique, grâce à un pôle public de l’énergie pour garantir la souveraineté énergétique du pays, améliorer l’efficience de la production, ce qui créerait des centaines de milliers d’emplois d’ouvriers qualifié∙es, de technicien∙nes et d’ingénieur∙es.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques