Macron à Paris-Saclay, vu par un étudiant : “On nous a signifiés que nous n’étions pas les bienvenus”

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Macron à Paris-Saclay, vu par un étudiant : “On nous a signifiés que nous n’étions pas les bienvenus”

Albert, étudiant à l’université Paris Saclay et jeune communiste, exprime son sentiment après la venue de Macron dans son université jeudi 21 janvier

L’adresse du président aux étudiants, selon un étudiant

Jeudi 21 Janvier, Emmanuel Macron a profité d’un déplacement à l’université Paris-Saclay à l’occasion de la présentation d’un plan d’investissement dans la technologie quantique pour s’entretenir librement avec les étudiants, évoquer la grave crise qu’ils traversent, s’imprégner de leur situation et de leurs difficultés.

Il n’aurait d’ailleurs pas été concevable d’annoncer un plan d’investissement d’1,8 milliards d’euros sans prendre le temps au moins de s’adresser aux étudiants, population déjà précarisée et dont la détérioration des conditions de vie a franchi un nouveau seuil avec les conséquences de la pandémie.

Malheureusement la fable du bon Président, attentif aux problèmes de ses étudiants, inquiet de leur bien-être, soucieux de s’entretenir personnellement et sans filtre avec eux, de les aider au mieux dans cette période difficile et de les assurer du plein soutien de la nation n’est rien de plus que cela : une fable.

La réalité était toute autre. Il n’y avait pas ou peu d’étudiants sur le campus. Les rares qui s’y trouvaient se demandaient : pourquoi ? Pourquoi l’accès à la moitié de leur campus avait-il été barricadé ?

Pourquoi y avait-il ces 20 fourgons de CRS stationnés sur leur parking ? Pourquoi ces dizaines de gendarmes mobiles bloquent les voies ? Pourquoi ces unités déployées dans la forêt, surveillant le fleuve comme dans l’attente d’un assaut ennemi ?                

« C’est fermé parce que c’est fermé », « vous verrez à la télévision ce soir », « on ne passe pas parce qu’on ne passe pas », s’étaient vu répondre les personnels et étudiants ébahis.

La visite s’est organisée dans le plus grand secret. Personne n’a reçu d’informations officielles. Ni les étudiants, ni les enseignants et personnels, ni les élus de l’université. À ces derniers il a même été affirmé que le motif du bouclage de l’université ce jour était la réalisation de travaux.

Dans ces conditions, il paraît pour le moins compliqué d’avoir une discussion ouverte, exigeante et démocratique avec des étudiants qui dans leur extrême majorité étaient considérés comme des indésirables. En effet, malgré les efforts de la Présidence de l’université et probablement de la République, certains ont pu se tenir au courant des événements et tenter de prendre part au « dialogue ». 

Des étudiants dont moi-même ont recueilli les doléances de leurs camarades et ont fait le trajet ce jour-là spécialement pour pouvoir les porter. On nous a signifiés que nous n’étions pas les bienvenus et que notre présence même sur le campus y compris en dehors de la zone réservée par le Président ne serait pas tolérée. 

Mais ceux qui ont réellement eu affaire à la conception macronienne du dialogue, ce sont les personnels et étudiants qui ont pris part au rassemblement syndical : arrêtés, menacés de garde à vue, fichés, dépouillés de leurs banderoles qui furent détruites sur place, puis expulsés.

Seule mais notable exception au secret absolu et à la répression, quelques étudiants privilégiés, soigneusement choisis par l’équipe de communication du Président étaient dans la confidence de ce qui allait se tenir. 

En effet pendant que nous autres étions fouillés et chassés, quelques-uns dont les noms et photos individuelles se trouvaient sur la liste des invités du président de la République ont pu tranquillement franchir les barrages munis de leurs attestations. 

Pendant que durant 2 heures des camarades étudiants étaient repoussés vers la rivière et nassés par les forces de sécurité, une petite élite a pu s’asseoir tranquillement et papoter avec Monsieur Macron devant les caméras dans notre maison des étudiants.

Cette pitoyable et révoltante opération de communication du président de la République s’est faite dans le mépris et sur le dos des étudiants en général et des étudiants de l’université Paris-Saclay en particulier. 

Au lieu de prendre en compte la souffrance des étudiants et de déployer un plan ambitieux de lutte contre la précarité étudiante, de nous donner de la visibilité sur l’avenir et de nous permettre de retourner en TD, d’avoir des conditions d’études et de vie décentes, de nous montrer de la considération réelle, il préfère se pavaner avec ses quelques amis en direct sur BFM depuis la fac pour séduire des électeurs. Ce n’est pas ce que nous sommes en droit d’attendre de notre président.

La vérité c’est que si le chef de l’État voulait aider les étudiants, il l’aurait déjà fait. Le virus ne s’attaque pas davantage aux universités qu’aux prépas, BTS, lycées et collèges. Ce n’est pas un virus étudiant, il n’y a pas de raisons sanitaires au fait de taper sur nous. En fait de décision sanitaire, il s’agit surtout d’une décision politique. 

La priorité est donnée aux activités qui font le bénéfice des capitalistes. Les grands centres commerciaux qui poussent les gens à prendre les transports par centaines de milliers génèrent des contaminations qu’il faut « économiser » ailleurs, même s’il y en avait peu dans les universités et quoi qu’il en coûte aux étudiants.

Aujourd’hui Emmanuel Macron a peur. C’est cela qui lui a fait lâcher les trois mesurettes accordées jeudi 21 janvier. Il a peur d’un vrai dialogue avec nous car il est très conscient de sa responsabilité personnelle comme ministre puis comme président de la République dans la généralisation des contrats précaires qui font que cette crise a d’abord et le plus durement frappé les plus fragiles économiquement. 

Il a peur d’un mouvement social d’ampleur car il connaît parfaitement notre situation. Il est depuis le mouvement des gilets jaunes très bien placé pour savoir que la colère et le désespoir font le ciment de la révolte. 

C’est bien ce qui nous gagne aujourd’hui quand nous voyons nos camarades au bout du rouleau abandonner leurs études ou être sur le point de le faire pendant que d’autres subissent un isolement complet dans des appartements minuscules depuis des mois et que d’autres encore parmi nous n’arrivent même plus à se nourrir correctement.

En France être étudiant c’est être en galère et durant tout son mandat, Macron s’en est très bien accommodé et n’a rien fait pour nous. Aujourd’hui alors que nous traversons une situation exceptionnelle, non seulement son gouvernement ne fait toujours pas grand-chose pour nous accompagner mais en plus il profite de notre situation pour faire sa publicité.

Ne pas être entendus, devoir subir le mépris, la propagande (ou communication) et les faux-semblants du gouvernement, ne doit rien nous faire lâcher. Nos revendications de pouvoir vivre et étudier dans des conditions dignes sont légitimes. Ils n’ont pas à nous faire payer le fait que nous ayons choisi de faire des études. Nous n’avons pas vocation à nous sacrifier sous prétexte que nous ne sommes pas une entreprise privée contribuant directement au PIB et parce qu’ils ne veulent pas donner aux universités les moyens de nous accueillir en demi-groupes.

Il faut amplifier les mobilisations qui ont fait céder le gouvernement sur les 20% de présentiel pour demander les 50% et un accompagnement financier stable dans le temps. Il faut promouvoir la politisation et l’engagement des étudiants pour renforcer la considération du pouvoir politique à notre égard. Enfin il faut travailler à remplacer Macron et sa clique de défenseurs du capital contre la vie, contre le développement humain et contre les étudiants, par des gens qui s’intéressent réellement à notre cause.


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