Macron, vu à la TV

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Macron, vu à la TV

A quelques jours des traditionnels et quelque peu désuets voeux présidentiels télévisés, Macron a réussi à faire encore plus ringard. Sur ce service public audiovisuel, qu’il conspue, Jupiter hashtag nouveau monde, s’est livré à un exercice nous renvoyant dans les années 70.

La télé du vieux monde

Cet entretien, restera on l’espère dans les mémoire. Dès les premières secondes on est plongé près de 50 ans en arrière. La séquence s’ouvre avec un gros plan sur un sapin de noël et un titre encadré. Même la police utilisée respire l’ancien et ce n’est pas le choix de mettre le titre entre deux lignes qui va apporter une touche de modernité.

C’est à se demander si le titre n’a pas été incrusté à l’aide d’un transparent tapé à la machine à écrire. Peut-être faut-il y voir un hommage de France 2 aux propos du président dans l’entretien qui déclare que l’audiovisuel public est structuré sur “le monde d’avant”.

Ce n’est pas non plus la musique utilisée en intro qui nous fera revenir au 21e siècle, elle évoque davantage une mauvaise série télé format 4/3 et basse définition d’un dimanche après-midi des années 2000.

L’entretien debout

On arrive ensuite dans le bureau du président, avec des drapeaux des dorures, et une horloge laissée négligemment en évidence. Laurent Delahousse a quitté un instant la couverture de télé 7 jours pour être l’intervieweur du président de la République. Il se tient debout au côté de ce dernier également debout.

Bon, ces deux monsieurs tiennent sur leurs deux pieds. On n’en doutait pas. On est pas spécialement surpris et ça ne relève a priori pas d’intérêt particulier. Ils nous feront l’honneur de rester debout tout au long de l’entretien, sans que l’on comprenne bien pourquoi.

Histoire d’éclairer la nation sur l’action politique en cours, et celle à venir, le président gentiment servi par le journaliste, commence par expliquer qu’il dort peu. Et cela lui coûte peu, parce qu’il n’a jamais dormi beaucoup. Là dessus on a le droit à une reprise de haut vol de l’impertinent contradicteur du service public qui fait la remarque qu’il a vu beaucoup d’horloge à l’Elysée.

Après le sommeil présidentiel, nous avons le droit au mobilier du palais. On ne restera pas longtemps sur le mobilier, le président voit plus loin et nous emmène même très loin. M. Macron se met à disserter sur le temps qui passe. La journée, qui est toujours trop courte, même si lui en dormant peu, travaille beaucoup, naturellement. Le quinquennat, durée qui ne se regarde que dans un rétroviseur plein de regret.

A la décharge du président, il ne s’est peut-être pas douté qu’il s’agissait d’un entretien sérieux, étant donné que son interlocuteur a commencé par lui demander combien de bureau il utilisait, avant de passer à l’organisation de la pièce dans laquelle il se trouvait.

Suppression d’emploi sous les ors de l’Elysée

Du sérieux, il y en aura tout de même un peu dans cet entretien. Le président de la république a ainsi tranquillement annoncé la fermeture de l’ensemble des centrales électriques thermiques du pays d’ici à la fin du quinquennat. Qu’importe que ces dernières ne représentent qu’une paille dans les émission de CO2.

Plusieurs dizaines de milliers de familles ont ainsi appris à la télé la menace qui pèse sur leurs emplois. Sans concertation. Sans même annonce d’un plan global. Le président débout en conversation avec un présentateur télé, en caméra épaule, à la mode “Plus belle la vie”, champs contrechamps et annonce de licenciement.

Le président avait prévenu un peu auparavant qu’il était “obligé d’aller vite”. Pas certain que les familles qui seront laissées sur le carreau par sa décision le comprennent.

Pas certain que les ors de la République qui ont servis de décor à cette annonce brutale aient atténué le choc.

Visite du palais

Si la majorité du discours ne présente pas grand intérêt, l’entretien permet de visiter quelque peu le palais présidentiel. Les gros plans laissent parfois place à des vues d’ensemble qui permettent d’admirer le décor. Ce dernier évolue d’ailleurs, puisque les deux compères debout, se mettent à déambuler.

On peut ainsi admirer une seconde pièce avec un lustre magnifique. On observe également un huissier ? un garde du corps ? L’homme est toutefois obligé de se tenir debout immobile, et sert de décor à une discussion inintéressante. Les questions sur la situation politique alternent avec celles sur le président, ou le mobilier pour lequel Laurent Delahousse semble nourrir une grande passion.

Il commente ainsi :

“Les français ne connaissent pas parfaitement l’Elysée”

C’est certain. La très grande majorité du pays n’y a jamais été conviée. Cette affirmation sert en fait de point de départ à une question d’une pertinence absolue, sur les portraits des présidents morts qui étaient affichés à cet endroit. Nous voilà comblés.

Un journaliste de choc

Il faut dire que les questions sur le mobilier sont presque plus dignes que les autres. La tonalité de la conversation et la mise en scène décidée ne sont pas seulement vieillottes. Elles permettent une liberté bienvenue qui casse le caractère habituellement solennel de l’entretien présidentiel pour oser des questions d’une impertinence inconcevable autrement :

“Ça vous agace parfois qu’on dise : Le Président de la République, il va vite, il s’impose, il a un exercice solitaire du pouvoir, on parle même de Jupiter. Ça, ça vous agace ? Vous vous dîtes : c’est faux ! Ou c’est un peu vrai ?”

Après une telle charge, Emmanuel Macron a failli vaciller !

Une mise en scène ringarde

Les deux protagonistes de cet échange, particulièrement étrange, continuent leur promenade, descendant un escalier à la rampe toute dorée. Cette déambulation, coupée par des plans multiples, parfois particulièrement improbables, rappelle davantage les archives de l’INA que House of Cards.

Le passage au début de la promenade devant une table dressée était d’un intérêt tout particulier qui mérite les applaudissements. De même pour la capacité du cadreur à occuper le premier plan par un bout de rampe  ou de rideau afin de donner un peu de perspective.

Apparemment soucieux de faire ringard dans les moindres détails, les feuilles de notes de l’impertinent journaliste, sont siglées d’un magnifique logo “19h dimanche” d’une modernité pas flagrante.

L’entretien se finira sur l’improbable décor d’une cours intérieure utilisée comme parking avec à nouveau le magnifique sapin de noël du début. On ne manquera pas de saluer ce choix, qui permet d’apercevoir l’ensemble de l’équipe technique dans le reflet de la baie vitrée ce qui permet une illustration habile des propos présidentiels sur l’audiovisuel public.


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