Macron, le président soleil

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Macron, le président soleil

Pendant 1h30 le président de la république s’est offert une tribune très idéologique pendant laquelle il a pu à loisir s’étendre sur son ambition de diriger la France comme on dirige une entreprise.

A mis chemin entre un professeur d’école de commerce et un prêcheur dans son église, il a commencé son discours comme il l’a terminé : par des envolées lyriques sur le « mandat du peuple », « l’amour de la France » et la « cause de l’Homme ».

Un discours sans surprise

Sans grande surprise, il a fait du Macron, promouvant le renouveau contre les dénis de réalité (de ses opposants) et contre la course aux scandales, la chasse à l’homme en appelant les parlementaires à la retenue une fois que la loi travail aura été sans nul doute adoptée…

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Il s’est dit tenant du progressisme et de la responsabilité qui pour lui consistent à savoir dépasser les réglementations pour être plus efficace, a dépasser les clivages pour une France réconciliée et débarrassée des « dogmes »« je refuse ce dogme disant que pour bâtir l’égalité il faut renoncer à l’excellence ». Il a ainsi tout au long de son discours insisté sur les principes de l’idéalisme libéral selon lesquels l’initiative et l’excellence n’entraient pas en contradiction avec la justice et l’égalité.

Pas de surprise uniquement la confirmation de quelques-unes de ses propositions de campagne.

Une limitation de l’activité des parlementaires

En particulier s’agissant du travail parlementaire. Devant le parterre studieux de la représentation nationale, il a redit sa volonté de réduire d’un tiers le nombre de parlementaires et de bouleverser le rythme de leur travail.

Ainsi il veut donner la « priorité aux résultats », par la rupture avec « l’accumulation des textes » afin de donner du temps à l’évaluation et au contrôle a posteriori. En clair, limiter au maximum le débat législatif et le fait même de légiférer (considérés comme trop chronophages) pour que la loi se limite à fixer un cap, des axes fondamentaux, qui eux, doivent être construits le plus vite possible pour accompagner les mouvement de la société.

En d’autre termes le parlement doit pour le président devenir une chambre d’enregistrement de sa volonté et un bureau d’étude et de contrôle le reste du temps. Ce n’est pas la  « dose de proportionnelle » qui changera profondément la nature de son projet pour le travail législatif.

Une perception monarchique de sa fonction

Il a insisté sur la nécessité du pluralisme et du respect des oppositions, bien conscients que cela constitue une des principales raisons de critique de sa démarche.

Cela ne l’empêche pas pour autant d’assumer pleinement de se présenter devant le congrès avant même le premier ministre et de dire qu’il le ferait chaque année, et que ceux qui le refusent (PCF et FI) font preuve de « sectarisme » et « d’arrogance doctrinaire ». Ces « donneurs de leçon », ces « moralisateurs » qui seraient les tenants d’un système sclérosé, empêcheraient par intérêt d’améliorer la « représentativité » et la « responsabilité » des élus.

La fin de l’état d’urgence

Il a annoncé sans sourcillé la fin de l’état d’urgence à l’automne. Il semble qu’il ait oublié qu’il a lancé le processus pour l’inscrire dans le droit commun.  

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Il développe dailleurs à ce propose une inquiétante réthorique :

« En ces temps de terrorisme, nous voulons une liberté forte. C’est donc aussi assurer la liberté de chacun et garantir les libertés individuelles. Que devons nous aux victimes, à nos compatriotes qui sont morts… ? Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou dans les célébrations.  

Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire. D’un côté, je rendrai aux Français leurs libertés en levant l’état d’urgence à l’automne. Ces libertés sont la condition d’une démocratie forte. Le code pénal tel qu’il est, le pouvoir des magistrats tel qu’il est, peuvent nous permettre d’anéantir nos adversaires.  

Mais d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions nouvelles qui nous renforcerons  dans nos libertés. »

Pour le président de la liberté forte, il semble possible de renforcer les libertés en les restreignants.

Une conférence de territoire

Reprenant une de ses promesses de campagne, il a annoncé la tenu d’une conférence de territoire sans qu’il ne dévoile davantage ce qu’il souhaitait en faire.

« Osons conclure avec nos territoires et nos élus de vrais pactes girondins fondés sur la confiance et la responsabilité. La conférence des territoires qui sera bientôt lancée par le premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire et financière, mais il faudra adapter nos collectivités…  »

Entre les annonces de dédoublement des de CP en REP sans y allouer un euro et sa volonté de supprimer les départements de petite couronne en Île de France, les signaux vers les territoires ne sont pas vraiment encourageant.

La précision que ces conférences ne seront pas uniquement budgétaires et financières fait d’emblée douter de l’ambition qui y est mise. Aujourd’hui la première difficulté des français dans les « territoires », c’est pourtant l’austérité qui dégrade leurs conditions de vie.

Un accueil bien limité des migrants

« Nous devons réexpliquer et agir partout quand il y a la guerre, le réchauffement climatique, qui déstabilise ces régions. Nous devons aussi mieux endiguer ces grandes migrations par une politique de contrôle et de lutte des trafics de personnes. Il faut pour cela, de manière coordonnée en Europe, mener une action efficace et coordonnée. Il faut accueillir les réfugiés politiques, car cela appartient à nos valeurs, et ne pas les confondre avec les immigrés économiques »

Cette distinction entre le réfugié qui serait bon et le migrant économique est à mille lieues des réalités. La pauvreté des pays d’émigration est bien souvent couplé à des situations politiques compliquées.

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Fuire la Libye ou l’Erythrée, c’est fuir la misère, mais aussi  des pays totalement ravagés par la guerre. Que dire aux marocains qui vivent dans une monarchie absolue rétrograde ?

Une conclusion navrante

Sa fin en forme de prévision annonce déjà qu’il entend aller à l’affrontement sur tous les sujets et fort de son élection et de sa majorité ne renoncer à rien.

« Il y aura de l’imprévu, de l’opposition, des moments difficiles, mais nous ne laisserons pas ces aléas nous décourager. Devant chaque difficulté nous ne baisserons pas les bras, nous en reviendrons à l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore.  »

Et de finir dans une envolée lyrique à l’intérêt aussi faible sur le fond que sur la forme :

« En chacun de nous il y a un cynique qui sommeille. Et c’est en chacun de nous qu’il faut le faire taire, jour après jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu’elle est la plus grande, la plus belle qui soit : faire à l’homme, enfin, un pays digne de lui. »

Pendant que le président s’écoutait, deux cents communistes s’étaient réuni à l’extérieur pour dénoncer son mépris des institutions, probablement qu’ils n’ont pas réussi à faire taire les cyniques qui sommeillent. 

 

 

 


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