Marches des fiertés : une histoire récente

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Marches des fiertés : une histoire récente

Si les Marches des Fiertés en tant que telles sont annulées cette année pour des raisons sanitaires dues à l’épidémie de COVID-19, juin reste le mois des fiertés, que nous devons célébrer. C’est l’occasion de faire vivre nos revendications pour les personnes LGBTI, mais aussi de se rappeler de l’héritage de lutte des générations précédentes, notamment celles qui ont permis l’existence de ces Marches des Fiertés. 

Illégalité et clandestinité  

Dans de nombreux pays du monde, l’homosexualité et la transidentité ont pendant longtemps été considérées comme illégales, relevant de la folie ou de la perversion. Face aux persécutions, les personnes homosexuelles et transgenres vivent alors clandestinement. Ainsi, depuis le milieu du XIXe siècle les luttes LGBT existent, avec dans un premier temps une adresse clandestine, afin que nombre de personnes puissent vivre librement leur existence. C’est plus tard que l’ambition revendicative prend forme, en réponse à des constats et à une réalité sociale dangereuse et conservatrice. Cela atteint son apogée en 1969, à New York.

Le tournant de 1969 

Le Stonewall Inn, bar gay de Manhattan, subit une descente policière violente, entraînant une émeute et des affrontements entre les client•e•s du bar, le voisinage et les forces de l’ordre. Cet événement marque un tournant majeur dans l’histoire des luttes LGBTI. En effet, s’il fait suite à une multiplication des actes homophobes aux États-Unis, c’est aussi le point de départ d’un mouvement de lutte important, contre les LGBTIphobies, et particulièrement contre les violences policières que les personnes homosexuelles ou transgenres subissent. 

La première Gay Pride new-yorkaise a lieu un an plus tard pour commémorer les trois jours d’émeutes de Stonewall. Les participant•e•s revendiquent aussi « la fierté homosexuelle », et des droits égaux pour toutes et tous, peu importe son genre et son orientation sexuelle. Le mois de juin devient le mois des fiertés, et les prides deviennent des marches internationales. 

Les prémices en France 

L’histoire des Marches des Fiertés débute en France dans les années 1970 en opposition avec Arcadie, l’association majoritaire de représentation des personnes LGBTI. Celle-ci se base sur des principes de discrétion et de respectabilité, établissant que la tranquillité des personnes homosexuelles ou transgenres viendra du fait qu’ils et elles ne se montrent pas. Une partie plus radicale du mouvement pour les droits des personnes LGBTI, ne voulant plus se cacher et luttée pour une société plus juste, se dresse contre ces principes, faisant basculer la lutte LGBT française dans une volonté de changement radical de la société. 

Ces organisations, comme les organisations féministes, se structurent aussi dans le contexte de mai 1968, en tant que moment de combat, d’émancipation et de changements sociaux. Une première marche française a lieu 1971, avec une participation contestée des organisations de lutte LGBTI au 1er mai de cette même année. Cependant, la première manifestation complètement indépendante aura lieu en 1977 à Paris, organisée par le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) et le Groupe de Libération Homosexuelle (GLH). Les revendications de l’époque sont essentiellement des positionnements contre l’homophobie religieuse et étatique. 

Plus tard, dans les années 1980, les participant•e•s aux Marches manifestent pour un accès à la santé, dans le contexte d’une épidémie du SIDA, qui décime les personnes LGBT, et notamment les hommes homosexuels, par manque d’information et d’accès à la contraception et aux soins. C’est en 1989 qu’est créée l’association Act Up, qui vise à réaffirmer le droit aux soins, mais aussi à lutter contre la stigmatisation des personnes homosexuelles. 

Les années 2000

Dans les années 2000, la Gay Pride devient la Marche des Fiertés pour des questions d’inclusivité de toutes les luttes, de tous les aspects du mouvement LGBT, et pas seulement des hommes cisgenres homosexuels. Cela permet notamment l’inclusion des femmes et des personnes transgenres, grand•e•s oublié•e•s des luttes, longtemps invisibilisé•e•s, les acquis étant alors dirigés vers les hommes.

Les manifestations deviennent de véritables enjeux politiques. En témoigne la marche de 1981, avancée en avril pour assurer à François Mitterrand le soutien des militant•e•s progressistes. Le candidat de gauche participe ouvertement à la manifestation, en compagnie de plusieurs de ses futurs ministres. Il prend alors plusieurs engagements, permettant une avancée majeure des droits des personnes homosexuelles en France, comme la dépénalisation de l’homosexualité en 1982. Les marches sont des moments incontournables, accueillant de nombreuses personnalités publiques, permettant des évolutions importantes des droits, mais aussi une prise de conscience de la société. Ainsi, c’est dans ce contexte, en 1999, qu’est créé le Pacte Civil de Solidarité, autorisant les personnes LGBTI à une forme d’union — le mariage n’étant autorisé qu’en 2013.

Le PACS est l’occasion de mentionner la violence subie par les participant•e•s aux marches. Les groupes conservateurs d’extrême droite s’en prennent régulièrement aux militants et militantes, mais c’est aussi le cas de la police. Pourtant, la violence est aussi verbale. Insultes, théories homophobes et transphobes, discours haineux sont relayés par les médias et les politiques de droite, sous couvert de respect des traditions et de protection de l’enfance. C’est le cas en 1999, mais aussi 2013, lors de la revendication du mariage pour toutes et tous, deux moments où le mouvement LGBTI réaffirme son droit à fonder une famille et à vivre en ayant accès aux mêmes droits que n’importe quel couple hétérosexuel.

Et aujourd’hui ? 

Les Marches des Fiertés sont aujourd’hui encore un rendez-vous annuel majeur des militant·e·s LGBTI. Moment politique permettant une représentation médiatique des luttes émancipatrices, il permet de gagner des droits et de réaffirmer les acquis de toute une partie de la population, longtemps reniée et violentée. Aujourd’hui, la lutte n’est pas terminée. Comme pour le combat féministe, il s’agit de réaffirmer des acquis, toujours menacés par le conservatisme LGBTphobe. De nouvelles revendications émergent également, toujours en lien avec celles des générations précédentes. Il s’agit aujourd’hui d’approfondir le droit à fonder une famille, par le développement de l’accès à la PMA pour toutes et tous, et notamment pour les couples lesbiens. C’est aussi, dans le prolongement de la fin de la stigmatisation des hommes homosexuels, qualifié de population à risque, avec la fin du délai concernant le don du sang. Enfin, c’est la revendication intemporelle de la fin des violences et des discriminations envers les personnes homosexuelles et transgenres.  

Les Marches des Fiertés sont un moment annuel, qui permet de réaffirmer ces revendications, de les porter. C’est un moment politique, dont l’enjeu aujourd’hui est d’empêcher une récupération libérale, commerciale et individualiste, dans la continuité des premières Marches et de l’héritage des militant•e•s des années 1970 à maintenant.


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