Karl Marx 2018 : accumulation et exploitation

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Karl Marx 2018 : accumulation et exploitation

Le mode de production capitaliste est – contrairement à ce que beaucoup de gens pensent – très récent dans l’histoire de l’humanité, celui-ci s’est véritablement développé à la fin du XVIIIéme siècle. Son développement s’explique par une concentration toujours plus importante des moyens de productions et d’échanges dans les mains d’une petite classe, les capitalistes (élimination d’une grande partie des petits possédants, paysannerie). Et donc la formation d’une large classe de travailleurs sans propriété obligés de vendre leur force de travail pour vivre. Comment le capitalisme fonctionne-t-il ? Comment et de quelle façon les travailleurs se font exploiter ? D’où vient le profit des capitalistes ?

Il va s’agir ici de répondre en partie à ces questions auxquelles Marx fut le premier à répondre. Il ne s’agit pas ici de retranscrire tel quel « Salaire, Prix Profits » de Marx mais bien d’inviter à le (re)lire.  

La marchandise.

D’où vient la valeur des marchandises ?

Nous pouvons essayer de trouver plusieurs façons de calculer la valeur des marchandises.

Premièrement, la valeur d’usage. La valeur d’usage c’est le fait que la marchandise soit utile au moins à certaines personnes (sans quoi elle ne pourrait être vendue), c’est un point de vue qualitatif. Chaque marchandise a ses caractéristiques (taille, poids, matière) et son utilité propre, de ce point de vue, les marchandises sont toutes différentes les unes des autres. En revanche, il semble compliqué de jauger la valeur d’une marchandise avec ce critère car il faudrait faire une classification de ce qui est le plus utile. De plus, cela voudrait dire qu’une baguette de pain qui dans l’absolu semble plus utile qu’une voiture vaille plus que cette dernière or ce n’est pas le cas.

Deuxièmement la valeur d’échange : toute marchandise possède une « valeur d’échange », ce qui veut dire qu’elle a de la valeur dans le cadre d’un rapport d’échange. C’est la marchandise vue sous l’angle de «contre quoi je vais pouvoir l’échanger ?». Sans argent cela pourrait s’apparenter à du troc: on échange des marchandises qui ont les mêmes valeurs. Si nous prenons le village d’Asterix par exemple on pourrait dire qu’un menhir vaut deux sangliers qui valent dix poissons (M-M). On peut également imaginer cela avec de l’argent où on échange dix poissons contre une certaine somme qui elle-même servirait à acheter un menhir (M-A-M : M = Marchandise et A = Argent). En revanche, la valeurs d’échange ne sert pas à nous dire la différence de valeurs entre les marchandises. Dans le cas du village d’Asterix cette question serait : « Pourquoi un menhir vaut dix poissons et pas six ou sept ? »

Marx va nous dire qu’il existe un point commun entre toutes les marchandises et que c’est de là que réside essentiellement la valeur de celles-ci : elles sont toutes issues du travail humain. La valeurs d’une marchandise se détermine donc en temps de travail ou plutôt en temps de travail socialement nécessaire.

(encart : temps de travail socialement nécessaire correspond à une moyenne de temps admise comme raisonnable par la société pour produire une marchandise. Par exemple on peut estimer qu’une paire de chaussures met 1 heure à être produite et donc que celle-ci soit faite en trente minutes ou bien en deux heures sa valeur restera la même, ce « temps de travail socialement nécessaire » évolue en fonction du progrès technique : on ne met pas autant de temps à produire une paire de chaussures aujourd’hui et il y a un siècle.)

De ce point de vue on peut comprendre pourquoi une voiture vaut plus qu’une baguette de pain car il a fallu beaucoup plus de temps de travail socialement nécessaire pour faire une voiture qu’une baguette de pain.

La valeur d’une marchandise va s’exprimer par son prix qui en est l’expression à travers l’argent. L’argent est un équivalent universel pour exprimer la valeur de toutes les marchandises.

L’argent

Historiquement, du fait des difficultés liées à l’échange par le troc, un type de marchandise donné était fréquemment utilisé comme « monnaie ». Au cours des siècles, l’une de ces marchandises – l’or – s’est imposée comme l’« équivalent universel ». Au lieu de dire que telle marchandise vaut tant de beurre, de viande ou de tissu, elle est exprimée en terme d’or. Le prix est l’expression monétaire de la valeur. L’or fut adopté comme équivalent universel du fait de ses caractéristiques. Il concentre une grande valeur dans peu de volume, peut être facilement divisé en quantités différentes, et est également très résistant.

Sa valeur correspond comme les autres marchandises au temps de travail socialement nécessaire à la produire. Ainsi, si pour faire une once d’or on met 40h. Toutes les marchandises qui mettent autant de temps à produire vaudront une once d’or et ainsi de suite si on met 10h cette marchandise vaudra 1 quart d’once d’or.

Le profit.

Qu’est ce que le profit ?

Aujourd’hui, les capitalistes pour créer des profits vont avancer de l’argent pour produire une marchandise et ensuite la revendre (A-M-A). Nous pouvons voir ici une certaine contradiction car ici A=A, l’argent au départ et à l’arrivée est le même. Pourtant personne ne se risquerait d’avancer 1 000€ dans le but de regagner 1 000€. La réelle formule est A-M-A’ : le capitaliste avance de l’argent pour produire une marchandise qu’il va vendre pour qu’elle lui rapporte plus d’argent. Et l’ingéniosité ici est que A=M,  M=A’ et pourtant A<A’. Il y a ici un profit et ce profit vient de ce que Marx appelle la « plus-value ». Celle-ci se fait grâce à la force de travail.

La force de travail est considérée comme une marchandise : le marché du travail répond aux mêmes logiques qu’un marché classique. La force de travail est soumise aux mêmes lois que les autres marchandises. Le temps de travail socialement nécessaire pour la produire correspond à sa production. Comment produit-on la force de travail ? En apportant au travailleur de la nourriture, un toit pour se loger, une éducation pour la former… Le temps de travail socialement nécessaire correspond donc à l’entretien du travailleur à savoir son aptitude à travailler.

L’exploitation

A la différence des autres marchandises la force de travail est payée après avoir été consommée. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi il y a exploitation. Comme toutes marchandises la force de travail dépend de sa valeur sur le marché (qui comme nous venons de le dire dépend du coût de sa production). Pour l’instant l’exploitation n’est toujours pas visible. Pour autant comment pouvons-nous expliquer que la bourgeoisie engendre des profits ? L’explication vient du fait que le travailleur ne vend pas son travail mais sa force de travail soit sa capacité de travail et non pas la marchandise qu’il produit. Et c’est de là que le capitaliste va réussir à tirer une plus-value sur le dos des travailleurs.

Comme nous allons le voir dans l’exemple suivant, la force de travail qu’achète le capitaliste est la seule marchandise qui, lors de sa consommation, produit un supplément de valeur au-delà de sa valeur propre.

Prenons, par exemple, un travailleur qui file du coton. Admettons qu’il est payé 5 euros de l’heure et travaille huit heures par jour. Au bout de quatre heures, il a produit une quantité donnée de fil d’une valeur de 100 euros. Cette valeur de 100 euros peut être divisée ainsi :

  • Matières premières : 50€ (coton, broche, électricité)
  • Détérioration : 10€ (entretien de la machine)
  • Nouvelle valeur : 40€

La nouvelle valeur qui a été crée en quatre heures permet de payer le salaire du travailleur pour les 8 heures de sa journée complète. A ce stade, le capitaliste a donc couvert tous ses frais (y compris l’intégralité de la « charge salariale »). Mais pour l’instant, aucune plus-value (profit) n’a encore été créée.

Au cours des quatre heures suivantes, le salarié va à nouveau produire 50 kilos de fil, d’une valeur de toujours 100 euros. Et à nouveau, 40 euros de nouvelles valeurs vont être créées. Mais cette fois-ci, les frais en salaire sont déjà couverts. Ainsi, cette nouvelle valeur (40 euros) est ce que Marx appelle la « plus-value ». Comme le disait Marx, la plus-value (ou profit) est le travail impayé de la classe ouvrière. De celle-ci proviennent la rente du propriétaire terrien, les intérêts du banquier et le profit de l’industriel.

Ce n’est pas parce qu’il (le travailleur) produit de quoi renouveler sa force de travail en 4h que ça l’empêche de travailler toute la journée. Et c’est sur ce reste de la journée que le capitaliste va se faire une plus-value.

Maintenant que nous avons vu d’où vient le profit des capitalistes comment expliquer que celui-ci ne fait qu’augmenter ?

Marx va faire la distinction entre deux capitaux à payer pour un patron : le capital constant (à savoir le capital qui ne fluctue pas donc matière première pour produire la marchandise et la détérioration) et le capital variable. Ce capital variable est le « coût » du travail c’est à dire la quantité de temps que le travailleur va devoir fournir pour produire son salaire. C’est sur cela que le capitaliste va jouer pour engendrer des bénéfices supplémentaires. Il va essayer de faire en sorte que ce temps soit le plus court possible pour que le reste du temps ne serve pas à rémunérer le salarié mais à engendrer plus de bénéfices. Cela s’obtient principalement grâce à des gains de productivité qui s’obtiennent eux-mêmes grâce à l’innovation et le progrès techniques. Pour reprendre l’exemple du travailleur qui fil du coton : grâce aux progrès techniques et à l’arrivée de nouvelles machines il ne va plus produire pour 100€ de coton en quatre heures, il va produire l’équivalent en une heure. C’est-à-dire qu’il aura payer son salaire en une heure et sur les 7 heures restantes : la nouvelle valeur ira directement dans la poche du capitaliste.

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