Migrants, du héros au benchmarking

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Migrants, du héros au benchmarking

Un acte héroïque a permis d’avoir un traitement humanisé d’un migrant malien en situation irrégulière à Paris. Une semaine après, le démantèlement d’un camp et une nouvelle sortie scandaleuse de Gérard Collomb ont rappelé la réalité de la politique migratoire française.

La nationalité au mérite

Le geste héroïque d’un jeune malien sans papier, qui a escaladé une façade pour sauver un enfant qui menaçait de chuter, lui a valu une naturalisation. En 2015, un autre malien avait déjà fait la une des médias pour son héroïsme, il avait mis à l’abris six clients lors de l’attaque terroriste de l’hyper cacher. Selon les chiffres de la direction générale des étrangers en France, interrogée par France info, une poignée de personnes obtient ainsi la naturalisation chaque année.  

La très forte médiatisation notamment, due à la spectaculaire vidéo du sauvetage, conduit toutefois à s’interroger sur le message renvoyé. La récente loi Asile-Immigration complique encore la vie des demandeurs d’asile, et le gouvernement a ouvertement  affiché l’objectif de faciliter les expulsions du territoire. Dans ce contexte, le fort traitement médiatique de l’acte héroïque est presque devenu indécent.

L’image donnée par cette séquence est celle d’une acceptation de l’étranger limité à la réalisation d’un geste extraordinaire.

Comme le veut la désormais triste tradition, les médias se sont faits échos des pires déclarations sur le sujet. Si l’on pouvait s’attendre à un déchaînement de haine du Front National,  on est là tombé dans l’immonde avec les déclarations de Nicolas Bay. La droite n’est pas non plus restée sur la touche en envoyant ses plus opportunistes représentants baver tels des charognards pour tenter de concurrencer l’extrême droite.  

Le camp du progrès n’a pas fait bloc pour autant, à l’image d’Alexis Corbières, qui derrière des justifications pseudos philosophiques, a commis une des pires déclarations. Reste heureusement des élus de terrain, comme le Maire de Montreuil Patrice Bessac pour remettre les pendules à l’heure et donner un peu d’air à ce climat nauséabond.

Des politiques migratoires toujours plus dures

Quelques jours après l’exploit du jeune malien, sa réception à l’Elysée et sa naturalisation, trois événements sont venus cruellement illustrés l’inhumaine politique migratoire française.

Le 30 mai au petit matin, le campement du Millénaire, le plus grand de Paris était évacué. D’après les associations jusqu’à 2000 demandeurs d’asile, déboutés de l’asile mais aussi réfugiés y vivaient. Cette concentration de misère au coeur de la capitale est en grande partie dûe aux politiques migratoires absurdes menées par le gouvernement.  Près de la moitié, dont la demande d’asile a déjà été refusée ou dont les empreintes ont été relevées dans un autre pays européens, avait fui avant le démantèlement de ce camp. Ce jeu du chat et de la souris peine à masquer l’indignité de la politique française.

Un peu plus tard s’ouvrait le procès d’une militante d’Amnesty accusée d’avoir favorisé le passage de la frontière italienne à deux migrants mineurs. L’accusation était tellement vide que la procureur a dû demander la relaxe. Ce procès rappelle qu’en France aider les migrants est toujours un délit…

La journée c’est finalement achevée par une déclaration du ministre de l’intérieur qui, interrogé par une commission du Sénat, a dénoncé de supposées stratégies de demandes d’asile des migrants :

” Les migrants font un peu de “benchmarking” pour regarder les différentes législations à travers l’Europe qui sont les plus fragiles. Telle nationalité, que je ne citerai pas, se dirige plutôt vers tel pays, non pas parce qu’elle est plus francophile, mais tout simplement parce que là, c’est plus facile”

Un mépris à peine croyable de la part du ministre pour une population qui a bien souvent connu les pires horreurs sur la route et risqué la mort.


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