Nouvelle loi antiterroriste : inefficace et dangereuse

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Nouvelle loi antiterroriste : inefficace et dangereuse

Depuis lundi,  les débats se sont ouverts à l’Assemblée Nationale sur la nouvelle loi antiterroriste, dite sur la sécurité intérieure et le terrorisme. Cette loi qui vient s’empiler par dessus plusieurs autres portant sur le même sujet, vient ajouter une nouvelle couche de mesures sécuritaires.

Une loi prise au piège de la peur

Derrière cette loi se cache l’incapacité des dirigeants politiques à mettre fin à l’état d’urgence. Cet état d’exception mis en place à la suite des attentats du 13 novembre 2015 s’est avéré être un terrible piège dont personne n’a osé sortir.

Alors même que les nouvelles possibilités offertes aux forces de l’ordre n’ont pas améliorer la protection des citoyens, il est devenu presque impossible de revenir dessus. Sortir de l’état d’urgence, au-delà même du concert de critiques que cela susciterait, reviendrait à endosser la responsabilité symbolique de tout nouvel attentat.

François Hollande, alors même qu’il quittait la présidence de la république largement discréditée n’a pas osé le faire avant les élections. Emmanuel Macron, fort de tout le prestige de son élection n’aura pas non plus eu le courage.

Aujourd’hui il promet la sortie de l’état d’urgence en échange du vote de cette nouvelle loi, mais cette dernière revient à inscrire dans le droit commun la plupart des mesures prévues par l’état d’exception.

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L’exception devient la norme

On ignore s’il s’agit d’une tentative maladroite de s’en cacher, s’il s’agit d’un excès de pudeur ou d’un cynisme parfaitement assumé, toujours est-il que plusieurs mesures sont reprises intégralement de l’état d’urgence et renommées.

Les fameuses et inutiles “assignation à résidence” sont ainsi rebaptisées “mesures individuelles de surveillance”. Il est vrai que le vocabulaire hérité de la guerre d’Algérie est probablement trop franc pour notre époque.

La transformation des “perquisitions administratives” en “visites domiciliaires et saisies” pousse toutefois le jeu un peu trop loin. On en rirait presque s’il ne s’agissait pas de faire exploser une porte au milieu de la nuit pour finalement ne rien trouver si ce n’est une famille apeurée.

Derrière ces expressions, c’est tout un pan des principes du droit qui s’évanouit. Sous prétexte de rapidité, le juge s’efface au profit de la police. Tant pis si ces méthodes se sont avérées totalement inefficace dans les semaines qui ont suivi la mise en place de l’état d’urgence. Tant pis si aujourd’hui elles sont délaissées. Tant pis, l’affichage de la possibilité vient tranquilliser l’esprit du dirigeant politique qui les brandira à qui voudra. Tant pis si à l’attentat suivant, il faudra aller encore plus loin.

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Le racisme légalisé

Deux mesures intégrées à cette loi vont même plus loin que l’état d’urgence.

La première vise à l’extension des zones frontalières. Ces zones s’appliquent également autour des gares et aéroports internationaux et pourront désormais aller jusqu’à 20 km. Ce qui a pour conséquence de couvrir les deux tiers de la population.

Dans ces zones, il n’y a pas besoin pour la police qu’un procureur ait donné une autorisation préalable pour effectuer des contrôles dits aléatoires. Il est pourtant largement documenté aujourd’hui que ces contrôles sont tout, sauf aléatoires et visent une partie de la population sur des préjugés racistes.

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Non seulement cette mesure va aggraver les persécutions subies par les victimes de ces préjugés, mais en plus on ne peut que déplorer l’amalgame raciste qui a conduit à intégrer une telle mesure dans une loi antiterroriste.

Venant à la suite de la première mesure la seconde est encore plus scandaleuse et représente rien de moins que la légalisation du contrôle au faciès.

“[Les agents peuvent] vérifier le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé, des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévus”

Chacun est libre d’apprécier ce qui peut bien constituer des éléments objectifs extérieurs permettant de déduire la qualité d’étranger d’une personne en France en 2017.


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