Orientation : construire tout autre chose

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Orientation : construire tout autre chose

L’orientation est continuellement confrontée au mur de la sélection quand bien même les défis qui se posent devant nous requièrent et requerront des travailleurs, des chercheurs, des cadres, des femmes et des hommes toujours mieux formés.

Faisant face à un système scolaire profondément inégalitaire, les jeunes se retrouvent en grande partie dans des cursus qui ne correspondent pas à leurs aspirations tandis que les libéraux s’évertuent à pousser les jeunes à choisir leur avenir professionnel de plus en plus tôt. L’individualisation des parcours n’a pas comme objectif d’aider chaque jeune dans ses choix, mais au contraire, d’effectuer des politiques de tri social, de sélection et d’érosion des diplômes. 

Parcoursup, les jeunes ne sont pas dupes

Dans cette logique, cela fait maintenant quatre années que Parcoursup est en place. De nombreux bilans de cette plateforme ont été produits, tous plus sévères les uns que les autres. À la fin de la première édition, en 2018, le gouvernement affirmait que 94,5 % des inscrits sur la plateforme avaient obtenu une formation. Mais ce chiffre ne dit rien des presque 20 % de bacheliers qui ont quitté la plateforme à la suite de multiples refus ou à des acceptations ne correspondant pas à leurs attentes (24 % pour les bacheliers professionnels). En 2019, les chiffres des « abandons » n’étaient pas disponibles, mais un autre était l’était : 50 000 élèves ne connaissaient pas leur affectation au mois d’août. 

Pourtant, Parcoursup pourrait bien porter un autre nom, il en serait de même tant il est question de projet politique global. Aussi, il faut affirmer que d’autres choix sont possibles et que cette plateforme ne fait pas office de fatalité.

Parcoursup est le fruit d’une politique globale

Il paraît clair que cette plateforme est le fruit d’une politique délibérément choisie de sélection et de reproduction sociale. La tendance à la diminution d’un tronc commun — faisant pourtant office de nécessité républicaine et égalitaire — tant dans l’enseignement général que professionnel, mais aussi la mise en concurrence des élèves et des établissements entre eux engendre une ségrégation sociale non assumée, mais justifiée. 

Il apparaît que 50 % des élèves de lycée professionnels déclarent que leur choix s’est fait par défaut, car leurs résultats ne leur permettaient pas d’accéder aux études qu’ils souhaitaient. Ce chiffre est deux fois moins élevé pour les élèves des lycées généraux. On retrouve aussi un premier tri effectué en fonction des notes : celles et ceux réussissant le moins étant envoyés « par défauts » dans l’enseignement professionnel, pour se former à des métiers dits « d’exécutions », souvent peu valorisés, financièrement notamment. 

À ce titre, il est donc illusoire de penser qu’uniquement plus de conseillers d’orientation permettraient de lutter contre les orientations forcées, quand c’est le système scolaire dans son ensemble qui amène à cela, avec le classement induit par les notes.

Cette logique induit des conséquences directes sur le monde du travail, où les classes populaires se retrouvent en grande majorité dans les secteurs les plus précaires, car ils n’ont pas pu accéder à de longues études.

Pour un réel Service public de l’Orientation

Il faut déjà pallier par des investissements le manque de moyens et de maillage territorial des différents dispositifs actuels, et notamment des CIO qu’on recense à moins de 500 en France, ce qui est évidemment insuffisant. Aujourd’hui, la politique d’orientation est confinée à un accompagnement d’urgence, et non à un réel appui permettant de suivre sa scolarité avec la prise en compte de ses aspirations et d’entrer dans le monde du travail sereinement.

Le Service public de l’Orientation doit être vu comme une politique générale d’éducation, et non comme un bouquet de mesures et de services. La France a besoin de politiques ambitieuses en la matière. 

Les députés communistes rappelaient l’année dernière que « le constat est sans appel, parmi les pays de l’OCDE, l’école française est celle où l’origine sociale pèse le plus lourd dans les résultats scolaires. La dernière enquête PISA révèle ainsi qu’en 2018, l’écart de réussite entre les élèves de milieu social favorisé et défavorisé était de 107 points en France, largement au — dessus de la moyenne de l’OCDE qui est de 89 points. »

C’est de moyens dont la jeunesse a besoin, d’un service public permettant de répondre aux aspirations des jeunes, mais aussi des besoins du pays et de l’intérêt général. Cela ne peut que passer par des investissements dans les dispositifs actuels, dans l’embauche d’enseignants et de conseillers en orientation chargés de missions précises. 

Il est urgent de permettre l’accès à toutes et tous aux formations avec comme unique pré requis l’obtention d’un diplôme national nécessaire. La lutte contre les inégalités scolaires ne se mène pas sans lutte contre les inégalités sociales et contre les logiques de rentabilité à court terme qui font des jeunes des variables d’ajustement pour le marché du travail capitaliste.


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