Plan Trump pour la Palestine : la faible condamnation internationale

publié le dans
Plan Trump pour la Palestine : la faible condamnation internationale

Après plus de deux années d’attentes, à la fin du mois de janvier 2020, Donald Trump dévoilait à Benyamin Netanyahu son « plan de paix pour le Moyen Orient ». Depuis, et comme on pouvait s’y attendre, ce fameux « Deal du siècle » comme le surnoms les diplomates américains et les médias a fait parler de lui et divise la communauté internationale.

Ainsi le 29 janvier dernier, le Quai d’Orsay réagissait à cette annonce en saluant « les efforts du président Trump » et en affirmant qu’il allait étudier avec attention « le plan de paix qu’il a proposé ». Le lendemain, Emmanuel Macron confiait au journal Le Figaro croire en « deux souverainetés », cet aveu du Président de la République, couplé au communiqué complaisant du ministère des Affaires étrangères n’a pas tardé à susciter l’indignation dans la classe politique française. Ainsi si le Parti communiste français a immédiatement dénoncé dans un communiqué officiel la « la création de “bantoustans” sans aucune continuité territoriale et sans souveraineté », le Club des vingt, qui regroupe une vingtaine d’experts de la politique étrangère de sensibilités différentes, dont notamment Régis Debray, Roland Dumas ou encore Denis Bauchard n’a pas hésité à condamner la « lâcheté européenne » dans un communiqué officiel. Denis Bauchard a par ailleurs donné son opinion sur l’attitude de la France expliquant au Journal le Point que « Ce communiqué est extrêmement complaisant vis-à-vis de l’initiative américaine. Or il ne s’agit pas d’un plan de paix, mais d’annexion. » Une réaction qui n’est pas sans rappeler celle de l’ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre français, qui affirmait en juin 2019 au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, plusieurs mois avant l’annonce du plan :

« Je conseille vivement à l’ensemble des responsables européens de ne même pas ouvrir ce dossier, pour une raison simple, on n’achète pas l’indépendance d’un peuple, on n’achète pas la dignité d’un peuple ! 50 milliards, pour quoi faire !? Pour fermer sa gueule et accepter d’être dépouillé de ses droits !? »

En Europe aussi les avis sont partagés, en effet la « lâcheté européenne » dénoncée par le Club des 20 est dû au résultat de plusieurs années de lobbying du Premier ministre israélien dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. Cela fait sans doute partie des raisons qui ont poussé la République tchèque, la Pologne et la Hongrie à bloquer une résolution de l’Union européenne contre le plan Trump. On comprend cependant moins la position de l’Italie, actuellement dirigée par le Parti démocrate et le Mouvement 5 étoiles et celle de l’Autriche gouvernée par les Verts qui ont eux aussi bloqué cette résolution, ce qui a poussé Joseph Borrell, chef de la diplomatie européenne à prendre position seul contre la proposition de Washington. En effet pour lui ce plan de paix américain « s’écarte des paramètres qui avaient été convenus à l’international. Pour mettre en place une paix juste et durable, les questions de statut final non résolues doivent être réglées par le biais de négociations directes. Ce qui comprend les problèmes liés aux frontières, le statut de Jérusalem, la sécurité et la question des réfugiés. »

Moscou n’a pas pris de positions claires dans ce débat, même si Mikhaïl Bogdanov, ministre des Affaires étrangères a rappelé qu’il fallait « entamer des négociations directes pour aboutir à un compromis mutuellement acceptable. Nous ne savons pas si la proposition américaine est mutuellement acceptable ou non. Nous devons attendre la réaction des deux parties ». La réaction des autorités palestiniennes à ce plan ne s’est pas fait attendre et elle est unanime, du Hamas au Fatah en passant par le Jihad islamique, tous condamnent ce « Deal du siècle ».

Les pays arabes d’ordinaire proches de la Palestine sont eux étonnamment silencieux pour le moment. Le journal palestino-qatari Al-Quds al-Araby a récemment évoqué le « silence des régimes arabes ». Un silence pesant qui semble indiquer une évolution dans la géopolitique du golfe persique. Mahmoud Abbas Président de l’Autorité palestinienne a néanmoins annoncé la tenue prochaine d’une réunion extraordinaire rassemblant les partis palestiniens et la Ligue arabe. Une façon pour les Palestiniens de trouver de l’aide auprès de ses alliés historiques. Au Maghreb, il n’y a guère que le Maroc qui est resté silencieux, en Algérie et en Tunisie, citoyens et politiciens ont unanimement rejeté ce fameux plan de paix. Le parlement tunisien l’a même accusé d’être un plan « raciste » qui « impose la souveraineté de l’occupation israélienne », ajoutant d’ailleurs qu’une « paix juste et générale dans cette région du Proche-Orient passe nécessairement par la reconnaissance totale du droit du peuple palestinien à décider de son sort ». Le ministère des affaires étrangères algérien a tenu à réaffirmer « son soutien fort et indéfectible à la cause palestinienne et au droit imprescriptible et inaliénable du peuple palestinien frère à l’établissement d’un État indépendant et souverain avec Al-Qods-Est comme Capitale ».

Cette position n’est pas sans rappeler celle de Cuba, puisque le 31 janvier 2020, le ministre des affaires étrangères cubain Bruno Rodriguez Parilla a dénoncé via son compte Twitter un « programme de paix américain, biaisé et trompeur qui consacre l’occupation israélienne et viole le droit inaliénable des Palestiniens d’avoir leur État dans les frontières d’avant 1967 avec comme Jérusalem-Est comme capitale ». Même son de cloche du côté de leurs vénézuéliens qui ont rejeté vivement cet « accord du siècle » et ont rappelé que les frontières palestiniennes définies par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, c’est-à-dire celles d’avant 1967.

Pour ce qui est des Nations Unies, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU s’est lui aussi positionné contre la proposition de Donald Trump puisqu’il a affirmé « nous sommes les protecteurs des résolutions de l’ONU et de la légitimité internationale lorsqu’il s’agit de la Cause palestinienne et nous tenons absolument à une solution à deux États » avant d’ajouter que les Nations Unies soutenaient les israéliens et les palestiniens « jusqu’à ce qu’ils entament un processus de paix conduisant à la solution à deux États sur la base des résolutions du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU ainsi qu’aux frontières d’avant 1967 ».

Même s’il bénéficie de soutiens de poids, le projet de Donald Trump est loin de faire l’unanimité dans la communauté internationale et ne semble satisfaire personne, hormis les États-Unis d’Amérique et le gouvernement d’extrême droite israélien.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques