Réforme du bac, plus d’inégalités pour mieux sélectionner

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Réforme du bac, plus d’inégalités pour mieux sélectionner

Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer présente aujourd’hui sa réforme du bac. L’occasion pour le gouvernement de mettre en place son principe d’inégalité jusque dans les lycées.

Casser les filières pour creuser les inégalités

Un des points majeurs de la réforme est la fin des filières générales. Les élèves ne choisiront plus entre L, ES et S. Ils devront à la place choisir des couples de deux matières majeures accompagnés de matières mineures. On ignore pour l’instant si l’ensemble des combinaisons seront possibles, ou si ces couples seront verrouillés. Huit “spécialités” seront ainsi proposées, arts, histoire-géographie et géopolitique, langues et littérature étrangères, littérature et philosophie, mathématiques, physique-chimie, sciences économiques et sociales, et sciences et vie de la terre.

Ce qui en revanche, apparaît certain c’est que l’ensemble des possibilités ne seront pas proposées par l’ensemble des établissements. Hors la mobilité pour les lycéens est extrêmement réduite. Seuls les élèves issus des familles les plus aisées auront réellement la possibilité de choisir les combinaisons de leur choix. Cette inégalité qui existait déjà au niveau des options est désormais étendue jusqu’au cœur des cursus.

Un socle commun perdura comportant le français, la philo, l’histoire-géographie, deux langues vivantes et le sport. Aucune indication n’a été faite pour l’instant sur la nouvelle organisation des établissements pour suivre ce nouveau fonctionnement. De même sur la nécessaire période transitoire qui verra cohabiter les anciennes filières et la nouvelle organisation en “module”. Question d’autant plus cruciale que d’une organisation en trimestre, l’année sera désormais coupée en semestre.

La fin de l’épreuve nationale du Bac

Le bac va lui aussi vers plus d’inégalité et un petit retour aux vieilles méthodes. Être du nouveau monde, n’empêche visiblement pas de révérer l’ancien. Le bac avec ses épreuves écrites terminales va disparaitre. Désormais une partie sera évaluée en contrôle continu lors de “partiels” semestriels propres à chaque établissement, pour 30% de la note finale et 10% sera issu de l’ensemble des notes des deux dernières années du lycée.

Les 60% restants seront répartis entre 5 épreuves dont une orale. Cet oral, qualifié d’oral de “maturité”, indique un certain épuisement des services de communication du nouveau monde. L’oral sera en réalité l’aboutissement d’un “projet” conduit depuis la première. Un mode d’examen qui rappelle ce qui se faisait dans les filières Science et Technologies Industrielles, avant qu’elles soient rapprochées des filières générales en devenant Science et Technologie de l’Industrie et du Développement Durable.

Le français continuera d’être passé en première, et la philosophie au mois de juin de l’année de Terminale. Deux épreuves dites de spécialités correspondant au couple de matières choisies seront passées au retour des vacances de printemps en Terminale. On peut donc imaginer qu’il y aura une première salve d’épreuves fin mai, avant une deuxième salve avec uniquement la philo et les oraux en juin.

Le caractère national de l’examen est totalement cassé, si les sujets de  “partiels” dans les établissements devront être issus d’un corpus national, la correction sera faite au niveau des établissements. Le bac n’aura donc plus la même valeur selon l’établissement dans lequel il a été obtenu.

Une sélection en amont par les inégalités

La filiation avec la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur est évidente. D’une part cette réforme, en cassant le bac comme condition suffisante d’accès à la poursuite d’étude, a ouvert la porte à casser son caractère national. Le diplôme ne donnant plus de droit à la poursuite d’étude, il n’est plus nécessaire qu’il ait une valeur nationale.

D’autre part, le choix d’éclater les filières, et de passer par une sélection de module, va permettre aux facultés, de fixer leurs attendus en fonction des ces “spécialités”. Ce qui revient in-fine à faire du lycée, le lieu du tri entre les élèves. L’orientation sera de fait déplacée de la fin de la Terminale à la fin de la Seconde. Une orientation qui se fera à un moment où la mobilité géographique est quasi-nulle, elle sera donc encore plus emprunte d’inégalités.

Un élève qui souhaiterait poursuivre ses études dans une filière artistique, devra par exemple nécessairement trouver un lycée qui propose la “spécialité” art, il est déjà possible d’affirmer qu’ils seront probablement pas si nombreux. Mineur, et sans ressource, il est quasiment impossible pour lui de quitter le domicile familial alors. A l’inverse, il est aujourd’hui fréquent de le faire pour rejoindre une fac et un imparfait système de bourse existe. Le même élève dans une famille aisée pourra accéder, dans un établissement privé, aux spécialités de son choix. 

Une fois de plus, le gouvernement a prouvé que l’égalité n’était pas son but. Cette réforme vient modifier le système scolaire pour qu’il soit encore davantage en opposition aux aspirations des jeunes. C’est finalement un choix de classe, qui veut faire de l’enseignement un lieu de concurrence, qui nécessairement faussée, vient reproduire les inégalités.


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