Réforme du bac, les programmes imposés par le ministère

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Réforme du bac, les programmes imposés par le ministère

La réforme du bac voulue le ministre de l’éducation entre dans sa deuxième phase avec la refonte des programmes pour s’adapter à la suppression des filières. La refonte marque une fois de plus une volonté autoritaire d’imposer ses vues dans la précipitation. Claire Guéville est professeure d’histoire géographie à Dieppe et , secrétaire nationale SNES-FSU en charge des lycées, elle a accepté de répondre à nos questions.

Quel regard portez vous sur la réforme du bac ?

La réforme du baccalauréat voulue par le président Macron réduit l’examen national à un diplôme maison car la part de l’évaluation locale devient majoritaire. Dans le cadre d’un baccalauréat réduit à 5 épreuves terminales, tout le reste étant évalué localement, on comprend que l’affectation dans l’enseignement supérieur se fera davantage à l’aune de la réputation de l’établissement d’origine.  Cela ne peut que renforcer les inégalités sociales et géographiques déjà existantes. Cela fragilise la dimension nationale du diplôme qui devient accessoire dans l’échafaudage de réformes qui se met en place, Cette réforme s’articule de fait à celles du lycée et de l’accès à l’enseignement supérieur, concentrée dans le dispositif d’affectation Parcoursup.

Quels sont les enjeux aujourd’hui autour de la refonte des programmes ?

Au fur et à mesure que se découvrent les projets de programmes, on perçoit une volonté de cloisonner des enseignements, pensés pour eux-mêmes, sans cohérence entre eux et surtout pour la plupart en rupture avec ceux du collège. S’il est nécessaire de construire des programmes ambitieux, il est également nécessaire d’accompagner cette ambition d’une volonté de démocratisation, de les rendre accessible à toutes et tous, ce qui implique notamment des programmes moins chargés et des conditions d’enseignement permettant d’accompagner tous les élèves. Tout cela relève d’un projet politique plus global qui semble présider aux choix du Conseil supérieur des programmes. Quoi de plus efficaces en effet que des « parcours » d’initiés et des programmes fondés sur des implicites pour persuader les moins armés culturellement, de quitter un système éducatif qui semble désormais, réservé aux plus favorisés ?

Comment analysez vous la précipitation du ministère pour faire valider ces programmes ?

Le Conseil supérieur des Programmes (CSP) a choisi le secret pour réécrire les programme de lycée dans un calendrier très resserré, en 6 mois. Cette situation est absolument inédite.

Il y a une forme d’aveu dans la sur-réaction à la publication de projets et de documents de travail autour de programmes d’enseignements de lycée, par le SNES-FSU. Faute de vouloir (pouvoir) avouer et assumer la volonté politique d’éliminer les enfants des classes sociales les plus défavorisées des possibilités de poursuite d’études, le CSP et le Ministre de l’Education nationale font le choix de l’invective. Accuser “d’infox” des intellectuels et une organisation syndicale, c’est bien pratique pour masquer ses intentions premières. On  assiste aujourd’hui à un bouleversement: l’Etat a renoncé à promouvoir l’élévation des qualifications des jeunes et organise au contraire le renoncement.

Quelles grandes tendances traversent cette refonte ?

Tous les projets actuels (pour le bac, le lycée, la voie professionnelle et le post-bac… mais aussi le collège en 2016) s’inscrivent dans une même logique.  Les grands axes qui se dégagent de cet ensemble de réformes sont en effet :

– l’orientation précoce (le « choix » d’un « parcours » « personnalisé »…) pour tous et toutes ;

– un second degré divisé en une « école du socle » jusqu’au collège d’une part et un “continuum bac-3/+3” d’autre part ;

– l’apprentissage comme modèle dominant pour un enseignement professionnel confié aux branches professionnelles ;

– la sélection généralisée à l’entrée dans l’enseignement supérieur sur la base de compétences scolaires mais aussi extra-scolaires.


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