Retraite la mobilisation continue

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Retraite la mobilisation continue

L’annonce des contours de la réforme par le premier ministre n’a non seulement pas dissiper le flou mais a provoqué un élargissement du front syndical. 

Un report de la réforme obtenu

Dans son discours du mercredi 11 décembre, le premier ministre a précisé les générations touchées par la réforme des retraites. Seuls les salariés nés après 1975 sont concernés par le projet gouvernemental pour une première application au moment de la liquidation des droits en 2037. Les futurs salariés nés à partir de 2004 cotiseraient uniquement dans le système par point quand ceux nés entre 1975 et 2004 se verraient appliquer un mélange des deux systèmes. Aucune précision n’a été donné sur cette longue transition qui couvrirait une période allant de 2037 à, au mieux 2065.

Le premier effet interviendrait donc au mieux en 2022 où la génération de 2004 aura 18 ans et commencera à entrer pleinement dans le marché du travail. Ce sera toutefois un effet largement invisible puisqu’il s’agira pour eux d’acquérir des points plutôt que de valider des trimestres. Pour les autres salariés, il faudra attendre 2025 pour que la bascule entre le système actuel et le nouveau se fasse. Entre temps, une élection présidentielle et le renouvellement de l’Assemblée nationale aura eu lieu. 

Un système de retraites se pense nécessairement sur le temps long. Le report de l’entrée en vigueur du projet gouvernemental et la longue période de transition envisagée représentent un sacré recul de la part du gouvernement. Le premier ministre a d’ailleurs eu toutes les peines du monde à justifier cette application décalée dans le temps de sa réforme. 

Elargissement du front syndical

L’autre annonce du chef du gouvernement a été la confirmation de la mise en place d’un âge pivot et ce avant même que la réforme rentre réellement en application. Loin du projet de société revendiquée par le ministre Delevoye, la réforme s’inscrit désormais directement dans l’héritage de celle de Nicolas Sarkozy. Edouard Philippe a d’ailleurs confirmé l’objectif d’un allongement du temps de travail justifié selon lui par le vieillissement de la population. Cette annonce a eu pour conséquence directe de faire basculer la CFDT et l’UNSA dans le mouvement d’opposition à la réforme. 

Les deux centrales syndicales ne s’opposent pas à la mise en place d’un système par point mais avait tracé comme “ligne rouge” tout recul de l’âge légal de départ à la retraite. Une limite désormais franchie par le gouvernement qui se retrouve isolé avec le seul Medef en soutien. Une telle union syndicale ne s’était pas vue depuis 2010 déjà à l’époque contre une réforme des retraites. A l’époque Nicolas Sarkozy avait remporté le bras de fer mais son quinquennat ne s’était jamais vraiment remis de cette épreuve. En 2012, son adversaire François Hollande remportait l’élection notamment sur la promesse de remettre la retraite à 60 ans. 

La grève continue 

Dans les transports et l’éducation nationale la grève est toujours forte. En Ile-de-France, le réseau de la RATP est quasiment totalement paralysé toute la journée. Aux heures de pointes, les rames bondées peinent à accueillir les nombreux voyageurs. A la SNCF, la situation est toujours chaotiques sur la plupart des lignes où il est difficile de trouver des trains. De nombreux établissements scolaires sont fermés, notamment lors des journées de mobilisation. Si les cortèges étaient moins remplis le 10 décembre que le 5, le mouvement est resté fort avec plus de 800 000 manifestants dans tout le pays. Le jeudi suivant, plusieurs dizaines de milliers de grévistes ont mené diverses actions allant de la manifestation au blocage. 

La CGT a annoncé le début d’un mouvement dans les raffineries, tandis que les syndicats de transporteurs ont annoncé des actions pour le lundi 16. Les ports du Havre et de Marseille étaient bloqué jeudi. Même des policiers ont manifestés leur mécontentement en se faisant porter pâle mercredi 11 décembre. A Paris, les dépôts de bus sont régulièrement la cible d’action de blocage les matins. A Bordeaux, la CGT énergie a coupé le gaz à la mairie et un dépôt de bus. 

La date du 17 décembre s’annonce déjà comme importante, l’UNSA et la CFDT appelant à y participer. Le premier ministre a beau tenté de désamorcer la situation en annonçant rappeler les “partenaires sociaux”, il semble que la rupture soit consommé. Le gouvernement espérait faire passer en douceur sa réforme en maintenant le flou le plus longtemp possible. L’inquiétude légitime qui en est né à permi aux syndicats de faire un travail important d’explication des dessous de la réforme. Le report de l’application ajoute à la confusion, l’annonce en parallèle d’un recul de l’âge de départ a attisé les colères. 

Sauf à jouer le pourrissement et la répression, le gouvernement n’a qu’une solution devant lui : l’annulation de son projet de réforme.


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