SNCF : quel objectif poursuit la réforme ?

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SNCF : quel objectif poursuit la réforme ?

Le principal reproche adressé par Laurent Brun, secrétaire général de la CGT cheminot, à la réforme gouvernementale, est l’absence d’objectif politique. Le seul argument déployé par le gouvernement est celui d’une obligation d’ouverture à la concurrence qui serait imposée par un règlement européen. Pourtant la question de la part du rail dans le transport de passagers et de marchandises impliquerait un peu plus de réflexion que cela.

Cet article fait partie d’une série rédigée à la suite de la conférence de presse de Laurent Brun secrétaire général de la CGT cheminot à l’Assemblée Nationale mercredi 7 mars. 

Les conséquences de la privatisation

Un de points qui est régulièrement revenu au cours de l’exposé est le coût supposé du rail pour les finances publiques. Ce coût est posé comme un argument en faveur de la privatisation, puisque cette dernière déchargerait  la dépense publique.

Le syndicaliste a commencé par citer l’exemple du coût des partenariats publics privés conclus pour certaines lignes à grande vitesse. Ces derniers se sont avérés désastreux pour les finances publiques. De plus, les recours massifs à la sous-traitance ont également désorganisés les chantiers et provoqués de coûteux retards.

Les exemples étrangers, régulièrement cités en faveur d’une telle privatisation, sont égalements repris. Le cas du Royaume-Uni, où les coûts des billets et abonnements ont augmenté, mais également les subventions publiques ! Sans parler des compagnies ferroviaires que l’Etat britannique a dû renflouer en 2009 quand elles ont fait faillite…

L’Allemagne plus souvent citée, a effectivement obtenu des résultats nettement moins désastreux depuis la privatisation de l’exploitation de son réseau ferré. Toutefois les investissements publics restent bien plus élevés outre-Rhin qu’en France. Les Landers consacrent ainsi près de deux fois plus que les régions françaises à des subventions directes d’exploitation, tandis que le plan d’investissement au niveau fédéral est 20% plus ambitieux que le plan français.

Dans son document la CGT note que :

“La gestion privée ne fait donc pas la démonstration d’une baisse des coûts de production au bénéfice des collectivités. Elles génèrent également, dans la plupart des cas, un abaissement des conditions sociales (dumping social) pour dégager des sources de revenus du capital. “

Les mensonges sur les petites lignes

Le premier ministre dans son annonce de réforme a pris soin d’indiquer qu’il ne suivrait pas les conclusions du rapport Spinetta sur les “petites lignes”, comprendre les lignes les moins rentables qui vont au plus près des gens. Cependant, l’ouverture à la concurrence sonne la fin de la péréquation. Un mécanisme qui faisait reposer le “coût” des lignes les moins rentables sur les lignes les plus rentables.

Une fois les lignes les plus rentables privatisées, il faudra chercher de nouveau financement pour les lignes dont la mission de service public implique qu’elle ne soit pas à l’équilibre. Les régions qui assurent déjà une partie de la gestion des lignes locales, se retrouveront seules face à ces coûts. Leurs finances sont très dépendantes des dotations étatiques qui vont plutôt en diminuant.

L’ouverture à la concurrence et la privatisation d’une partie de l’exploitation du rail français aura donc bien pour conséquence de menacer l’existence de ces lignes.

L’écologie oubliée, aucun objectif de report modal

Le Secrétaire général de la CGT cheminot a particulièrement insisté sur l’incohérence de la réforme et le manque de vision qu’elle représentait.

Il a ainsi dénoncé l’absence totale d’objectif de report modal dans la réforme présentée par le gouvernement. Le report modal, c’est le changement de mode de transports pour aller des plus environnementalement impactant au plus vertueux. Le rail, largement électrifié, et bénéficiant d’un production électrique française largement décarbonée grâce au nucléaire, s’avère ainsi particulièrement économe en émission de CO2.

Le transport représente pourtant une large part des émissions de CO2 français. Le transport de passagers comme de marchandises est dans une phase d’augmentation constante, sans engagement public en faveur du rail, c’est la route qui devra l’assumer. Un mode de transports plus polluant, mais aussi plus coûteux pour la société.

Les infrastructures routières, le coût de la pollution, des accidents, et de la congestion du réseau sont à la charge de l’Etat et de la solidarité nationale, quand les profits vont eux au privé dénonce le syndicaliste.


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