Témoignage de soignants, Nicolas neurologue

publié le dans
Témoignage de soignants, Nicolas neurologue

Applaudis tous les soirs pour leur rôle en première ligne face à l’épidémie de Covid-19, les soignants racontent leur quotidien. 

Bonjour, Nicolas, peux-tu te présenter ?

Je suis jeune médecin neurologue, et habituellement je travaille à Saint-Denis et Aubervilliers en Seine–Saint-Denis, essentiellement en consultation dans des centres de santé municipaux.

Quel impact a eu le covid sur ton lieu de travail ? Comment as-tu dû t’adapter ?

Les consultations non urgentes ayant été annulées, j’ai été travailler en renfort dans un service de gériatrie d’un hôpital public, ce qui n’est pas ma spécialité à la base, mais c’était nécessaire d’aller soutenir les collègues. Une unité de gériatrie covid+ y a été ouverte pour accueillir les personnes âgées atteintes du virus et ils avaient besoin de médecins. Le début a été un peu dur parce que je suis arrivé au moment où il y avait le plus de patients qui entraient, et bien évidemment l’arrivée dans un nouveau service, une nouvelle équipe demande toujours un temps d’adaptation. Heureusement, comme souvent à l’hôpital les équipes se serrent les coudes, restent solidaires et accueillantes. Ce qui a été difficile au début c’est aussi de devoir traiter une maladie nouvelle, dont on ignore tout, et sur laquelle on n’a aucun traitement réellement efficace. C’est très frustrant.

Avez-vous des moyens matériels et humains suffisants actuellement ? 

Il manque clairement du personnel, étant donné que l’hôpital fait face à un sous-effectif en temps normal, les quelques renforts qui sont arrivés ont tout juste permis de combler ce manque, mais n’a pas permis de s’adapter aux nombreux personnels malades du covid ni à la surcharge de travail qu’a entraîné l’arrivée de patients nécessitant des soins plus importants que d’habitude. Par exemple, les patients covid nécessitent une attention particulière, plus rapprochée que d’habitude, étant donné le risque d’aggravation qui peut être rapide et inattendu. Ils nécessitent également plus de soins de support (oxygène, perfusions, antibiotiques, aide à l’alimentation…). Côté matériel, assez rapidement nous avons été rationnés en masques et surtout en surblouses, avec l’obligation de garder sa surblouse toute la journée ce qui est à risque de propager le virus.

Qu’est-ce que tu penses des annonces faites concernant les primes ? 

C’est une annonce indécente, un vrai foutage de gueule. Bien sûr que pour des milliers de personnels qui vivent avec des salaires gelés au plus bas depuis des années, cette prime va être une bouffée d’oxygène amplement méritée. Mais cette prime ressemble à un leurre pour acheter la colère, parce que la colère est profonde chez les soignants. Ça fait plus d’un an maintenant que nous demandons de réelles augmentations de salaires, des moyens humains, des lits… et la seule réponse du gouvernement c’est de nous saupoudrer d’une aumône pour espérer nous faire taire. 

Comment tes collègues et toi-même vivez-vous la période ?

C’est très dur pour tout le monde. Il y a la charge de travail qui reste élevée en continu, le nombre de décès important en peu de temps qui peut être dur à vivre, la peur d’être contaminé et de contaminer sa famille, la colère d’avoir été envoyés en première ligne sans armes….

Quel message souhaites-tu que l’on retienne ? 

Cette épidémie arrive dans un contexte de services publics et d’hôpitaux très affaiblis par des décennies d’austérité, et les politiques libérales sont aussi à l’origine de la mauvaise gestion de la crise avec le fiasco des masques, le manque de respirateurs, etc.… En revanche, les personnels ont été exemplaires, ont su s’adapter très rapidement à la vague épidémique, modifier leurs manières de travailler et temporairement, ont pris le pas sur les administrations. Pour moi très clairement c’est un argument supplémentaire pour changer de système économique, pour renforcer le service public de santé et redonner aux personnels de santé des conditions de travail décentes, des salaires dignes et un vrai contrôle sur l’organisation des hôpitaux.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques