Un an après, Macron n’a pas relancé l’Union Européenne

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Un an après, Macron n’a pas relancé l’Union Européenne

L’union européenne est décidément en crise politique sur de nombreux sujets : le Brexit, l’accueil des migrants, les tentations autoritaires, le sauvetage des banques. Le projet européen d’Emmanuel Macron qui prétendait répondre à ces questions a du plomb dans l’aile.

Un Brexit qui traîne et fait douter

La concrétisation du Brexit se fige dans une crise politique au Royaume-Uni sur le sujet du maintien dans l’union douanière. Les ministres du Brexit et des affaires étrangères viennent de démissionner en estimant que l’UE garde trop d’importance dans l’économie anglaise.

Ce maintien dans l’union douanière, pour lequel Theresa May se trouve sans majorité, s’explique d’une part par les pressions du monde de la finance, mais aussi probablement par le problème du rétablissement d’une frontière économique ou physique entre la république d’Irlande et l’Irlande du nord. Frontière qui ne manquerait pas de menacer la paix et de se confronter aux revendications de réunification de l’île. Cette contradiction met en cause le pari de Macron sur le remplacement de Londres par Paris comme place financière. L’UE devrait toutefois se montrer particulièrement dure en affaire avec le Royaume-Uni et sur les modalités de sa “demi” sortie de l’UE.

Les migrants chamboulent l’agenda présidentiel

Macron est d’autre part empêtré sur la question des migrants, dissimulant mal la position honteuse de son gouvernement dans la fuite en avant européenne. Ses annonces communes avec Merkel sur la gouvernance de la zone euro ont ainsi été totalement éclipsées. Si parler de crise migratoire est douteux vue la baisse des arrivées de réfugiés, la crise politique sur ce thème dans l’union européenne est en effet bien réelle. C’est la principale cause du vacillement de la coalition gouvernementale en Allemagne entre la CDU de Merkel et la CSU, qui refuse les transits de migrants. La position la plus dure contre les droits humains, défendue par l’Autriche, la Pologne et la Hongrie, consiste dans la création de camps de migrants fermés et hors du territoire européen.

Au dernier sommet de l’UE, les pays membres ont voté un accord flou reprenant cette idée de camps de migrants fermés ou “contrôlés” (sans nuance claire entre les deux termes) situés dans des pays hors UE pour faire le “tri”, au lieu d’une solution politique humaine et respectant le droit international pour l’accueil des migrants. Cette capitulation devant l’extrême-droite européenne exacerbe la xénophobie, comme en Italie où la Ligue a profité du thème de la crise migratoire pour arriver au pouvoir.

En Europe de l’Est un attachement à l’UE très relatif

En Pologne, une réforme de l’institution judiciaire attaque sévèrement le principe de séparation des pouvoirs en écartant les juges qui ne sont pas encore à la botte du gouvernement car nommés plusieurs dizaines d’années auparavant, à l’aide d’une vieille rhétorique anticommuniste. L’union européenne a menacé la Pologne de sanctions et de poursuites devant la cour de justice européenne, mais d’autres gouvernements européens d’extrême-droite comme la Hongrie appuient ces attaques contre la démocratie libérale.

Ces remises en cause des fameuses “valeur européennes” que porterait l’Union, illustre également les limites de la gouvernance européenne. L’intransigeance de la Pologne, même face à la saisie de l’article 7 plonge la commission européenne dans l’embarras. L’embarras est d’autant plus grand que dans les dissenssions apparus entre les Etats-Unis et l’Union européenne, il ne faudrait sans doute pas grande chose pour que certains pays de l’Est fasse défaut dans la construction d’un rapport de force face à l’allié outre-Atlantique.

Macron entre l’OTAN et l’autonomie des OPEX

Les dissensions avec l’allié américain, n’ont pas conduit à une volonté de rupture avec l’OTAN, l’union européenne s’enfonce au service de l’impérialisme atlantiste avec son projet d’initiative européenne d’intervention (IEI) qui est « une contribution réelle » aux yeux de l’OTAN. Le Président français est d’ailleur particulièrement en pointe sur la question, il a déjà annoncé son intention de répondre à l’injonction de Trump de passer le budget militaire à 2% du PIB. L’IEI regrouperait une poignée de pays (France, Allemagne, Portugal, Espagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas, Estonie, Royaume-Uni) afin de réaliser des opérations rapides en court-circuitant autant les souverainetés démocratiques des peuples que les délibérations de l’ONU.

La France qui est tristement championne des opérations extérieures verrait une partie de sa capacité d’intervention financée par cet IEI, avec tous les risques que cela suppose pour la paix et la liberté des peuples. Cette solution est un compromis minimal par rapport aux différents projets d’armée européenne qui avaient pu voir le jour. Ces différentes initiatives n’ont jamais recueilli l’assentiment des gouvernements, et ont pu avoir un effet particulièrement repoussoir pour les peuples. Aujourd’hui  il semble toutefois qu’un petit noyau d’Etats membres a trouvé un intérêt à se doter d’une force commune partiellement autonome de l’OTAN, l’élection de Trump n’y est probablement pas pour rien.

Comment sauver les banques de la future crise financière que la politique européenne nourrit ?

L’actualité européenne est aussi marquée par le spectre d’une nouvelle crise financière. Alors que les valeurs boursières sont désormais plus élevées qu’avant le krach de 2008, la banque centrale européenne (BCE) a pendant dix ans prêté 3000 milliards d’euros aux banques, à taux d’intérêts nuls ou négatifs, sans contreparties de développement productif, social ou environnemental. Les capitalistes cherchent maintenant à constituer un parachute doré pour les banques en prévision du krach que la BCE aura contribué à alimenter : c’est l’idée défendue par Macron d’un budget de la zone euro, fuite en avant dans le fédéralisme et l’autoritarisme austéritaire au détriment des intérêts de la classe travailleuse.

Cependant, tous les gouvernements européens, surtout les pays du nord de l’europe, ne sont pas prêts à accepter des transferts d’argent vers les pays les plus exposés à la crise financière. Ces deux options, budget de la zone euro pour les banques ou récession généralisée, sont les deux faces de la dictature de la rentabilité à l’origine de la spéculation et des crises financières : à nous de la mettre en cause en imposant que les crédits bancaires suivent des critères sociaux et environnementaux, notamment pour financer les services publics en Europe et arrêter leur endettement sur les marchés financiers.

Un an après son élection, Macron, malgré ses ambitions illusoires de grande puissance, n’est pas leader de l’Europe : il ne prendra pas la place de Londres, il capitule face à l’extrême-droite sur la question des migrants, son idée d’armée européenne a accouché a minima, et l’idée de budget de la zone euro, qui ne se concrétise pas, ne peut que poursuivre la dérive autoritaire et austéritaire sans empêcher en rien la prochaine crise financière qui se profile.


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