Un an avant les JO de Paris

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Un an avant les JO de Paris

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris s’éloignent de la promesse d’une grande fête populaire. Outre la question des prix des billets inaccessibles à la plupart des porte-monnaie, d’autres problèmes d’organisation créent le doute sur la bonne tenue de l’événement. Il est encore temps d’exiger un changement de braquet.


Le réseau de transports en crise

Mathieu Dubois

Alors que 15 millions de visiteurs sont attendus pendant les JO de Paris pendant 17 jours, le réseau RATP est en grande difficulté. 

Incapacité à recruter, matériel ancien, enlisement du projet du Grand Paris, rien ne va plus pour le très dense réseau de transport francilien où s’accumulent les retards et les suppressions. Pour les Franciliens, la galère est quotidienne. La RATP est marquée par une vague de démissions, d’abandons de poste et d’arrêts maladie. À force de vouloir faire des économies sur le dos de ceux qui font la RATP au quotidien, l’établissement public s’est sabordé. L’État et la région ont choisi ce moment crucial pour entamer la privatisation des lignes de bus, au risque de désorganiser tout le réseau. 

Au lieu d’être une occasion de moderniser et d’améliorer la qualité du service comme c’était prévu, les JO seront peut-être l’occasion d’une plus grande saturation du réseau. Vite, améliorez les conditions de travail, embauchez et arrêtez la privatisation !


Une loi sécuritaire pour les JO

Amado Lebaube

Le Parlement a voté une loi sur les JO plus sécuritaire que sportive. « Ce projet de loi est un cheval de Troie, les dispositions attentatoires aux libertés et droits fondamentaux qu’il comporte seront susceptibles d’être pérennes. (…) Nous ne laisserons pas passer de telles atteintes qui gâcheront la fête », a dénoncé la sénatrice Eliane Assassi. Le recours à des dizaines de milliers d’agents de sécurité privée en tant que force de police inquiète. La légalisation de la vidéosurveillance algorithmique interpelle également. Sur le volet social, certains fonctionnaires devront travailler plus longtemps au nom de l’intérêt du service et les commerces seront ouverts le dimanche. Où est passé l’esprit olympique qui rassemble ?


La crise du monde sportif

Un an avant les JO, les associations sportives sont aussi à la peine. Les athlètes ne sont pas soutenus à la hauteur : plusieurs d’entre eux ont dû appeler aux dons pour financer leur préparation, à l’image du champion Meba-Mickael Zez. Selon le ministère des Sports, 40 % des sportifs de haut niveau vivent avec moins de 500 € par mois. Du côté des clubs, beaucoup se trouvent en manque de bénévoles et en manque de licenciés sportifs. Le nombre de licences sportives et autres titres de participation a baissé de 21 % entre 2019 et 2021, selon l’INJEP. Les clubs sont également confrontés à la cherté de la billetterie des JO. Les collectivités locales ont de plus en plus de mal à financer les équipements sportifs, en particulier les piscines avec l’envol des prix de l’électricité. L’État, lui, consacre toujours moins d’un milliard d’euros hors JO… Nous sommes encore bien loin de l’ambition de démocratiser la pratique sportive.


Bon à savoir

La billetterie des JOP

Conçue sous forme de « pack sur mesure », oblige à acheter des billets pour 3 disciplines sportives, et fait flamber le prix de l’entrée. Les prix s’échelonnent de 24 et 690 euros pour un billet, selon l’épreuve, le placement et le moment du tirage au sort. Seulement 1 million de billets sur les 10 millions mis en vente sont à 24 euros. 50 % des places « à 50 euros et moins ». Avec cette billetterie à deux vitesses, les disciplines sportives les plus populaires sont également les plus chères. Le principe d’accessibilité des compétitions sportives, fréquemment brandi en faire-valoir par les organisateurs des JOP, est loin d’être un acquis.  

Les infrastructures

La moitié des 6,3 milliards de budget va à la rénovation, avec 95 % de sites déjà existants, et à la construction de nouvelles structures pérennes, sur 4 sites. 

En héritage des Jeux, les Franciliens conserveront le Centre Aquatique d’Aubervilliers et le village olympique de l’Ile-Saint-Louis, dûment transformé en « éco-quartier », l’Adidas Arena du 18e arrondissement. Le village des médias à Dugny devra quant à lui être reconverti en « nouveau quartier de vie pour les Franciliens ».


Tribune

Faisons des JO de Paris une grande manifestation sportive populaire 

Léon Deffontaines, secrétaire général du MJCF

Léna Raud, secrétaire nationale de l’UEC

À un an des Jeux olympiques de Paris, il est encore temps d’agir pour permettre à ces jeux de devenir une grande manifestation sportive, populaire, ouverte à l’ensemble de la population. Pour l’instant, le compte n’y est pas.

Les Jeux sont l’occasion de remettre au cœur des débats la pratique sportive de haut niveau et sa diffusion. 

Concernant les pratiques sportives, il aura fallu attendre les Jeux olympiques de 2021 pour comprendre le projet d’Emmanuel Macron. Lors d’un discours face aux athlètes médaillés de 2020, le Président a jugé qu’il y avait trop d’argent investi comparé au peu de médailles obtenues. Il a été jusqu’à les comparer aux athlètes britanniques ayant récolté plus avec moins d’argent public. Quelle indécence ! Alors que la plupart des athlètes ont du mal à vivre de leur sport et nous font vibrer et rêver au prix de lourds sacrifices économiques, le Président vient leur dire qu’on leur donne trop d’argent.

Emmanuel Macron a alors annoncé vouloir « identifier les disciplines et les athlètes avec le plus gros potentiel pour y investir l’argent public destiné au sport de haut niveau ». Avec de tels propos, le Président de la République vient directement mettre les sports en concurrence entre eux. Pire, en ne voulant investir que dans les profils à « hauts potentiels », il vient marquer une opposition entre sport professionnel et amateur, pourtant, ils sont complémentaires. L’un ne va pas sans l’autre. Sans sport amateur, pas de sportifs de haut niveau et sans compétition de haut niveau, combien de jeunes ne découvriraient pas la diversité du sport et ne se projetteraient pas dans une discipline ? Pourquoi toujours penser pratiques amateurs et pratiques professionnelles comme deux choses indépendantes l’une de l’autre ? En réalité, elles sont interdépendantes. La pratique professionnelle pousse les jeunes à développer des pratiques amateurs et les amateurs peuvent aussi être les professionnels de demain. Même Kylian Mbappé a fait ses premières foulées de footballeurs dans le club amateur de Bondy en rêvant de devenir le futur Zinedine Zidane.

Derrière ce débat, il y a ici une profonde divergence politique sur l’utilité du sport. À quoi sert le sport ? Selon Emmanuel Macron, il ne sert qu’à briller à l’international. Il faut donc faire un calcul coût/avantage : dépenser le moins possible pour avoir le maximum de médailles.

En perspective des Jeux de Paris, nous proposons une autre approche, le sport sert à apprendre à se connaître, se réaliser, faire naître des vocations, avoir une activité physique, connaître son corps, mais aussi transmettre des valeurs sociales, vivre ensemble, lutter contre les stéréotypes. Mais aussi et surtout il apprend l’altérité et permet de créer de la cohésion sociale en créant des identités communes…

Le sport est une chose magnifique. Les vertus semblent infinies et sont essentielles dans la construction de chaque jeune. Alors épargnons-le des logiques abjectes de libéralisme et permettons à chaque jeune de trouver le sport lui correspondant et de vivre pleinement sa passion.

Pour que chacun puisse découvrir son sport, celui dans lequel il s’épanouira le plus, il ne faut pas limiter le nombre de disciplines à haut niveau à six ou sept disciplines, mais au contraire investir dans toutes. Les Jeux olympiques de Paris doivent être une tribune donnée à des dizaines de disciplines pour populariser les différentes pratiques sportives. Le sport est riche de sa diversité alors cultivons là et rendons cette diversité accessible à toutes et tous.

La pratique sportive professionnelle n’a pas lieu d’être sans diffusion. Et là encore, deux visions s’opposent. Alors que nous pensions accessibles les futurs billets pour les JO, ce fut la douche froide en découvrant les prix des tickets sur la billetterie des JO. La défense du comité de pilotage des JO est « nous ne sommes pas plus chers que Londres ». Mais justement nous voulons, nous avons besoin, que vous soyez moins cher que Londres et de sortir le sport des logiques capitalistes de rentabilité. Car oui, ici c’est bien la logique de rentabilité et de profit qui joue son rôle pour faire augmenter les prix des billets. Tout cela est à l’image des prix exorbitants pour les matchs des grands clubs de foot, ou même la diffusion du sport sur les chaînes payantes, privant ainsi une grande majorité de la population de ce merveilleux spectacle. 

Pour éveiller des passions, la place de spectateur est aussi essentielle que la pratique. La beauté du sport doit se regarder aussi depuis le stade ou la télévision. Combien de rêves et de vocations sont nés en regardant son équipe préférée ? Combien de jeunes ont décidé de s’inscrire dans un club de football après avoir vu l’épopée de l’équipe de France en 1998, 2006, 2018, 2022 ou en voyant l’équipe de France féminine mettre en difficulté celles des USA lors de la coupe du monde 2019 ? L’élan populaire, la compétition de haut niveau, le beau jeu font rêver et vibrer des générations entières. Continuons de pouvoir faire rêver les jeunes comme les moins jeunes en rendant les stades, les gymnases et les piscines olympiques accessibles. 

Le sport professionnel sera populaire en permettant à l’ensemble de la population l’accès aux Jeux. 


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