Université de Toulouse, de la course à l’IDEX à la mise sous tutelle

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Université de Toulouse, de la course à l’IDEX à la mise sous tutelle

Le label Idex : qu’est ce que c’est ?

L’IDEX (Initiative d’excellence) est l’aboutissement d’une réforme du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche initiée en 2007, avec la loi Liberté et Responsabilité des Universités (L.R.U.). Le gouvernement Sarkozy, disait vouloir trouver les « moyens » de relancer la croissance économique et la compétitivité française. L’État initie alors un grand « Programme d’investissement d’avenir » et investi 35 milliards d’euros ( Enseignement supérieur et formation,11 milliards d’euros ; recherche, 8 milliards d’euros ; filières industrielles et PME, 6,5 milliards d’euros ; développement durable, 5 milliards d’euros ; numérique, 4,5 milliards d’euros).

L’enseignement supérieur et la recherche sont vus comme la « clef de la compétitivité future », 11 milliards d’euros y sont donc investi en 2009, dont 8 pour créer des pôles d’excellence définis par l’État. Ces derniers s’organisent dans un premier temps en Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), avant de devenir en 2013 les actuelles associations d’établissement, ComUE (Communauté d’universités et établissements), ou de nouveaux établissements résultant de fusions.

En 2010 un premier Plan d’investissement d’avenir (PIA 1) de 7,7 milliards d’euros fait l’objet d’un appel d’offres vers les groupements d’universités déjà constitués en PRES. Trois des 17 universités ayant présenté un projet sont sélectionnées en 2011. C’est un « Jury international » qui sélectionne les projets des universités, suivant certaines conditions (être bien positionné dans les classements internationaux des universités pour une « excellence mondiale » ; être passé à la « nouvelle gouvernance » ; être autonome ; mettre en place des « partenariats avec les entreprises » ; obtenir des résultats etc.).

Si les conditions sont remplies les PRES se voient par la suite attribuer le label IDEX qui leur donne droit à certaines dotations financières supplémentaires réservées au développement de formations d’excellence. Ces dotations ne peuvent pas être utilisées comme bon leur semble par les universités. Elles doivent être investies dans l’achat d’équipements de pointe ou pour s’assurer d’un capital générateur de revenus, dans le but de bénéficier de fonds propres. Une méthode pour que les ressources financières des universités ne soient pas « soumises » aux aléas budgétaires de l’État.

En 2012, cinq autres universités se voient attribuer le label IDEX (et donc les dotations) à titre probatoire, parmi lesquelles la ComUE de Toulouse (UT2, UT3, INP, INSA.). Mais en 2016, lors du réexamen du dossier par le même jury qu’en 2011, l’Université fédérale de Toulouse ne se voit pas renouveler son label IDEX et perd donc une bonne partie des dotations qui lui étaient attribués par la partie « excellence » du Plan Avenir. Le motif avancé quant à la perte de ce label est qu’on ne constate pas dans cette ComUE une « adhésion des acteurs à une démarche de transformation conduisant à une université de recherche intégrée, visible au plan international et reconnue comme telle ».

La ComUE de Toulouse avait alors demandé à pouvoir déposer un nouveau projet en vue de reconquérir le label, demande qui avait reçu une réponse favorable au printemps 2017. Pour l’obtenir à nouveau, ses membres devaient montrer plus de « volonté d’intégration » et une nouvelle ambition de rayonnement à l’international. La ComUE se lance alors dans le projet de l’Université de Toulouse en lançant le projet d’une fusion des différents établissements.

Ambition fusion : La future Université de Toulouse (UT)

Son potentiel serait de près de 3 800 enseignants-chercheurs et de 70 000 étudiants dont 3 200 doctorants, soit la plus grande université de France en nombre d’étudiants. Elle délivrerait tous les diplômes Licence, Master et Doctorat.

Cette UT serait un établissement créé à titre dérogatoire, c’est-à-dire dérogeant au Code de l’éducation. Il serait doté d’un nouveau cadre institutionnel : perte de la personnalité juridique (pour l’UT2 et l’UT3), avec une structuration progressive en Collèges qui disposeraient d’une large autonomie par rapport à l’UT centrale.

Les fonctions stratégiques et le pilotage des moyens seraient concentrées dans les organes centraux de l’UT. À sa tête, un Conseil d’administration stratégique composé de 30 membres (dont 13 personnalités extérieures – essentiellement des représentants des grandes entreprises locales) qui validerait les stratégies de l’UT sur « l’offre de formation », les « axes de recherches » et les « ressources humaines ».

Mais quelles seront les conséquences d’une telle fusion ?

La qualité de l’enseignement

Cette fusion s’inscrit dans une logique concurrentielle, opposée à la notion de service public d’enseignement supérieur. Il s’agit de créer un établissement compétitif pour le classement de Shanghai, dans le cadre de la marchandisation de l’enseignement. En effet, les « personnalités extérieures » seraient désormais plus nombreuses au sein du Conseil d’administration. Elles participeraient grandement au le choix du volume horaire des licences, à la création de nouveaux master, à l’orientation des axes de recherches par la mise en concurrence des différents laboratoires de recherche, et à la distribution du budget global au site de l’UT.

Tous ces éléments signifient une mainmise des entreprises sur les formations qui auront le pouvoir de soumettre la recherche universitaire à leurs intérêts, brisant l’indépendance de la recherche vis-à-vis du secteur privé.

Certaines disciplines considérées « rentables » ou « d’excellence » (ingénierie, nouvelles énergies…) seront favorisées au détriment d’autres considérées comme moins « rentables » (en particulier, sciences humaines, lettres et langues).

L’accès à l’enseignement

Être un établissement à caractère dérogatoire permet à l’UT de fixer les frais d’inscription au niveau qu’il entend. En décembre 2017 Philippe Raimbault, président de l’Université fédérale de Toulouse, s’est défendu de vouloir faire augmenter les frais d’inscription… Il faut toutefois noter que c’est désormais possible.

La sélection dans les filières d’excellence va provoquer une dévalorisation des autres diplômes. Ce qui va à l’encontre d’un cadrage national des diplômes et créer une hiérarchie entre ces derniers.

La fusion fait aussi peser un risque de fermeture sur les formations considérées comme « non rentables » ce qui va réduire l’offre de formation proposée aux étudiants.

Pour les personnels

Plusieurs syndicats de personnels ont alerté les personnels sur la gravité que représente le projet de fusion pour leur statut, leurs conditions de travail et pour le service public d’enseignement supérieur. Nous soutenons donc aussi leur combat en ce que cette fusion représente un risque pour leurs emplois et leurs conditions de travail.

Un projet mis en échec par la mobilisation des étudiants et des personnels

Après un véritable bras de fer entre la direction et la mobilisation des étudiants et personnels, le verdict est tombé le 19 mars : l’Université de Toulouse ne sera pas labellisé IDEX, faute d’une « réelle adhésion de tous les acteurs à une véritable démarche de transformation qui réponde aux objectifs de l’action IDEX ». Cela traduit la déception du jury dû choix de l’Université Toulouse I Capitol (droit et économie) de ne pas prendre part à la fusion, ainsi que l’évidente mobilisation contestataire à l’UT2.

Puisque l’obtention de la subvention IDEX ne peut plus servir de prétexte à la fusion, un Conseil d’Administration fut organisé le 20 mars dernier afin de voter la poursuite ou non du projet de fusion. Cette réunion a été envahie par les syndicats étudiants et professionnels afin d’empêcher la poursuite de ce projet. De toute l’année 2018, aucun des CA n’avaient pu se tenir en raison d’envahissement répétés. De nombreux problèmes logistiques et techniques s’étaient donc accumulés. Le gouvernement a donc décidé de placer provisoirement l’Université Toulouse-II Jean-Jaurès, décrété « ingouvernable », sous tutelle de l’État afin de « pacifier la situation ». Une manœuvre destinée entre autre à  briser la forte mobilisation bien organisé qui paralysait entièrement l’université depuis plusieurs semaines.

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Le nouvel administrateur  s’est aussitôt engagé à ne pas poursuivre le processus de fusion, bien qu’aucune confirmation officielle n’ait encore été transmise. Mais là ne s’arrêtent pas nos revendication et c’est désormais vers le combat contre les récentes réformes de l’éducation que se concentre maintenant les efforts de tous les étudiants mobilisés. Bien que la menace de la fusion semble pour l’instant écartée, les attaques se font nombreuses contre le service public de l’éducation. Contre la sélection à l’université et tout le système « Parcoursup », contre la réforme du Bac et la loi O.R.E, localement le MJCF reste mobilisé.


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