Voiture incendiée et justice carbonisée

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Voiture incendiée et justice carbonisée

La vidéo de la voiture de police incendiée, par une une dizaine d’individus encagoulés, avait fait le tour du monde. Hier le procès qui devait se tenir a été reporté à aujourd’hui.

Une attaque devenue un symbole des violences des manifestations

En pleine mobilisation contre la loi El-Khomri alors que les affrontements entre manifestants et force de l’ordre se multipliaient, des syndicats de policiers appellent à un rassemblement “contre la haine anti-flic” le 18 mai 2016 place de la République.

Le lieu de Nuit Debout devenu un symbole de la contestation, comme le mot d’ordre, sont vécus comme une véritable provocation. Une contre-manifestation est alors organisée notamment à l’appel du collectif “Urgence, notre police assassine”.

La contre-manifestation est interdite par la préfecture peu de temp avant sa tenue. Le cortège de contre-manifestants remontent le quai de Valmy quand une voiture de police est violemment attaquée par une dizaine d’individus cagoulés et pour certains armés.

La voiture est rapidement incendiée par un fumigène, la passagère est extraite du véhicule tandis que le conducteur est attaqué à la barre de fer. La violence de l’attaque donne lieu à une vidéo terriblement spectaculaire qui fait rapidement le tour du monde.

Une réaction répressive précipitée par les réactions politiques

Les réactions politiques ne se font pas attendre. Le premier ministre Manuel Valls réclame des “sanctions implacables” contre ceux qui veulent “se payer du flic”. Bernard Caseneuve, alors ministre de l’intérieur avait lui promis de “mettre hors d’état de nuir” les “casseurs”.

Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale et membre de la direction de LR avait alors déclaré :

“On peut considérer qu’on est dans un acte qui ressemble à du terrorisme”

La préfecture dénoncera dans un premier temps un jet de cocktail Molotov alors qu’il s’agit finalement d’un fumigène.

Des arrestations seront rapidement effectuées sur le fondement d’un témoignage anonyme qui s’avérera être celui d’un policier du renseignement. Le dossier perdra son caractère judiciaire pour prendre un caractère politique tant l’enquête est à charge et dirigée contre des militants dits de “l’ultra-gauche”.

Un an plus tard le parquet abandonnera la qualification de tentative d’homicide et reconnaîtra que deux des quatre personnes arrêtées immédiatement n’ont pas participé à l’agression.

10 mois de détention provisoire, une justice dépassée

Aujourd’hui neuf personnes doivent comparaître devant un tribunal correctionnel pour des faits de violences et de dégradations aggravés. Trois ont reconnu les faits et ne présentent pas vraiment des profils de “terroristes” ni même de “l’ultra-gauche”. Une américaine transgenre, un informaticien au chômage inconnu des services de police et un jeune de 19 accusé d’avoir mis des coups de pieds dans la carrosserie du véhicule.

Un mandat d’arrêt est toujours en cours contre un suisse qui aurait jeté le fumigène à l’origine de l’incendie.

Pourtant deux frères ont passé respectivement plus d’un mois pour l’un et dix mois pour l’autre en détention provisoire. Étudiants à Nanterre, et engagés politiquement. C’est probablement cet engagement qu’ils ont payé. L’aîné a ainsi vu le parquet faire appel à trois reprises des décisions de libération prononcées par des juges des libertés.  

Une justice toujours pas à la hauteur

Aujourd’hui libérés, ils sont toujours poursuivis. Le plus jeune pour “participation à un groupement en vue de la préparation de violences volontaires” et risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000€ d’amendes. Le plus âgé est lui convoqué devant le juge pour “violences volontaires aggravées” et encourt jusqu’à 10 ans de prison.

Tous deux ont toujours nié leur implication dans l’attaque et ne sont devant le juge que sur le fondement du témoignage du policier des renseignements.

Le choix hier d’une salle d’à peine 50 places ne permettant même pas à tous les avocats de pouvoir s’asseoir à encore marqué une étape des ratages de la justice dans cette affaire. L’audience devrait reprendre aujourd’hui à 13h, dans la 16e salle du tribunal de Paris. Un rassemblement est prévu.


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