Dans la continuité de la guerre civile yéménite amorcée en juillet 2014, les interventions saoudiennes Tempête Décisive (mars-avril 2015) et Restaurer l’espoir (depuis le 21 avril 2015) ont contribué à augmenter la violence et le cycle de destruction au sud de la péninsule. Cette guerre qui se déroule dans un silence médiatique impressionnant ne nous est pas éloignée. En effet, des armes françaises sont utilisées par le Royaume des Saoud contre les populations civiles. Début septembre, l’Espagne a décidé de suspendre ses ventes d’armes en direction du royaume saoudien. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France restent muets et contribuent à nourrir la violence des forces armées saoudiennes et émiraties dans la Région.
C’est une sale guerre dont on parle peu et encore moins quand il s’agit de dénoncer l’utilisation -et donc la vente- d’armes françaises. Une grande partie des médias préfèrent annoncer avec bonheur et confiance la vente de nouvelles armes à nos meilleurs alliés géopolitiques. Alors même que les manquements de l’Arabie Saoudite au droit international humanitaire sont désormais avérés.
Silence, on vend !
L’industrie de la défense a besoin d’exporter en masse pour se maintenir. C’est ce qu’affirmait en février 2018 Joël Barre, Délégué Général à l’Armement aux députés de la commission de Défense :
« L’exportation représente un tiers du chiffre d’affaires de notre industrie de défense. Celle-ci en a donc besoin, et nous avons nous-mêmes besoin pour garantir, par exemple, les chaînes de production de nos matériels.”
Alors que l’austérité se fait profondément ressentir dans les armées françaises (manque de matériel pour l’entrainement ou la protection des soldats), il est stupéfiant de constater que le gouvernement préfère tirer profit d’exportations criminelles plutôt que de prendre en compte les besoins réels de la défense nationale et investir intelligemment dans le complexe militaro-industriel hexagonal. Il ne faut cependant pas oublier que nous ne sommes pas les seuls à armer notre meilleur allié du Golfe.
En effet, les Etats-Unis ont passé un accord de 1,3 milliard de dollars en avril 2018 pour du matériel anti-char et de l’artillerie. Outre-Manche si un débat a eu lieu sur la poursuite de la vente d’armes aux Saoudiens, la majorité a décidé de maintenir ce commerce lucratif. Rien que pour la période 2015/2017 ce marché aurait rapporté 3 milliards de livres (3.3 milliards d’euros).
S’opposer à la vente d’armes à l’Arabie-Saoudite
Le 6 avril dernier, André Chassaigne, député communiste membre de la commission défense à l’Assemblée Nationale a proposé une résolution proposant « la création d’une commission d’enquête sur le respect des engagements internationaux de la France au regard des autorisations d’exportations d’armes, munitions, formations, services et assistance accordées ces trois dernières années aux belligérants du conflit au Yémen ».
En effet, les accusations portées contre l’Arabie Saoudite se multiplient. Les chiffres de l’ONU font état de la mort d’environ 10 000 civils depuis le début du conflit. Plus encore, le blocus imposé par certains Etats de la Région ont entraîné le développement d’une crise humanitaire majeure. Le nombre de personnes touchées par le choléra est estimé à environ 1 million de personnes et un quart de la population yéménite serait au bord de la famine.
Le député communiste a principalement insisté sur les contradictions profondes qui existent entre ces ventes d’armes et les engagements français. En effet depuis 2008, la France, comme tout pays membre de l’UE, s’est engagée à ne pas fournir d’armes à une armée s’apprêtant ou commettant des « violations graves du droit humanitaire international ». Gageons que c’est malheureusement le cas dans ce conflit. Deuxièmement, la France a ratifié 2014 le TCA – Traité sur le commerce des armes- qui stipule qu’il est interdit de vendre des armes qui « pourraient servir à commettre des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protèges comme tels, ou d’autres crimes de guerre ». Le gouvernement n’a envoyé aucun signe allant dans le sens d’un arrêt des ventes d’armes au tyran saoudien.