La biodiversité mise à mal par le capitalisme

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La biodiversité mise à mal par le capitalisme

Le rapport de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a fait les unes des médias avant même d’être publié. Les premiers éléments donnés par l’organisation dépendante de l’ONU sont en effet particulièrement inquiétant.

Une biodiversité en danger de mort sous l’effet de l’activité humaine

Les menaces qui pèsent sur la biodiversité ne sont pas un secret et le danger que représente l’activité humaine pour l’équilibre des écosystèmes est connu depuis longtemps. Ce qui est intéressant dans ce rapport, c’est son approche globale, concernant toute la planète et les éléments de mesures de l’ampleur de cet impact.

Ainsi les scientifiques de l’IPBES constate que les trois quarts des surfaces terrestres ont été significativement impactés par l’action humaine, principalement dû à l’exploitation du bois et l’extension de l’agriculture. Ainsi, la valeur de la production agricole a augmenté de 300 % depuis 1970, la récolte de bois brut de 45 %. 33 % de la surface terrestre total est désormais consacré à l’agriculture. Une augmentation due à l’augmentation de la population qui a doublé, mais aussi à une augmentation forte des ressources consommés par personne. Le PIB par habitant a ainsi quadruplé en même temps que la population doublait.

L’impact de l’activité concerne 66 % du milieu marin. Un tiers des stocks de poissons sont surexploités et ne peuvent donc pas se reconstituer, 60 % sont exploités au maximum. 55 % des zones océaniques subissent une pêche industrielle. En 2011, ⅓ de la pêche totale relevait de pêche illicite. Plus de 245 000 km² répartis en 400 écosystèmes côtiers sont déclarés comme “zones mortes” en raison de leur faible teneur en oxygène causé par les rejets d’engrais.

Non seulement l’activité humaine est la cause de ce que les scientifiques de l’IPBES qualifient “d’extinction massive” mais en plus le rapport note un lien fort entre les activités les plus nocives et la finance occulte. Les paradis fiscaux souvent pourfendus pour leur permissivité vis-à-vis de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent sont à la pointe du financement des activités les plus polluantes. Ainsi 68 % des capitaux étrangers finançant les cultures de soja et de viande bovine (qui sont à l’origine du grignotement de l’Amazonie) transitent par des paradis fiscaux. Idem, pour les bateaux pêchant illégalement, à 70 %, ils sont soutenus par des fonds passant par ces mêmes paradis fiscaux.

Un système économique à revoir ?

L’autre enseignement de ce rapport, c’est que la biodiversité est loin d’être anodine pour le développement humain. Ainsi, le rapport note que plusieurs objectifs de lutte contre la pauvreté, la faim, et la santé sont compromis par des “tendances négatives importantes pour la nature et ses contributions aux populations”. L’accès aux combustibles, à l’eau, la nourriture et la terre sont ainsi la source de plus en plus de conflits, plus de 2500 sont recensé comme étant “en cours” par le rapport.

Des indicateurs qui conduisent le président de IPBES, Sir Robert Watson, a déclaré que :

« La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».

Une alerte importante qui doit amener à une prise de conscience rapide. La mobilisation des jeunes le 15 avril dernier et celles de milliers de manifestants lors des différentes marches pour le climat prouve que cette prise de conscience est possible. Il semble toutefois que passé les mesures fiscales, le gouvernement se montre incapable de proposer une alternative.

Ainsi réagissant à la publication des premières données de ce rapport, Emmanuel Macron a en profité pour se livrer à une opération de communication. Réaffirmant des engagements précédents, il a ainsi maintenu l’interdiction du Glyphosate en 2021. Il a ainsi répété sa volonté d’arriver à 0 artificialisation nette des sols, mais sans préciser d’élément de calendrier. Quelques vœux pieux ont également été ressassés comme la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective.

Le G7 “vert” demandé par la France n’a ainsi débouché sur rien de vraiment concret, alors qu’il était attendu sur d’éventuels engagements financiers en matière d’aides internationales à la transition énergétique. Les enjeux de biodiversité ne peuvent en effet se poser indépendamment du réchauffement climatique. Une approche globale que les gouvernements semblent avoir du mal à prendre. L’IPBES ne demande d’ailleurs finalement pas autre chose dans ses recommandations :

“En vue de créer une économie mondiale durable, l’évolution des systèmes financiers et économiques mondiaux a également été identifiée comme un élément clé des politiques futures plus durables. Elle s’éloigne du paradigme actuel trop limité de la croissance économique.”

Une manière policée de finalement remettre en cause sans vraiment le dire le capitalisme.


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