L’Assemblée Nationale, un an après

publié le dans
L’Assemblée Nationale, un an après

Le 18 juin 2017, l’Assemblée Nationale connaît son plus fort renouvellement de 1958. Un peu plus d’un mois après l’élection d’Emmanuel Macron comme président de la République, son parti s’impose comme l’une des plus forte majorité de l’histoire de la Ve république.

Une élection symbole d’une république à bout de souffle

Le taux de renouvellement fut particulièrement impressionnant. Sur les 577 sièges que comptent l’assemblée nationale, 431 ont été remportés par des députés nouvellement élus. En 1958, l’autre grand renouvellement qu’a connu la Ve république, seul 310 députés avaient été nouvellement élus.

Ce renouvellement est dû en grande partie à la victoire sans appel du parti présidentiel et de son allié le Modem. Il est important de toutefois noter les autres facteurs, comme la loi sur le non-cumul des mandats qui a conduit un certain nombre d’élus à abandonner leur mandat. Enfin la campagne de 2017 particulièrement peut engageante a pu également susciter des pertes d’intérêts, ainsi près de 40% des députés sortants ne se représentaient pas.

La féminisation de l’Assemblée a connu également un bon à l’occasion de cet important renouvellement passant de 155 députées en 2012 à 224. Une progression qu’il faut toutefois inscrire dans une dynamique plus large puisqu’en 2012  on était déjà passé de 107 élues à 155.

L’autre bouleversement de ces élections fut un taux de participation en chute libre. Avec moins de 49% au premier tour et moins de 43% au second, l’élection de l’Assemblée Nationale a été boudée par une majorité des électeurs. Un désaveu cinglant pour les institutions de la Ve République.

Un nouveau monde “moral”

Ce fort renouvellement a été paradoxalement, au vu de la participation calamiteuse, présenté comme l’occasion d’une régénération des institutions. Le thème du “nouveau monde” déjà largement déployé pendant la campagne de Macron a été abondamment repris, notamment par la presse, pour qualifier cette majorité., qui  s’est alors emparée du sujet du moment.

Après une catastrophique campagne présidentielle, marquée par le feuilleton à peine croyable des écarts de conduites invraisemblables du candidat de la droite, le “nouveau monde” allait voter “la moralité”.

D’abord il fallut se débarrasser du premier allié du président nouvellement élu. François Bayrou, impliqué dans l’utilisation potentielle des collaborateurs d’élus européens du Modem à des tâches du parti en France, dû démissionner de son ministère. Suivi rapidement par Richard Ferrand, dont les talents de gestionnaires d’une mutuelle avaient permis l’enrichissement rapide de sa compagne. Ce dernier connu un destin moins funeste que le président du Modem. Parachuté président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale, c’est donc à lui, qu’il revient de moraliser la vie publique, puis d’impulser un monde nouveau à l’Assemblée.

Le moins qu’on puisse dire de l’Assemblée version “nouveau monde” c’est que ce n’est pas son utilité et son impact dans le réel qui a bouleversé les habitudes. A l’inverse, le mépris manifeste de l’exécutif pour l’organe législatif, est accepté avec un flegme presque dérangeant par la majorité.

Un nouveau monde crépusculaire pour l’Assemblée nationale

Dès l’été 2017, le gouvernement fait le choix de mettre l’Assemblée Nationale sur la touche, en imposant les ordonnances sur le code du travail. La procédure accélérée d’examen des textes législatifs est devenue la norme. L’urgence est invoquée comme argument à chaque nouveau débat. A l’exception notable de l’égalité d’accès à la PMA, qui elle doit faire l’objet d’un long débat. Les réactionnaires de tout poil, qu’on aurait pu penser partis avec “l’ancien monde”, ont trouvé leur place dans le “nouveau monde”.

Le vote sans sourciller de loi ORE par la majorité s’inscrit dans le logiciel libéral de ces derniers. On ne peut pas en dire autant de la loi Asile-Immigration qui reprenant les argumentaires les plus abjectes est bien éloignée du discours du candidat Macron, la présidence ça change un homme. Les quelques députés qui ont dénoncé la loi sont restés bien minoritaires.

Ils l’étaient un peu moins face au glyphosate, ou ici aussi la promesse du candidat ne semble pas engager l’action présidentielle. Trop tard semble-t-il pour monter “une fronde” digne de ce nom. La majorité du groupe LREM à l’Assemblée nationale a intériorisé le fait d’être le relai de la parole gouvernementale, sans jamais la remettre en question. Si une poignée est montée au créneau contre l’indignité de l’inaction gouvernementale et présidentielle face à l’absurdité de la situation de l’Aquarius, la majorité s’est tue quand elle n’a pas dénoncé les protestataires.

Le nouveau monde devait sauver la Ve République, impossible de dire aujourd’hui s’il y est parvenu. Il semble en tous cas ne pas avoir réussi à sauver l’Assemblée nationale, la réforme constitutionnelle que les députés semblent prêts à adopter a, par ailleurs, des allures d’enterrement.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques