L’édito du mercredi par Antoine Guerreiro

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L’édito du mercredi par Antoine Guerreiro

Un coup d’avance

La mobilisation du 22 mars sera-t-elle une réussite ? Seule la journée de demain pourra nous le dire. Toujours est-il que nous sommes nombreux.ses à sentir, ici et là, les prémices d’une ébullition sociale généralisée. Chacun.e espère, sans trop oser y croire après toutes les déceptions de l’automne, que cette fois sera la bonne. Chacun.e espère qu’enfin, le coup porté par les syndicats sera assez fort pour ouvrir une brèche dans le macronisme triomphant.

Il est vrai que les secteurs mobilisés sont nombreux : personnels hospitaliers, fonctionnaires d’Etat et territoriaux, retraité.e.s, et bien sûr cheminots ! Les étudiant.e.s en revanche n’ont pu jouer dans la dernière période un rôle d’avant-garde. Découragé par l’échec de mobilisations précédentes, le milieu étudiant n’a pu pour l’instant empêcher l’entrée en vigueur de la sélection à l’université. Cependant, notre rôle aux côtés des travailleur.se.s est encore essentiel. La dissolution des conseils de l’université Toulouse 2, prononcée hier par la ministre Frédérique Vidal, ne sera pas sans conséquences sur la mobilisation !

Question intéressante : pourquoi les mécontentements finissent-ils par se cristalliser ? Se pourrait-il que le gouvernement, grisé par ses succès et la déroute de ses opposant.e.s, se soit montré un peu trop confiant ? Aurait-il voulu aller trop vite en besogne, pensant pouvoir s’affranchir des limites rencontrées par ses prédécesseurs ? C’est en tout cas ce que laisse croire l’addition des mécontentements en cours.

Se pourrait-il également qu’en infligeant au mouvement social une série de chocs violents, le gouvernement l’ait poussé à une remise en question salutaire ? C’est ce que suggère l’article du Parisien paru ce jour sur le « plan secret de la CGT » pour paralyser les trains : les difficultés à mobiliser auraient poussé les syndicats à innover et à proposer une grève perlée sur trois mois, prenant ainsi de cours la direction de la SNCF et le gouvernement. En s’adaptant aux conditions nouvelles imposées par son adversaire, le mouvement social en devient lui-même plus performant. En bouleversant la vie politique, Emmanuel Macron risque donc fort de susciter de nouvelles vocations : celle d’opposant.e.s taillé.e.s pour le vaincre.

Seconde question, pas moins importante : si le 22 mars est réussi, quels seront les prochains mouvements de notre adversaire ? Il est on le sait, d’une grande intelligence, et a su en un an prendre de court tou.te.s ses concurrent.e.s. Va-t-il concéder des victoires, reculer pour mieux avancer, comme il l’a fait lors du mouvement contre les ordonnances Travail en excluant les routiers du périmètre de la loi ? Ou bien va-t-il jouer le bras-de-fer et le pourrissement jusqu’au bout, histoire de briser une bonne fois pour toutes le mouvement social ? Quelles diversions, quels épouvantails seront agités ?

Autant de questions auxquelles il nous faudra répondre, si nous voulons reprendre l’initiative politique sur Emmanuel Macron et obtenir des victoires, du retrait de ses réformes jusqu’au communisme et à la prise de pouvoir. En ces temps de bouleversements ininterrompus, la politique se résume avant tout à une course de vitesse. Essayons, pour une fois, d’avoir un coup d’avance.


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