Alors que le secteur agricole français est en lutte contre le traité de libre-échange avec le Mercosur, les jeunes communistes du Nord ont accueilli le Mouvement des Sans-Terre du Brésil (MST).
Loin d’être les vilains concurrents des agriculteurs français, la plupart des paysans du Brésil font face à la même alliance impérialiste entre agro-industrie brésilienne et capital industriel européen. Les travailleurs agricoles français et brésiliens ont tout intérêt à la réorientation de leurs productions respectives vers la souveraineté alimentaire nationale et à une coopération juste entre les peuples.
Au Brésil aussi, l’opposition paysanne se lève
Les 10 et 11 novembre 2024, les jeunes communistes du Nord, ont accueilli une délégation du Mouvement des sans-terre venue du Brésil pour partager leurs expériences de lutte.
Depuis plusieurs semaines, les millions de travailleurs sans terre du Brésil se lèvent contre le Mercosur, cette alliance économique, douanière et politique qui compte parmi ses membres l’Uruguay, le Paraguay, le Brésil, l’Argentine et la Bolivie.
Ces 5 pays produisent 50 % de la production mondiale de soja, possèdent un cheptel de 27 millions de bovins, 40 % de la production de café, etc. Mais ces productions se concentrent sur les latifundias (grandes cultures extensives) dont les propriétaires, fervents soutiens de Bolsonaro, sont ceux qui poussent pour l’accord avec l’UE.
Ceux-là ont tout à gagner à pouvoir continuer de commercer avec l’Europe qui accepterait de baisser ses droits de douane, encourageant ainsi de prolonger le modèle agricole brésilien : concentré sur l’exportation et gourmand dans son usage des pesticides (le Brésil est un des principaux consommateurs de pesticides dangereux dont plusieurs sont interdits dans l’UE).
La bourgeoisie compradore brésilienne qui appuie l’accord va donc être la seule bénéficiaire de l’accord au détriment du reste de la population. Les travailleurs ruraux sans-terres s’opposent vigoureusement à la signature de ce traité qui selon eux : “ne profitera qu’à l’industrie européenne et l’agro-industrie brésilienne. Tous les autres secteurs sociaux seront perdants”.
Le MST pour une réforme agraire populaire
Ce mouvement, créé en 1984, lutte pour une réforme agraire qui permettrait une meilleure répartition des terres. Le Brésil reste un des pays avec la plus forte concentration de la propriété des terres. À l’extrême opposé, on compte près de 4,5 millions de paysans sans terre.
Contrairement à beaucoup d’autres pays, le Brésil n’a jamais connu de réforme agraire. Pourtant, la constitution brésilienne de 1988 prévoit que la propriété foncière rurale doit remplir : “une fonction sociale, être productive, respecter le travail et le droit de l’environnement”. L’État a le droit d’exproprier si les critères ne sont pas remplis, toutefois avec compensation”. Afin de faire appliquer le droit brésilien, les travailleurs sans-terres organisent donc des “acampamentos” dans le but d’occuper les terrains non-exploités des grandes propriétés terriennes.
La reconnaissance par le gouvernement de la légitimité de l’occupation des terres leur permet ensuite de s’organiser en réseau d’“assentamentos” et de décider eux-mêmes de leur production.
Ce dernier point est décisif : Au Brésil, les cultures du coton, du soja, du sucre de canne, des bovins et du maïs occupent 86 % des terres et plus de 94 % des volumes de production ! Ces cultures étant majoritairement destinées à l’exportation, elles posent des problèmes d’autosuffisance alimentaire pour la population brésilienne.
Rappelons qu’en 2022, plus de 60 % des Brésiliens souffraient d’insécurité alimentaire selon l’ONU, et ce, alors que le Brésil est le quatrième exportateur mondial de denrées alimentaires.
La souveraineté des sans-terres sur leur production permet, à l’inverse du modèle fondé sur l’exportation, d’organiser une agriculture à même de répondre aux besoins de la population.
La souveraineté alimentaire comme objectif
Ces échanges avec les militantes du MST incitent à repenser le modèle agricole français. Ouvrir encore plus à la concurrence ce secteur clé de notre économie ne réglera en rien les difficultés posées à l’agriculture française fait face : la juste rémunération des agriculteurs et la nécessaire transition vers un modèle écologique.
À l’inverse, la France doit s’orienter vers un tout autre modèle : nous devons apprendre des expériences des paysans du Sud, souvent pionniers en matière d’agroécologie, et multiplier les initiatives de coopération et d’échanges avec ces derniers par les organisations internationales existantes, notamment la Via Campesina dont est membre le MODEF.