L’impasse du passe sanitaire

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L’impasse du passe sanitaire

Entre contrôle social, renvoi à la responsabilité individuelle et utilité indéterminée, le passe sanitaire va devenir passe vaccinal. Quand la liberté individuelle devient son propre pire ennemi. 

Un passe sanitaire renforcé, mais jamais évalué

Alors que la lassitude monte face à une épidémie qui semble sans fin, le gouvernement choisit de poursuivre dans la stratégie du passe sanitaire. Qu’importe que ce dernier ne parvienne quasiment plus à renforcer la couverture vaccinale ou que son utilité contre la circulation du virus n’ait jamais été démontrée.

Le passe sanitaire devait durer quelques mois, mais a été prolongé jusqu’en juillet prochain. Devant permettre l’ouverture de lieux de concentration du public « non essentiels » en s’assurant de la non-contamination ou de la vaccination des personnes, son rôle a désormais totalement changé. 

D’abord, les tests sont devenus payants pour les non vaccinés. Désormais le gouvernement envisage que seule la vaccination permette d’obtenir le précieux sésame. Il étudie également la possibilité qu’il soit nécessaire pour travailler même si la piste semble pour l’instant écartée.

Le gouvernement est dans son rôle lorsqu’il fait la promotion de la vaccination. Si cette dernière n’assure pas une protection suffisante pour casser les chaînes de transmission, elle limite très largement la gravité de la maladie. 

Cependant, le choix d’un passe sanitaire ne s’imposait pas. 

Le choix du laissez-faire vaccinal

En décembre 2020, alors qu’aucune dose de vaccin n’est encore disponible, le président de la République s’engage, pour on ne sait quelle raison, à ce que le vaccin ne soit jamais obligatoire. Pourquoi ? 

La vaccination apporte un bénéfice individuel, mais également collectif. La non-vaccination n’entraîne pas — bien heureusement — un renoncement aux soins. L’encombrement des hôpitaux ne relève cependant plus du choix individuel. La limitation des chaînes de transmission ne fonctionne que si la couverture vaccinale est très étendue. 

Dès lors que les avantages à la vaccination sont largement collectifs, quelle légitimité pour des décisions individuelles de dicter la politique vaccinale ? 

Confronté très rapidement à un ralentissement de la campagne vaccinale, le gouvernement a élargi successivement les publics éligibles rendant incompréhensible le calendrier initial. 

Il faut également ajouter que l’anarchie a été consacrée comme principe de fonctionnement pour obtenir un rendez-vous. Pas de convocation, pas de vaccination sur les lieux de travail, la campagne de vaccination s’est faite pour une grande partie par la prise de rendez-vous sur une plateforme privée avec pour unique règle, premier arrivé, premier servi.

La vaccination pour seule politique sanitaire

Il est vain de fustiger celles et ceux qui, pour des raisons qui les regardent, refusent de se faire vacciner. La mise à l’index n’a jamais fait changer d’avis. Dénoncer les Françaises et Français qui ne sont pas vaccinés comme les responsables de la nouvelle vague est aussi non fondé qu’inutilement provoquant. 

D’autres sujets d’insatisfactions devraient faire l’objet de l’attention du gouvernement.

La campagne de vaccination de nombreux pays est au point mort faute d’investissements des économies les plus importantes. En France, la surveillance de l’épidémie est toujours aussi limitée. Le séquençage des tests positifs pour surveiller l’émergence de variants reste loin derrière ce que peut faire l’Angleterre par exemple. Dans les écoles, les campagnes de tests peinent à vraiment se mettre en place

Alors même qu’une nouvelle vague de contamination est en cours, le recours au télétravail n’est toujours pas envisagé. Une telle organisation du travail pose de nombreux problèmes. Toutefois, même appliquée partiellement à des secteurs identifiés, elle permettrait de diminuer globalement le nombre d’interactions et donc de contaminations. 

Difficile de considérer que ces manquements sont dus aux personnes qui refusent la vaccination. 

Comment sortir du passe sanitaire quand le rappel s’annonce annuel ?

Aujourd’hui la stratégie du laissez-faire vaccinal est en échec. Une part très minoritaire, mais non négligeable de la population ne souhaite toujours pas se faire vacciner. Aucune obligation formelle n’est envisagée, même si l’extension du passe sanitaire et bientôt vaccinal leur rend la vie très compliquée. 

Si la vaccination de ces personnes est nécessaire, elle doit être obligatoire, si elle ne l’est pas, le passe sanitaire doit disparaître.

L’élargissement aux enfants ne s’accompagne pas non plus d’une obligation laissant aux parents la responsabilité de cette protection. Ces derniers ne sont pourtant pas — et heureusement ! — soumis à un passe sanitaire. Ce renvoi à la décision parentale est paradoxal. Encore une fois, comment expliquer qu’une vaccination nécessaire puisse être facultative ? Un total de onze vaccins sont déjà obligatoires, quelle différence pour le douzième ? De quelle liberté parle-t-on dans le cas d’enfant de 5 à 11 ans ?

La nécessité de doses de rappel régulières rend d’autant plus absurde la situation actuelle. Au moins une fois par an, il sera donc nécessaire de passer plusieurs heures sur une plateforme privée pour obtenir un rendez-vous afin de prolonger la validité de son passe. 

En refusant d’instaurer une obligation vaccinale au nom d’une liberté individuelle, le gouvernement se trouve en position de justifier un dispositif largement plus contraignant et moins efficace. Peut-on envisager de soumettre à des contrôles de passe la plupart des lieux de sociabilité sur une période indéterminée ? 

Alors qu’une quatrième dose est déjà envisagée, faut-il s’attendre à une nouvelle prolongation de ce dispositif au-delà de juillet prochain ?


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