La France fait aujourd’hui face à une crise industrielle profonde, fruit de décennies d’abandons stratégiques. Alors que les annonces de fermetures d’usines se succèdent et que les mobilisations sociales s’intensifient, le gouvernement semble découvrir l’ampleur d’un déclin amorcé depuis longtemps. Pourtant, les signaux d’alerte n’ont jamais manqué.
Inaction
Depuis près de 80 ans, la part de l’industrie dans l’économie française n’a cessé de diminuer. De 38 % du PIB en 1945, elle ne représente plus qu’un maigre 11 % aujourd’hui. Une mutation structurelle qui a fait basculer le pays dans une économie dominée par les services, souvent incapables de générer des emplois stables ou de maintenir un tissu productif local.
L’illustration la plus récente de cette impuissance est sans doute le cas Opella, filiale de Sanofi produisant le Doliprane, cédée à des intérêts étrangers sans véritable débat public. Derrière cette opération, une réalité : la perte de contrôle de l’État sur des pans entiers de l’économie, y compris dans des domaines aussi sensibles que la santé.
Plus largement, chaque fermeture de site industriel provoque des ruptures en chaîne. Quand un acteur majeur comme ArcelorMittal réduit ses activités en France, ce sont des milliers d’emplois indirects qui vacillent. Et avec eux, des filières de formation se vident, des compétences disparaissent. La désindustrialisation n’est pas un phénomène isolé : elle affaiblit le pays dans son ensemble.
Dogmatisme
Peut-on encore inverser cette trajectoire ? La CGT et le PCF estiment que oui, à condition d’un changement de cap clair. Mais l’exécutif, lui, reste fidèle à une ligne libérale assumée, refusant de recourir à la nationalisation, même temporaire, d’acteurs industriels stratégiques. Ainsi, malgré les difficultés d’ArcelorMittal, aucune option publique sérieuse n’est envisagée. Un choix que ne partagent ni l’Italie ni le Royaume-Uni, qui n’ont pas hésité à reprendre en main leurs fleurons en difficulté.
À l’inverse, Emmanuel Macron continue de promouvoir le sommet “Choose France”, rendez-vous annuel de la séduction d’investisseurs étrangers. À Versailles, les annonces d’implantations sont saluées comme des victoires diplomatiques. Mais derrière l’image léchée, la réalité est plus incertaine : ces investissements garantissent rarement la relocalisation durable des emplois ni la souveraineté industrielle.
Un patriotisme de façade
Depuis deux décennies, les gouvernements successifs ont accompagné, voire encouragé, la vente d’entreprises stratégiques, au nom de l’ouverture et de la compétitivité. Ce mouvement s’est opéré sans réelle vision de long terme, souvent au détriment de l’emploi et de la souveraineté.
Aujourd’hui, les conséquences sont visibles : dépendance accrue aux importations, vulnérabilité face aux crises mondiales, érosion des savoir-faire. Et pourtant, même lorsqu’une intervention publique pourrait sauver un site industriel ou relancer une production stratégique, l’État se dérobe.
Ce refus d’agir, face à des urgences qui engagent l’avenir du pays, interroge. Il ne s’agit plus seulement de choix économiques : c’est une certaine idée de l’intérêt général qui est en jeu. Cette passivité prolongée finit par ressembler à un reniement grave des responsabilités de l’État : une haute trahison.