« Personne ne te regarde comme le handball » ?

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« Personne ne te regarde comme le handball » ?

On reproche souvent dans la société aux rappeurs d’avoir une mauvaise influence et que les paroles de leurs textes auraient des retranscriptions immédiates dans la société. Mais quand c’est l’absurdité de la société qui rend ces paroles réelles, il y a de quoi s’interroger.

En décembre 2015, Booba écrivait dans le morceau 4G, « Personne te regarde comme le handball », malheureusement les joueuses de la première division féminine n’écouteront plus ce morceau avec autant de saveur si c’était le cas, depuis l’annonce tombée cette semaine de la non-diffusion du handball féminin pour cette saison.

C’est ce mercredi que l’information est tombée suite à l’absence d’accord trouvé entre le diffuseur BeIn Sports qui diffusait pourtant 15 matchs par an depuis 3 ans et la fédération. La fédération accuse Bein Sports d’avoir pris la responsabilité de ce choix via un communiqué en déclarant que Bein sports avait « décidé de réorienter son investissement pour couvrir intégralement le championnat Lidl Starligue [NDLR : première division masculine] ». De son côté, la chaîne conteste cette version et réaffirme son « soutien au sport féminin »

Un choc pour les joueuses

La nouvelle fut reçue avec colère par les premières concernées par cet arrêt de leur exposition. Allison Pineau, internationale française s’est empressée de réagir sur les réseaux sociaux avec un tweet parlant :

 Idem pour l’équipe du Havre qui a décidé de réagir par une vidéo devenue virale : 

 Colère relayée notamment par Béatrice Barbusse : 

Une stratégie qui questionne ?

Alors à qui la faute ? Difficile d’expliquer clairement cette situation, mais une chose questionne. Jusqu’ici, la diffusion n’était déjà que de quinze matchs, mais était négociée dans un pack comprenant également la diffusion du Handball masculin. Or, selon BeIN SPORTS, cette fois-ci, la Ligue et la Fédération auraient fait le choix, d’un commun accord avec la chaîne de séparer les deux offres et donc les deux négociations.

Si la fédération et la ligue sont aujourd’hui debout pour crier hurler au scandale et affirment continuer à chercher des solutions, il est toujours d’actualité de s’interroger sur la séparation de la négociation avec le Handball masculin. Dans un sport où l’argent prend de plus en plus de place, en témoigne le récent naming de cette fameuse Ligue désormais baptisée « Ligue Butagaz », les instances du handball ont un rôle déterminant à jouer concernant leurs équipes, leurs promotions… Entourés d’acteurs à but lucratifs, il est évident que si une volonté politique d’imposer le sport féminin existait, elle devrait être portée par ses instances, y compris dans leurs manières de négocier.

A contrecourant de la dynamique sportive

Par son tweet, Laurisa Landre résume bien le malaise 

https://twitter.com/lowaya971/status/1167057075618422784

La ligue le rappelle également dans son communiqué :

  • +250 % sur les budgets des clubs entre 2008-09 et 2019-20 (25,5 M€ en 2019-20)
  • Une part prépondérante prise par les recettes sponsoring dans les budgets des clubs (12 M€ en 2019-20 contre 8,9 M€ de subventions publiques)
  • Un encadrement administratif, sportif et médical professionnel à temps plein dans tous les clubs
  • Une moyenne par club de 12 joueuses professionnelles à temps plein (contre 8 en 2008-09)
  • 255.000 de spectateurs en moyenne dans les salles en 2018-19 (+140 %), dont des records de plus de 5.000 spectateurs
  • Des salles de mieux en mieux équipées grâce aux collectivités locales
  • Première ligue féminine sur les réseaux sociaux (280.380 abonnées pour la LFH et ses clubs sur Facebook, Twitter et Instagram)
  • 4 clubs vainqueurs de la Coupe d’Europe Challenge Cup
  • 2 clubs en Ligue des champions, dont un au Final 4 2018-19
  • Plus de 27 nationalités représentées dans le championnat
  • Le premier naming du sport féminin français avec l’arrivée de Butagaz
  • L’équipe de France féminine de handball a également accumulé un palmarès exceptionnel :
  • 6 participations consécutives aux Jeux olympiques (en incluant ceux de Tokyo 2020 pour lesquels les Bleues sont déjà qualifiées)
  • 1 médaille d’argent aux JO de Rio 2016
  • 10 participations consécutives aux Championnats d’Europe
  • 1 médaille d’or à l’EURO 2018 organisé en France, et un parcours devant plus de 9 millions de téléspectateurs et de 200.000 spectateurs dans les salles
  • 11 participations consécutives aux championnats du Monde
  • 2 médailles d’or aux Mondiaux 2003 et 2017

Alors pourquoi ? La question reste en suspens et les joueuses et autres actrices esperent que la situation évolue dans les prochains jours. Après une saison estivale marquée notamment par la Coupe du Monde Féminine de Football et les premiers résultats palpables des retours de l’exposition médiatique du sport féminin au sein des clubs, il serait grand temps que les pouvoirs publics s’en préoccupent… C’est en tout cas une demande qui émerge parmi celles lésées qui voient leur sport et leur pratique méprisés et qui s’inquiètent aussi légitimement de voir qu’elle sera l’impact de telles injustices en termes de redistribution des recettes notamment liées aux droits TV.


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