Prends ta subvention et tais-toi

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Prends ta subvention et tais-toi

Lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, la palme d’or, Juliette Triet, aura fait parler d’elle. Avec un discours aux contours militants, la réalisatrice s’est attiré les foudres de la ministre de la Culture et du reste de la macronie. Dans ses mots, elle dénonce notamment l’ignorance du gouvernement face au mouvement des retraites et la marchandisation de la culture. 

Rien de bien choquant, pourtant à Cannes, en dehors des films, les contestations sont proscrites dans l’univers aseptisé du tapis rouge. 

Les arguments des détracteurs pour railler les propos de Juliette Triet ? Le subventionnement de son film. 

Financement public veut-il dire interdiction de critiquer les politiques gouvernementales ? 

À entendre la ministre, on croirait que oui. Pourtant, lorsqu’un artiste cherche à obtenir un financement public, c’est bien pour ne rien devoir au privé et pouvoir s’exprimer sans être censuré. Cette liberté de création et d’expression est au cœur de notre maillage culturel. Le remettre en question, c’est remettre en question un héritage, mais aussi une liberté fondamentale. 

De plus, lorsque Juliette Triet critique la marchandisation de la culture, elle n’a pas tellement tort. « Ne mords pas la main qui te nourrit », disait le comité sénatorial des finances. Un dicton sur fond de capitalisme qui sonne faux lorsque les grèves s’enchaînent. À l’image du directeur du théâtre Nouvelle Génération à Lyon, la droite aurait préféré que Juliette Triet garde ses critiques pour elle, puisqu’elle a reçu un financement public. 

Au-delà de ça, lorsque l’on regarde les objectifs de rentabilité demandés pour obtenir une subvention, on peut légitimement penser que la marchandisation de la culture est en route. Combien de public l’action va-t-elle toucher ? Combien de représentations ? Combien de recettes sont envisagées ? 

Demander des subventions ne fait certainement pas rêver les artistes et les lieux pourtant ils et elles le font, car sans ça, ce serait canal+ et autres entreprises privées qui auraient entre leurs mains la culture française. Laissons-les créer, car c’est leur travail, charge au corps politique de faire le sien sans attendre des artistes qu’ils et elles restent bien tranquilles.


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