Un nouveau gouvernement mais pas de nouvel élan

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Un nouveau gouvernement mais pas de nouvel élan

Après deux semaines, un nouveau gouvernement a été dévoilé. Aucune surprise dans les nominations, le couple exécutif a fait l’illustration de la faiblesse de sa base.

Deux semaines pour un gouvernement

Deux semaines auront été nécessaires pour former le nouveau gouvernement. Deux semaines impossible à justifier. Les raisons ont d’ailleurs varié au fil de temps, signe du malaise provoqué par la situation. D’abord ce fut la faute à la haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont les contrôles auraient ralenti le processus. Ce fut ensuite la nécessité de consulter, de prendre le temps. Puis finalement un voyage présidentiel en Arménie, pour le sommet de la francophonie.

Le seul mérite de ce feuilleton est finalement d’avoir réussi à presque faire oublier celui du départ de Gérard Collomb à l’origine de ce remaniement. Cependant ce délai a mis à jour les contradictions de la Macronie. Il a également achevé de mettre fin à l’image de maître des horloges et de vitesse qu’avait su se construire le Président. Ce renouvellement par sa lenteur a transpiré l’hésitation et le doute.

Pas de nouveau souffle

Le résultat de ce remaniement n’a pas permis, par un coup d’éclat, de dissiper le sentiment de doute installé par le temps nécessaire à son accouchement. Nulle figure populaire issue de la société civile. Nul “poids lourd” de la politique issu du vieux monde. Le remaniement est la fois trop important pour uniquement constituer un ajustement suite à une démission, et trop faible pour être interprété comme un nouvel élan.

Le résultat est effarant, un peu plus d’un an après son élection, le Président est réduit à redéployer son premier cercle incapable de faire mieux. Le choix de profils de second plan au vu du délai de formation de ce nouveau gouvernement ressemble fort à un aveu d’échec pour le couple exécutif incapable d’attirer des profils plus solides. Ce gouvernement, déjà pour partie composé d’inconnus, a vu partir deux de ses figures les plus identifiées sans réelle compensation. Le Président de la République ne s’en trouve que plus exposé.

Les divisions du camp présidentiel exposées

Les deux semaines nécessaires à ce remaniement auront largement permis aux différentes chapelles de la macronie de faire entendre leurs voix multiples. Aussi le résultat final doit nécessairement se lire sous ce prisme. On observe d’ailleurs le respect d’un certain équilibre, la formation tient donc davantage d’un subtil jeu d’équilibre que du disruptif. Un ancien LR prend la culture, quand un ancien PS hérite de l’agriculture. Le Modem voit ses positions renforcées avec la promotion de Jacqueline Gourault à la tête d’un ministère des territoires et Marc Fesneau qui passe de la présidence du groupe Modem à l’Assemblée au ministère des relations avec le parlement.

Les macronistes historiques sont récompensés avec le ministère de l’intérieur attribué à Castaner qui dirigeait jusqu’à présent le parti présidentiel tout en étant ministre des relations avec le parlement. La composante “business” issue du privé se voit aussi rassurée par la nomination de la lobbyiste en cheffe de Danone dans un secrétariat d’Etat auprès du ministre de l’environnement. Le ministère de Marlène Schiappa est renforcé par l’ajout de la question des discriminations. Le grand perdant à ce petit jeu est la République En Marche qui se voit décapitée à quelques mois des élections européennes.

Un binôme pour la police

Le binôme nommé à l’intérieur est composé de Castaner, fidèle parmi les fidèles du président. La loyauté à la personne de Macron étant sa principale qualité, il semble que le Président ait jugé bon de lui adjoindre le désormais ancien directeur de la DGSI, issu du corps préfectoral. Un binôme donc pour le moins étrange composé d’un profil très “politique” et d’un autre très “technicien”. Une nouvelle sorte de “en même temps” macronien.

Les contestations régulières des pratiques policières interrogent toutefois forcément la pertinence de la présence d’un “homme de la maison” à la tête de ce ministère. Difficile de compter sur ce dernier pour faire évoluer les pratiques de la police. Quand à son ministre de tutelle, ses premiers pas ont été laborieux. Conspué par les sénateurs de droite pour sa désinvolture dans ses réponses, il n’a guère convaincu personne en mettant en scène rapidement deux déplacements éclairs le jour même de son investiture.

Un sous-secrétariat d’Etat à la jeunesse

Le ministère de la jeunesse n’est pas réapparu avec ce remaniement, il est toujours intégré au ministère de l’éducation. Toutefois un secrétaire d’Etat a été nommé en la personne de Gabriel Attal. Ancien socialiste membre du cabinet de Marisol Tourraine sous le gouvernement précédent, il a su rapidement se rallier à Emmanuel Macron pour être élu député. Il s’est notamment fait connaître en étant le rapporteur de la loi ORE qui a mis en place la sélection et Parcoursup.

Ce dernier hérite toutefois d’une mission bien précise concernant la jeunesse, le déploiement du service national universel, dont la tutelle n’est plus au ministère des armées. Ce changement de ministère pour déployer cette promesse présidentielle illustre bien le changement radical de conception et le flou qui demeure autour de son contour. Il apparaît également que le jeune secrétaire d’Etat aura aussi un rôle de porte parole informel. Il ne faut donc pas attendre une réelle politique jeunesse de la part de ce sous-secrétariat d’Etat.

Une allocution présidentielle ratée

Pour compléter ce sombre tableau de ce nouveau gouvernement, le président de la république a jugé pertinent de faire une allocution télévisée. Cette dernière accouché plus rapidement que le gouvernement subit pourtant le même manque d’éclat. Le Président y apparaît dans une lumière tamisée, des feuilles de notes raturées devant lui. Dans un discours ennuyant n’apportant quasiment aucun nouveau élément le président semble tenter de se convaincre lui même en affirmant que ce remaniement ne constitue pas un changement de cap.

Le rendu crépusculaire de la vidéo fait écho au resserrement de la majorité observé dans ce remaniement. Le contraste avec l’année passée est saisissant. Le Président de la République a peut-être gardé la même boussole, il semble en revanche qu’il ait perdu tout son lustre.


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