Chili : où en est la deuxième tentative de changement de constitution ?

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Chili : où en est la deuxième tentative de changement de constitution ?

Alors que le Chili vient d’adopter le passage du temps de travail hebdomadaire de 45 à 40 heures, c’est l’avenir de la constitution du pays qui sera en jeu le 7 mai prochain, avec l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante. 

Certes, le peuple chilien s’était largement prononcé, avec près de 62 % des scrutins, en défaveur du changement de sa constitution par le biais du référendum du 4 septembre 2022. La gauche chilienne et le président de la République Gabriel Boric n’ont pas pour autant dit leur dernier mot et s’apprêtent à mettre définitivement un terme à la constitution de 1980. Toujours en vigueur aujourd’hui, elle avait été mise en place au cours de la dictature militaire d’Augusto Pinochet.

Bien que, depuis 1980, la constitution ait été amendée à de nombreuses reprises, elle établit de fait un système économique néolibéral, formé sur la privatisation des biens publics chiliens, y compris de secteurs clefs comme la santé, l’éducation ou encore l’eau.

La première tentative de changement de constitution avait pour origine un mouvement social d’ampleur historique au Chili, en lien avec l’augmentation du tarif des transports en commun à Santiago entre 2019 et 2021.

L’importance de l’élection du 7 mai

En janvier 2023, un comité d’experts de 24 personnes désignées par le Parlement (12 par l’Assemblée, 12 par le Sénat) a la responsabilité de rédiger un avant-projet de constitution.

Cette commission d’experts est cependant composée d’un groupe conservateur important : « Chile Vamos » (avec 10 sièges), dirigé par l’ancien président de la république, autoritaire et néolibéral, Sebastián Piñera qui avait très brutalement réprimé le mouvement social de 2019-2021 avec un bilan d’au moins 30 morts et 12 000 blessés.

Ces experts rejoindront un Conseil constitutionnel de 50 représentants élus par le peuple chilien le 7 mai 2023, lors d’un scrutin avec vote obligatoire. 

Les Chiliens sont appelés à voter pour des listes ouvertes, avec la possibilité d’un vote préférentiel pour l’un des candidats de la liste. Le Conseil qui devra valider le projet abouti de constitution sera paritaire hommes-femmes, et les peuples autochtones n’auront plus de quota de sièges garanti comme c’était le cas lors de la précédente tentative de réforme.

La mise en place d’une réforme constitutionnelle progressiste semble donc passer par l’élection d’une majorité de conseillers de gauche le 7 mai prochain.

Une campagne active

Pour se faire, les différents partis politiques issus de la gauche chilienne ont constitué dès février une alliance électorale : « Unidad para Chile » (Unité pour le Chili), allant des communistes au Parti libéral, en passant par « Convergence sociale », le parti dont est issu le président Gabriel Boric.

À moins d’un mois de l’élection, la campagne fait rage. Le Parti communiste du Chili a de multiples candidats partout à travers le pays, comme Kenssel Rojas en Atacama, Valeria Chacana au Coquimbo ou encore José Mardones en Antofagasta.

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Convaincre les masses

Si la gauche chilienne veut réellement réussir à changer la constitution, cette fois, elle devra conquérir les masses, que ce soit le 7 mai, ou plus tard avec le deuxième référendum qui devrait avoir lieu en décembre.

L’un des principaux enjeux pour la gauche et le Parti communiste est notamment de parler davantage aux Chiliens « apolitisés ». Lors du précédent référendum, 4,5 millions de personnes ont voté pour la première fois au Chili : cela est en grande partie dû à l’obligation du vote pour ce scrutin alors qu’il est généralement volontaire dans le pays. 

Au-delà même des abstentionnistes, il est impératif pour la gauche chilienne de reconquérir l’électorat populaire. En décembre 2021, l’élection de Gabriel Boric avait créé de nombreux espoirs auprès des travailleurs chiliens. Certains allaient même jusqu’à le comparer à Salvador Allende, président socialiste du Chili de 1970 à 1973. 

Cependant, la politique qu’il mène depuis près de deux ans et demi semble décevoir : nomination d’un ancien président de la Banque Centrale au ministère de l’Économie, chute du pouvoir d’achat des Chiliens… Le mandat de Gabriel Boric semble donner l’image d’un gouvernement incapable de s’opposer frontalement à la finance.

Le changement de constitution nécessite une reconquête des masses populaires au Chili, et cela passe par la mise en place de mesures sociales fortes, favorables au monde du travail, comme c’est le cas de la semaine de travail à 40 heures votée mercredi 12 avril.

La mise en place des 40 heures de travail hebdomadaire

Ce projet ambitieux (car le temps de travail par semaine est de 48 heures dans la plupart des pays d’Amérique latine) porté par le Parti communiste du Chili depuis 2017 sera effectif au cours des cinq prochaines années.

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C’est avec de fortes mesures sociales comme celle-ci que le gouvernement peut espérer convaincre et éviter un second échec de réforme constitutionnelle. 

Comme le dit un dicton populaire sur place : « le néolibéralisme est né au Chili, et y mourra également ».

Faire tomber la constitution pinochetiste de 1980 est un premier pas vers un pays libéré du fléau que représente le néolibéralisme. Pour la suite, rendez-vous le 7 mai… 


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