Élections parlementaires en Pologne : victoire européiste face à la réaction

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Élections parlementaires en Pologne : victoire européiste face à la réaction

La Plateforme civique de Donald Tusk, conservatrice et européiste, arrive en deuxième position des élections parlementaires du 15 octobre dernier en Pologne. En cas d’union avec la gauche et la Troisième voie, les libéraux pourraient former un gouvernement de coalition en capacité de chasser l’extrême-droite réactionnaire du pouvoir, qui y est installée depuis 2015.

Les élections du 15 octobre

Le dimanche 15 octobre 2023, se tenaient des élections parlementaires ayant pour objectif de renouveler l’entièreté du corps parlementaire polonais. C’est ainsi que, par le biais d’un scrutin proportionnel, les 460 députés de la Diète et les 100 sénateurs, répartis dans 41 circonscriptions électorales, ont été élus.

La participation électorale fut historique, dépassant les 74 %, ce qui est bien supérieur aux précédentes échéances et dépasse même largement le record des élections de 1989 (62,7 % de participation) marquées par la chute du socialisme. On a notamment observé cette année un déplacement massif des jeunes (près de 70 % de participation contre 46 % en 2019) et des femmes (près de 75 % de participation).

Un référendum organisé ce même 15 octobre a vu le peuple polonais s’opposer à plus de 95 % à la privatisation d’entreprises publiques, au passage de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, au retrait de la barrière à la frontière biélorusse et au pacte migratoire européen.

Une débâcle réactionnaire ? 

Le parti réactionnaire PiS, au pouvoir depuis 2015, arrive en tête des élections avec plus de 35 % des scrutins, mais n’obtient que 194 députés et 34 sénateurs, perdant ainsi sa majorité absolue à la Diète (il ne l’avait déjà pas au Sénat). Son potentiel allié d’extrême droite, la Confédération, obtient 18 sièges à la Diète, ce qui n’est pas suffisant pour constituer une majorité.

La Plateforme civique, parti europhile, conservateur et libéral, a quant à elle obtenu 157 députés. Unie à l’alliance électorale démocrate-chrétienne dite de la Troisième voie (65 sièges) et à La gauche (26 sièges), la Plateforme peut espérer obtenir la majorité absolue à la Diète et au Sénat, et ainsi faire tomber le gouvernement réactionnaire de Mateusz Morawiecki.

Donald Tusk, président de la Plateforme civique et ancien président du Conseil européen, a lui-même déclaré dès dimanche : « La Pologne a gagné, la démocratie a gagné, nous les avons chassés du pouvoir. C’est la fin de cette mauvaise période, c’est la fin du règne du PiS. »

Une possible coalition se heurterait cependant à la présidence d’Andrzej Duda, élu en 2015 et réélu en 2020, proche du PiS, et dont le mandat n’expirera qu’en août 2025. Le président n’a toujours pas annoncé la formation d’un nouveau gouvernement, et l’opposition europhile ne bénéficierait pas des trois cinquièmes des sièges nécessaires afin de pouvoir passer outre le veto présidentiel.

La déferlante libérale

C’est la Plateforme civique de Donald Tusk qui serait le principal pilier d’une coalition face au PiS. Le parti, arrivé en deuxième position dimanche, obtient 30,7 % des scrutins, gagne 23 députés et passe donc à 157 sièges à la Diète.

Donald Tusk a fait de la libéralisation du droit à l’avortement une promesse de campagne, alors que la Pologne est l’un des pays européens où la loi y est la plus sévère, l’IVG n’y étant autorisée qu’en cas de viol, d’inceste ou de mise en danger pour la mère ou l’enfant. La voix que porte l’ancien président du Conseil européen semble cependant isolée au sein même du parti qu’il préside. La Plateforme étant toujours officiellement très conservatrice sur les questions sociétales, défavorable à l’avortement et fermement opposée au mariage homosexuel.

La Plateforme civique reste avant tout un parti profondément libéral, fidèle aux directives bruxelloises. Il s’agit du seul parti politique polonais à s’être opposé à l’augmentation des impôts sur le revenu pour les personnes les plus riches en 2004, souhaite réduire le coin fiscal et lancer une grande vague de privatisations à travers le pays.

La gauche : grande perdante des élections

En définitive, la grande perdante de ces élections parlementaires est… la gauche. La coalition homonyme, unissant les partis progressistes de la Nouvelle gauche (centre-gauche) au Parti socialiste derrière les figures de Włodzimierz Czarzasty et de Robert Biedroń, n’a obtenu que 8,1 % des scrutins et perd 23 de ses sièges à la Diète, passant à un total de 26.

La gauche polonaise ne semble pas parler aux travailleurs. Entièrement dévouée à Bruxelles, elle paraît aujourd’hui empêtrée dans la doctrine libérale, comme seule alternative à l’euroscepticisme réactionnaire du PiS, et ne se démarque des autres forces politiques que sur le plan sociétal.


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